Au confins de la Gironde, la jolie bastide de Monségur propose depuis plus de 30 ans une programmation à la fois ambitieuse mais accessible à tous et à des tarifs très raisonnables. 
Cette recette fait de cette bastide un des festivals du Sud-Ouest parmi les plus attachants et authentiques. 
C’est une fête de bourgade, à la fois décontractée, familiale et qualitative, orchestrée par Philippe Vigier (directeur artistique et animateur à France Bleu Gironde) qui déniche les artistes à découvrir ou à redécouvrir. 

Après l’ouverture avec Cyrille Aimée, le vendredi, ce samedi soir 8 juillet est certainement la plus festive des 3 journées avec The Soul Jazz Rebels, Nojazz et Electrophazz qui se succèdent sur la belle place des tilleuls.

Loin de l’image bobo des grands rendez-vous jazz surfaits de l’été, les 24 heures du Swing sont restées authentiques et généreuses. Pour 20 euros (en plein tarif) ce sont 3 sets qui promettent une ambiance assez  »caliente » et qui vont s’enchaîner pour le plaisir des spectateurs venus nombreux dès l’heure de l’apéro.

Que l’on ne s’y trompe pas, les plus grands artistes aussi aiment se retrouver dans ces lieux éloignés des phénomènes de mode, mais dont la sincérité d’un public vraiment amateur suffit à créer l’alchimie du bonheur; à l’instar du festival de jazz d’Andernos qui souffle cet été ses 50 bougies, Monségur a déjà accueilli Jean-luc Ponty, Christian McBride, Jacky Terrasson, Stéphane Belmondo, Maceo Parker, Benny Golson, Fred Wesley, Kenny Baron, Cécile Mac Lorin Salvant, Incognito… et que ceux que je n’ai pas cités ne se sentent pas vexés. Un festival de tous les jazz pour tous les âges.

The Soul Jazz Rebels

Samedi 8  juillet – Les Tilleuls 21h00

La température de ce début juillet est bien généreuse elle aussi. Plus de 30 degrés au thermomètre à 19h00, pile au moment où Jean Vernhères (saxophone baryton), Hervé Saint-Guirons dit  »le révérend » (orgue), Christian Ton Ton Salut (batterie) et Cyril Amourette (guitare) font résonner les premières notes.

La recette est efficace. Du swing et de la soul à tous les pupitres. Des mélodies « funky et séduisantes », comme annoncé sur le programme du festival et des chorus mélodiques de haute volée, distillés tour à tour au sax, à la guitare ou à l’orgue. Les membres de ce quartet girondin ne boudent pas leur plaisir d’ouvrir le bal ce soir, et la quantité de sueur qui trempent leurs chemises traduit bien leur débauche d’énergie. Avec des titres tels que baby-foot partie, unle jungle, don’t stop the boogaloo… le groove et les interprètes ne peuvent que transpirer !


NoJazz

Samedi 8 juillet – Les Tilleuls 22h00

Petit break désaltérant pour tous et changement de plateau.

Le jour décline et avec lui la température ; le mur végétal de la place des tilleuls sur lequel est adossée la scène éclairée par les projecteurs devient un régal pour les yeux. Pour régaler les oreilles voilà Nojazz ! les pionniers de l’électro jazz français surgissent sur scène avec leurs anciens tubes et de nouvelles compositions ou plutôt des re-compositions.
Le trio initial formé de Philippe Balatier (claviers, chant et machines) alias  »Balatman », Philippe Sellam (saxophone) alias  »Captain Slam » et Pascal Reva (batterie, guitare, chant) est désormais rejoint par Sylvain Gonthard (trompette).
Provocateur dans l’âme jusqu’à s’appeler Nojazz, ce collectif est d’abord une bande de potes et d’excellents musiciens. Leur technique n’a rien à envier à des groupes plébiscités par les  »puristes » de la note bleue.
Depuis sa création, il y a plus de 20 ans les références jazz sont là, détournées, évoquées, triturées mais désormais assumées. Les collabs avec des noms tels que Stevie Wonder, Maurice White, Mino Cinelu, Nicolas Folmer, Maë Defays, Claude Nougaro, C2C et Téo Macero (producteur de Miles Davis et de Charlie Mingus)… montrent que Nojazz est bel et bien imprégné de ce souffle de liberté vital inimitable appelé  »Jazz ». En 2005, la chanson de Sivana Mangano El negro Zumbom (1951) https://www.youtube.com/watch?v=S0y6jXo_vQ8 faisait l’objet d’une très chic relecture électrifiée. Cette fois les 4 fantastiques s’attaquent au répertoire des standards les plus connus en les cuisinant à la sauce électro maison.
Presque tous les styles et tous les grands y passent. Girl from Ipanema (Carlos Jobim), Night & Day (Cole Porter), Take 5 (Dave Brubeck), It don’t Mean a thing (Louis Armstrons & Ella Fitgerald), Caravan (Duke Ellington), Summertime (George Gershwib)… et quelques autres.
L’album sobrement appelé Nojazz play jazz sorti en 2022 passe très bien sûr scène. Les morceaux chantés sont finement interprétés par Célia Marissal originaire du cru et bien connue en région bordelaise. (Cf. concert de Roger Biwandu 28/01/2023 https://lagazettebleuedactionjazz.fr/roger-kemp-biwandu-rocher-de-palmer/).

Comme le dit Phlippe Vigier, assis suffisamment près de moi pour que j’entende sa jolie remarque « Ben, Gararock, ce n’est pas terminé !? ». 
De l’emblématique Nojazz song aux titres plus récemment sortis en passant par des morceaux très dance comme Open your mind there’s a party going on, la formule musicale séduisante et entraînante de Nojazz fait de l’effet. Ça bouge, c’est joyeux, facile à écouter et sacrément en place ! Solos endiablés, effets maîtrisés, arrangements travaillés, son impeccable, c’est mieux que sur les disques, grâce à l’ambiance et la belle communion avec le public.

Bon… presque 23h00, les Nojazz sortent de scène et leurs doigts de la prise 220 v.
Le temps que le backline change la scène pour le prochain groupe, on se désaltère, on mange une glace, on discute, on refait le match.


Electrophazz

Samedi 8 juillet – Les Tilleuls 23h30

A l’arrivée sur scène du collectif Electrophazz, on ne peut imaginer que cette bande de 6 musiciens juvéniles embrase autant la place des tilleuls.

Yann Phayphet (basse), David Marion (claviers), Jean-Alain Boissy (sax et vocoder) et Japhet Bolisthene (batterie) se sont connus en école d’ingénieurs à Lyon et jouent ensemble depuis plus de 12 ans. Ce soir Mickaëlle Leslie au chant et le rappeur londonien Eneeks ont rejoint le noyau dur pour interpréter notamment les nouveaux titres de l’album qui sortira le 3 octobre 2023. Auparavant 2 projets enregistrés notamment avec la chanteuse Célia Kameni (cf. projet avec le pianiste Alfio Origlio) ont déjà permis au groupe d’affirmer leur son et leurs idées.
La valeur n’attend pas ne nombre des années selon Corneille (Pierre, et non pas le chanteur) et ces jeunes-là n’ont aucun complexe à avoir après les vieux briscards de Nojazz.
Le style n’est pas résolument nouveau, mais le groove est pur, franc, sacrément musical et le tout vraiment rafraichissant et moderne avec ses touches subtiles de rap et d’effets 2.0.
Mickaëlle Leslie éclabousse de son talent, de sa voix et de son humanité ; ses mots touchants et émouvants emportent le public autant que sa puissance vocale. Si le mot énergie devait trouver une égérie, elle pourrait parfaitement jouer ce rôle. Dansant et chantant devant la scène au milieu du public, elle met littéralement le feu.
Les morceaux s’enchainent et l’intensité ne s’essouffle à aucun moment. Une jolie ballade vient ponctuer d’émotion le set jusqu’au moment où la chanteuse finit la chanson en larmes. Tout le monde ressent alors l’émoi profond que le texte (en anglais) provoque chez elle. Un, deux rappels et le concert s’achève en feu d’artifice.
En lien, un petit aperçu de leur futur album qui devrait s’intituler approximativement Back to the future, selon les indications que j’ai pu glaner au bas de la scène où les stars de la soirée ont plaisir à partager, échanger, signer leurs CD avec la classe des plus grands et la spontanéité de leurs jeunes années.

https://www.google.com/search?q=electrophazz+michaelle+leslie&client=firefox-b-d&ei=DUTFZNyTE82rkdUPna2mmAw&ved=0ahUKEwiczpDNsLSAAxXNVaQEHZ2WCcMQ4dUDCA4&uact=5&oq=electrophazz+michaelle+leslie&gs_lp=Egxnd3Mtd2l6LXNlcnAiHWVsZWN0cm9waGF6eiBtaWNoYWVsbGUgbGVzbGllMgcQIRigARgKSN5WUOEJWKpUcAF4AZABAJgBkwGgAYwOqgEDOC45uAEDyAEA-AEBwgIKEAAYRxjWBBiwA8ICBRAAGIAEwgIGEAAYHhgPwgIJEAAYHhgPGPEEwgIFECEYoAHiAwQYACBBiAYBkAYC&sclient=gws-wiz-serp#fpstate=ive&vld=cid:d7fc3c75,vid:zf8NKySuaAI

Un grand bravo à tous les musiciens de cette soirée mémorable et merci Philippe Vigier d’avoir déniché et insisté pour programmer Electrophazz qui aurait déjà dû se produire à Monségur, avant qu’un certain coronavirus ne vienne contrarier quelque peu les plans de pas mal d’entre nous !

par Vince, photos Alain Pelletier / tamkka


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