Pierre de Bethmann Trio

Eymet, Samedi 9 mars 2024

Photo (droits réservés)

Pierre de Bethmann (piano), Nelson Veras (guitare), Sylvain Romano (contrebasse)

Dans la jubilatoire programmation de Jazz Off, la soirée du trio Pierre de Bethmann promet beaucoup. Depuis 19 ans, la salle Jeanne de Poitiers du Château d’Eymet est un écrin dans lequel Maquiz’Art fait vibrer les vieilles pierres au rythme d’une quinzaine de rendez-vous musicaux, sous la houlette de Laurent Pasquon.

Pour la saison 2023 2024, Isabel Sörling (chant), Yonathan Avishaï (piano), Eric Seva (saxophone), entres autres, sont programmés et la série de concerts sera clôturée (exceptionnellement tardivement) le 2 juillet avec le duo Paolo Fresu & Omar Sosa.

Pierre de Bethmann, prolifique pianiste, compte près de 20 projets sous son nom et de multiples collaborations dont Prysm et plus récemment Pianoforte.

Ce soir, le trio réuni autour de PDB est formé du très fidèle Sylvain Romano (contrebasse), complice des 5 opus « Essais » composés pour un format trio entre 2015 et 2023. Sur le plus récent paru en 2023, la rythmique batterie a cédé la place à l’harmonique guitare de Nelson Veras. Ce dernier est le plus frenchy des guitaristes brésiliens, au CV impressionnant et le sideman le plus demandé du jazz français depuis près de 30 ans.

Le diner servi, la scène s’éclaire. L’émotion de Laurent Pasquon est palpable au moment de présenter le trio de l’artiste de ce soir et aussi Pierre De Bethmann, l’ami.

Le trio s’installe et le silence aussi dans la salle.

Le set débute en guitare solo, à laquelle se joint la basse et le piano s’exprime en dernier. Phrasé volubile et jeu facétieux, PDB joue pour son plaisir et celui du public, l’oreille suspendue à chaque note.

Pierre prend la parole : le programme de ce soir sera essentiellement puisé dans le projet « Essais volume 5 » qui, selon son auteur, n’a « pas de concept, pas d’offre marketing ». Juste le plaisir très jazzistique de s’approprier des titres, de les revisiter, faisant ainsi naître des standards. Au pays du rugby, il faut bien expliquer que ces 5 « Essais » sont des propositions de relecture de beaux morceaux, dont le choix s’est fait sans réel projet, seulement une proposition singulière et intime.

Le premier titre « Love for sale » de Cole Porter, « un peu tordu, (mais on aime faire cela) » comme dit Pierre, est la parfaite illustration du jeu, à tous les sens du terme. Pierre joue : s’amuse, interprète, divertit et se joue aussi des codes et des formats commerciaux. Il est libre.

Emu lieu aussi, PDB évoque ses origines en Périgord et l’attachement qui le lie à Laurent et à l’association depuis longtemps. Son humanité à fleur de peau, sa proximité dans les mots, sa douceur dans le regard installent immédiatement une complicité avec le public.

Le silence parfait de la salle est le signe d’une écoute parfaite, permettant de percevoir les plus effets. Le son acoustique est parfait lui aussi et la chaleur du bois de la pièce enveloppe le trio.

Presque chaque morceau est commenté. « All the things you are », thème repris par Lee Konitz sous le nom de « Thingin’ » est une « déformation de la déformation, une mise en abyme, mais pas au fond de l’abime » (rires) ! L’exposition du thème à l’unisson piano et guitare fait son effet.

Suit le morceau « The Woodcocks » de John Taylor ; sur ce titre mid tempo, PDB prend plus d’espace et son chorus très véloce enflamme le public qui applaudit de rechef.

Un peu plus sage à présent, le thème du film « Un singe en hiver », que Pierre dédie à sa fille, présente dans la salle.

A la fin du premier set, « Amparo » de Tom Jobim, titre écrit en 1970, renait véritablement à travers la très belle connivence entre la guitare et le piano. La basse soutient et structure le dialogue et les petites folies qui s’échappent des doigts des solistes régalent l’auditoire.

Après l’entracte, et les verres de l’amitié (mention spéciale pour la cuvée locale Improvinisation) le trio remet le couvert.

Le solo de basse sur « Snake hip waltz » de Andrew Hill est un modèle du genre. Justesse, précision, articulation du phrasé, tout est parfait. Les titres s’enchainent : « The Oracle » de Dave Holland, « Nicolette » de Kenny Wheeler, « Without a song » de Bill Evans et aussi le second mouvement de la 7ème symphonie de Beethoven.

Ce tube du classique ne se dévoile pas immédiatement ; totalement pixélisé au début, le thème se précise au fur et à mesure qu’il se restructure. L’effet est saisissant.

En rappel, un extrait de comédie musicale « For heaven’s sake » mêlé au titre de Keith Jarett « Semblance », clôturent cette soirée exceptionnelle.

Disponible autant après le concert que généreux pendant, Pierre de Bethmann me confie qu’un nouvel « Essai volume N°6 » est dans les tuyaux. Soyez donc attentifs !

Côté Maquiz’Art, on peut annoncer en avant-première, la résidence d’Omar Sosa du 16 au19 octobre, suivi par un concert où il sera accompagné de son complice Christophe « Disco » Minck. Soyez donc réactifs, les billets seront bientôt en vente !

Set list

  • 01 – Love for sale (Cole Porter)
  • 02 – Thingin’ (Lee Konitz)
  • 03 – Un Singe en Hiver (Michel Magne)
  • 04 – The Woodcocks (John Taylor)
  • 05 – Amparo (Tom Jobim)
  • 06 – Snake hip waltz (Andrew Hill)
  • 07 – The Oracle (Dave Holland)
  • 08 – Nicolette (Kenny Wheeler)
  • 09 – Without a song (Bill Evans)
  • 10 – Second mouvement 7ème symphonie (Ludwig van Beethoven)

Rappel – For heaven’s sake / Semblance (Keith Jarett)

Photos Joel Delayre ©

Signé Vince.

Galerie photo Joel Delayre © :