Pierre Drevet - Claire Vaillant - Brussels Jazz Orchestra - La Gazette Bleue

ECHANGƎ

[COUP DE CŒUR] Découvrir un jour le jazz en écoutant un big band, c’est un peu comme se trouver au cœur d’un big bang émotionnel, qui nous plonge dans une marmite de potion magique bouillonnante. Nous voici alors entrainés au plus profond d’un irrésistible tourbillon, d’où jaillissent mille et une gouttes bleutées, qui nous baptisent au jazz, et peuvent à jamais déflorer nos candides oreilles. Comme en témoigne l’histoire du jazz et en y fouillant bien, tout est possible dans un big band, en alternance de climats, d’inspirations traditionnelles en turbulences libérées, free, rock, groove, ou même avant-gardiste. Tout peut plaire à des mélomanes curieux, quels que soient leurs goûts musicaux, par la variété des couleurs superposées et la puissance de ce souffle collectif. Depuis le début du 20^ème siècle, des noms prestigieux ont ainsi mené ce genre de formations, et ont participé à construire le jazz, dans sa vive diversité, de Duke Ellington au Liberation Music Orchestra de Charlie Haden, en passant par Count Basie et Gil Evans. Mais il y en a bien d’autres, tout autour de la planète, et même en Europe, comme par exemple, en France, le Big Band Lumière de Laurent Cugny ou encore l’ONJ, le WDR Big Band en Allemagne, et en Belgique, cet époustouflant Brussels Jazz Orchestra, fort de vingt membres, dont en tête de file Pierre Drevet (trompette, bugle, compositions et arrangements) et Claire Vaillant (chant), que nous découvrons avec « ECHANGƎ », enregistré en public, lors d’un concert à Vienne en novembre 2019. Pierre Drevet officie depuis de nombreuses années au sein du Brussels Jazz Orchestra, ensemble dont la réputation est internationale. Trompettiste de haut vol, et orfèvre arrangeur et compositeur, il s’est maintes fois fondu à l’édifice, notamment lors d’un hommage remarqué à Maurice Ravel. Ses autres expériences le voient notamment croiser l’ONJ (dirigé alors par Laurent Cugny), Riccardo Del Fra lors de la tournée hommage à Chet Baker, ainsi que Charles Aznavour (arrangements de « Jazznavour »). Sacré cv ! Mais c’est « Lilananda », un projet à forte tendance brésilienne, qui met le plus son âme à vif, et scelle sa connivence musicale avec Claire Vaillant. Chanteuse à la voix « instrumentale », dont le timbre magnifique s’accorde aux splendeurs harmoniques du présent disque, elle aussi a collaboré à divers projets, dont la variété épate, et en particulier à « Sometime Suite 2010 », hommage à la musique de Kenny Wheeler. Et c’est là que, dès les premières notes du morceau titre, un déclic se produit. L’union de la voix cuivrée de Pierre Drevet à celle presque diaphane de Claire Vaillant, célébrée sur l’autel somptueux qu’offre déjà le Big Band, est bien plus qu’un simple « échange », mais une cérémonie esthétique exaltante, dont le lyrisme lumineux et sensible, soutenu par le magistral collectif, rappelle l’association magique qui liait jadis Kenny Wheeler et Norma Winstone, notamment sur l’album Music for large & small ensembles. Le morceau « For Kenny » est à ce titre lourd de sens ! Portées par des musiciens de tout premier plan, tous solistes émérites, idéalement dirigés, les huit compositions, aux sources multiples, alliant subtilement tradition et modernité, s’enchainent remarquablement, en des durées sensiblement égales, dans une profusion de sons et d’élans, et avancent comme une marche bienveillante et pacifique, en une suite précise et inexorable, en quête d’une beauté absolue. De « ECHANGE » à « PLASTICMUSIC », aucun répit possible, simplement écouter et se laisser transporter, en prenant part ébahi à la vie, fulgurante et enthousiasmante, de cet échange vital !