Vendredi 2 juin 2023 – St-Caprais-de- Bordeaux, 19h.


Big Band de la classe jazz de 4e du collège
Éléonore de Provence de Monségur

Photo Anne Maurellet ©

Que de sérieux et de passion pour ce Big Bang (12 musiciens filles et garçons, parité respectée!) de la classe jazz de 4e du collège Éléonore de Provence de Monségur ! Et une guitare chantante pour démarrer ce moment fort en groove.  Charlie Parker et autres grands du jazz se trémoussent sûrement en entendant avec plaisir ce joyeux Big Band qui s’applique à les honorer.  

L’orage n’effraie personne, chacun trop occupé à suivre la variété des morceaux choisis avec une orchestration précise : chercher le son juste, le mieux ressenti, en mesure et ensemble est un art et demande beaucoup de travail. Ce Big band s’y emploie : 4 saxophones, 4 trompettes, 2 guitares, un clavier de concert ! Batterie et basse assure la continuité, et  on voit dans les yeux de tous concentration et recherche du meilleur. La pluie tombe, drue. Quelle pluie ?…

Du blé en herbe ! Bravo.  Et que dire des applaudissements fournis pour obtenir un rappel bien mérité…

Par Anne Maurellet, photos Anne Maurellet


Vendredi 2 juin 2023 – St-Caprais-de- Bordeaux, 21h.

Bernard Lubat & Sylvain Luc « Intranquille »

Photo Jean-Michel Meyre ©

Bernard Lubat, piano, batterie
Sylvain Luc, guitare

Sylvain Luc déguste du regard les premiers accords de Bernard Lubat qui, après nous avoir imprégnés du jazz mélodique connu dit « c’est trop beau, ça ne peut pas durer ! », frappe les accords répétitifs parce qu’il faut casser le jazz pour qu’il renaisse. Appelant ainsi Sylvain Luc, ils se rejoignent pour un mode hispanisant flamenco où terre et ciel se rejoignent. Ça ne peut suffire aux deux artistes, et l’espace de la musique contemporaine se faufile puis s’étale pour submerger les époques. L’harmonie du chaos à chercher, écoutant ce que leur invention leur apporte, un nouveau lieu, le silence en quête du d’un futur tempo, d’une célébration à la volette des grands standards, attrapant par touches subtiles les thèmes pour partir dans un lyrisme dont ils s’échappent tout aussi vite… Reprendre à tâtons ce thème, s’en délecter : le célébrer ainsi ! Monk avec Straight, no chaser et Mingus avec Goodbye Pork pie hat se réjouissent. 

Y’ a toujours du manifeste dans la musique et dans la tête de Lubat, « jazz, musique de sauvage dans un monde moderne » et l’inverse. De quoi joue-t-il, jouent-ils ? De la liberté, évidemment ! comme une révolution permanente, gourmande du connu, désireuse du nouveau : quelle entente pour ce duo de gaudrioles, et j’en fais un compliment pour ne pas utiliser le terme « maîtres », puisque pas d’esclaves non plus…

La musique, c’est aussi l’excitation du rythme, ici sa frénésie goulue, boogyante et bluesante avec retour au chorus bien sûr ! Le regard de Sylvain Luc pénètre le Petit traité d’improvisation de Bernard Lubat : « donner conscience au soi doutant de soi ». « C’est tout. » « Improviser c’est se souvenir de ce qui n’est pas encore arrivé. »

Conciliabule des deux. Ils nous regardent.

Lubat change de boutique. Du piano, il passe à la batterie. Sylvain Luc délie ses cordes, Bernard Lubat s’en imprègne semble-t-il. Quel bonheur de se sentir au milieu (pas au centre tout de même) de l’improvisation en train de s’improviser !) Quelques notes en feedback, une guitare juste grattante pour laisser venir, et ça vient ! Lubat prolixe, agite vigoureusement sa batterie, faut du rythme, de la pulsion, voilà ce qui vient, ce qui a été attendu, et ça s’appelle Sylvain Luc qui répond par accords répétés, augmentés, accélération véridique, tourbillon, courants de feuilles balayées par des vents fous, grouillement sonore ; y émerge un grondement tribal, sorte de danse primitive que les baguettes au bois révélé de Lubat animent. Bien sûr que Luc est dans la transe ! Combien les 2 s’entendent, et les changements de tempo effrénés de l’un rencontrent les accords fougueux de l’autre… Puis vient l’apaisement, roulement de tambour pour résonance des notes de Luc, et quelque chose en naît, sortant des eaux sans doute, une naïade électrifiée, qui se déploie pour envahir notre air. Belle asphyxie. Lubat sonne le rappel de la batterie primitive, percussions parfois oubliées quand trop de sophistication (pas avec lui). Et de cette énergie-là, Luc fait son miel, nerveux, généreux, faut-il parler de sa vélocité ? On est encore au-dessus !

Sylvain Luc propose alors une mélodie basque comme une valse à plusieurs temps, du langoureux au plus délié, qui se se déplace en beauté – à définir – une douceur mélodique, une construction progressive virevoltante, de ralenti en accéléré, tendresse incluse. Ils parlaient tous deux de l’enfance, on l’entend là. 

Une mélodie jazzcogne, en versus, explose des doigts de Lubat, jet de balles anarchiques de flipper.

Bernard Lubat, après avoir souligné quelques absurdités d’aujourd’hui, fouette les cordes de son piano, se fouette, nous fouette de la scène. Il est question de fustiger un piano en le tapotant vivement, matière pour Sylvain à chatouiller lui aussi sa guitare. Deux frôlements d’insectes à ailes agiles pour en quelques notes ensuite fabriquer une mélodie que Lubat se prend à chanter. « Je suis d’ici… », et les mots se concatènent et multiplient les sens, tous les sens, douceur incluse s’en-tend…Sylvain Luc accompagne toujours aussi attentif à la d’ici-dence, l’enlumine. Ils terminent tous deux sur la pointe des pieds…en pointillés…

Humains ? Trop humains ? Délicieusement, irrévérencieusement humains !

Lubat a pris ses petits cochons favoris, gauche, droite (sic) transformés en prend garde à toi ?

Le jazz est politique, finissent-ils, et les artistes restent fragiles. Alors vive la fragilité !

Par Anne Maurellet, photos Jean-Michel Meyre


Vendredi 2 juin 2023 – Restaurant les Acacias, Cénac, 19h.

Afeto Duet

Photo Philippe Marzat ©

Stellis Groseil, chant, percussions

Félix Robin, vibraphone

Les SoupéJazz de Jazz360 sont très appréciés des fidèles de la note bleue et d’Épicure. Ils sont le fruit d’une longue collaboration avec le Restaurant Les Acacias, niché au cœur de Cénac, dirigé par Thierry Tujague, passionné lui aussi de bonne cuisine et de jazz, et toujours entouré d’une équipe aux petits soins. Tout au long de l’année, en particulier lors du festival, y sont offertes des « cartes blanches » à des groupes régionaux, avec un réel appui à la jeune génération. Se produisant bien souvent en duos, ils proposent alors des cocktails de reprises de standards, mêlées à des compositions, occasions idéales pour laisser s’envoler de belles improvisations. Stellis Groseil est originaire de Rennes et Félix Robin de Luçon, deux villes proches de la mer, donc ouvertes au voyage. Membre de diverses autres formations et curieux de tout, notre vibraphoniste a beaucoup bougé ces dernières années, nouant notamment des contacts musicaux multiples un peu partout en Europe. Il a ainsi joué à Bordeaux, où nous l’avons connu, mais aussi en Pologne, en Lettonie et en Allemagne. Il a en plus choisi d’établir ses quartiers d’hiver chaque année à la Réunion. Petite île baignée des flots vifs de l’océan indien et du soleil du sud, rayonnante de culture et de musiques, et propice à d’enrichissantes rencontres. C’est là qu’il a rencontré Stellis Groseil, elle-même très active dans divers groupes, où quelquefois nos duettistes se croisent, et que s’est petit à petit construit Afeto Duet. Une tendre complicité n’a pas tardé à s’établir entre ces deux artistes, au fur et à mesure qu’ils se découvraient, lors de jam et de concerts, à la lumière des captivantes musiques de personnalités du cru, dont certaines réputées au plan international, comme Danyèl Waro, Alain Péters ou encore ZanMari Baré. Lors du concert de ce soir, ils nous ont offert avec grâce et passion un généreux aperçu de tout l’ensoleillement de la musique maloya qu’ils ont rapportée dans leurs bagages, la mêlant naturellement, et avec beaucoup de finesse, à d’autres courants tels que la chanson et le jazz. Une magie à 360°, c’est le bon endroit, proposant une voix (voie) universelle, au langage apte à émouvoir et réunir les peuples en tous lieux.

Ainsi, cette douce fête a commencé par « Ti pas ti pas (n’arriver) » du poète réunionnais Alain Péters, suivi de « T’es beau tu sais » repris d’Edith Piaf par Cyrille Aimée (aimablement dédié à votre humble serviteur, merci Félix !) et du « Central Park West » de John Coltrane version Jose James.

Les dés de la diversité étaient ainsi jetés, par la voix sensible et délicate de Stellis Groseil, aidée de ses percussions de l’autre bout du monde, et par les vibrations arrondies et cristallines de Félix Robin, dont la tonalité voyageuse pouvait rappeler le marimba. Un peu plus loin, l’enchantement de cette inspiration multiple se poursuit avec « Romance pour un zézère » d’Alain Péters, alors que « Le front caché sur tes genoux » de Cécile McLorin Salvant et « Flor de Lis » du brésilien Djavan clôturent délicieusement ce premier set !

C’est le saisissant « Lilet zoranze » de ZanMari Baré un « ilet » c’est un petit village nous dit-on – qui nous invite à poursuivre ce voyage lors d’une deuxième partie tout aussi colorée, parfumée et habitée d’un feeling où joie et mélancolie sont jumelles et s’étreignent en une valse autour de la Terre. Une preuve ? Oui ! Retour au Brésil avec l’entraînant « Foguette » de Mariene de Castro, puis escale au Cap Vert grâce à « Afeto » de Mayra Andrade, au fait, que signifie « Afeto » ? C’est du portugais, ça veut dire « affection », pas étonnant, c’est l’une des marques essentielles de la musique de notre duo ! Suit « Bat la min » de Danyèl Waro, un grand moment d’éloquence engagée, dont Afeto duet nous explique de cette musique « qu’elle fut interdite jusqu’en 1980 par un régime de droite conservateur. Les communistes sont alors arrivés et ont défendu le maloya, ainsi que le fit Danyèl Waro tout autour du monde, en fort soutien de la musique créole ». Percussions et voix mènent le morceau, l’occasion pour Afeto Duet de nous décrire avec savantes précisions ce drôle instrument qu’utilise Stellis Groseil : Le « kayamb », constitué de tiges de canne à sucre et de graines mobiles à l’intérieur, ce qui offre une jolie variante percussive. A peine le temps d’une très touchante reprise du « Cécile ma fille » de Claude Nougaro que nous voici déjà rendus à « Mary Salangann » de ZanMari Baré, pétillante pépite qui clôt à merveille ce superbe concert. Limpide, sincère et chaleureuse, la musique de Afeto Duet nous a donné des envies de voyages, de paix et de sérénité. Les bulles d’émotion qui flottait un peu partout nous ont définitivement conquis ! Merci Afeto Duet, Jazz360 et Les Acacias !

Le lendemain, ce sont les excellents Serge Balsamo (guitare) et William Robin (accordéon) qui sont venus endiabler Les Acacias de leur jazz à l’inspiration multiple, et à la belle âme. Ils ont joué avec cœur et sensibilité, réjouissant là aussi un public, venu en nombre, qui ne s’y est pas trompé !

Par Dom Imonk, photos Philippe Marzat

https://www.facebook.com/afeto.duet

https://www.jazz360.fr

Des vidéos du festival par ici :

https://www.youtube.com/@jazz360girondenouvelle-aqu8/videos


Samedi 3 juin 2023.

Félix Robin solo

Cénac – Bibliothèque – 11h.

Félix Robin au vibraphone, photo Dom Imonk ©

Félix Robin aime partager, alors un solo… c’est différent! il a donc choisi un panel de ce qu’il joue avec d’autres musiciens. 

Commençons par la délicatesse. Félix, modeste, laisse toute la place à Beatrice de Sam Rivers, à sa mélodie, et l’on s’élève ainsi, enchanté.e.s -au sens plein-  spiritualité et sensibilité obligent. C’est le secret d’un bel artiste, effacement apparent pour que la musique soit révélée dans sa splendide nudité, finement valorisée. 

S’agit-il de la température à venir ?… La composition du trompettiste Daoud trouve ici une interprétation enchanteresse. Félix transforme son vibraphone en un manège enchanté où les coups de boutoir sont interrogés en douceur. Manifeste ou poésie, l’un répond peut-être à l’autre, faisant résonner les chants de la contestation.

La musique réunit, elle accorde les différences politiques et Félix célèbre ici cette harmonie des opposés dissous dans les concerts, Choose your own path, composition du polonais Dawid Tokłowicz avec qui il joue aussi. L’envoûtement est assuré, on entend le chemin que l’on cherche, des hésitations sans doute livrent la composition, de petits pas comme les notes calmement égrenées puis, avec assurance progressive, son accélération et partant la joie de cette liberté construite ou retrouvée?

Félix pédagogue, attentif aux questions du public pour faire entendre les effets d’écho du vibraphone joue une super ballade de Coltrane, Central Park West où la féerie des notes qui se reflètent les unes dans les autres par ce moyen entraîne autant de bulles d’air dans un espace ou des ronds dans l’eau sonores. Félix montre ça. Ses sons se fondent alors pour adoucir la justesse du vibraphone. 

Passons aux marteaux en rotin (choix de Félix). Les baguettes permettent l’interprétation, entre autres. C’est le rapport à la nature qui compte le plus pour Félix Robin. D’ailleurs, il nous parle de la Réunion à laquelle il est attaché depuis plusieurs années, et sa Saudade en est la traduction. Dans La Valse de l’Ile Bourbon de Danyèl Waro et ZanMari Baré, On entend la joie du souvenir, nostalgie heureuse puisque Félix se remémore ainsi les riches moments de cette vie insulaire pendant quatre mois de l’année, sans hiver et puis s’en va. 

Savent-ils tous quand il reviendra ? Le bonheur n’est pas linéaire, il est fait d’instantanés, de présence et d’absence, et c’est ce qui en fait sa profondeur…et sa légèreté !

Félix termine cet échange nourri par l’utilisation d’un archet à la main droite et deux baguettes à la gauche. Des elfes apparaissent par moments, sortant d’une forêt luxuriante, à la brume de chaleur enveloppante. On avance à pas feutrés sur la mousse généreuse, « Un jour, mon prince viendra »? s’y faufile. Sensibilité et simplicité à fleur de touches, vous dit-on…

Le musicien-voyageur initiatique est un ravissement, à tous les sens du terme.

Félix Robin nous explique le vibraphone, photo Dom Imonk ©

Par Anne Maurellet, photos Dom Imonk 


Matthieu Marthouret trio « Homeland(s)« 

Photo Philippe Marzat ©

Cénac – Jardin de la salle culturelle – 15h.

Matthieu Marthouret, piano, orgue Hammond
Mosin Khan Kawa, tabla
Loïc Réchard, guitare

Dès l’introduction avec Zamin, la translation est immédiate vers des espaces chatoyants, chauds. La guitare  de Loïc Réchard donne le ton chaleureux et volontaire. Ça chaloupe, même les percu de Mosin Khan Kawa  envoie des parfums safranés au clavier chantant de Mathieu Marthouret. Ils chaloupent, nous aussi, comme le grand tilleul protecteur du jardin de la salle culturelle. Les percus s’activent en une fantastique cavalcade.

 La voix mystique de Mosin s’élève dans les airs pour Elle Baag, soulevée plus encore par le piano attentif  et ciseleur,  mais à ne pas s’y méprendre, c’est un appel à sa jazzification. Ça s’écoute les pieds en éventail sur l’herbe, libéré.e d’entrave – pas possible autrement- comme entouré.e de nuées de  papillons colorés sonores.

Tabla et piano rythment dans un même tempo, au déhanchement ralenti ponctué par la guitare. Mos’ blues, chacha exotique aux débordements savoureux. Les percus  nous entraînent dans des grottes dont la résonance primale s’inscrit en nous et les accélérations tiennent d’une sorte de transe -abandon ou concentration intense?-  au blues largement détourné.

 Avec Keepin’it quiet,  plusieurs contrées en une ou bien le mixage et la réception bienheureuse de genres musicaux 

pourraient ne pas se rencontrer, mais voilà, la musique ça sert aussi à ça… les mariages inespérés, les associations fructueuses, les alliances inattendues.

 Maintenir les différences en supprimant les frontières : on peut rêver quoi ! que la spécificité de chacun rencontre celle de l’autre et s’en enrichisse construisant un univers multiculturel, décloisonné par la musique….

 Le jazz déborde à nouveau, laissant au raga indien précédent, Hindol, un parfum de mémoire. C’est ainsi que les trois musiciens s’enveloppent, s’entendent, se superposent, se mêlent.. A eux trois, ils façonnent  un soleil ocre…

Par Anne Maurellet, photos Philippe Marzat


Noé Clerc trio

Photo Philippe Marzat ©

Cénac – Salle culturelle – 17h.

Noé Clerc, accordéon
Clément Daldosso, contrebasse
Élie Martin-Charrière, batterie, percussions

concert proposé dans le cadre de Jazz Migration

Noé Clerc trio commence par une valse lente, Premières pluies, aux accents traînants, mais les tourbillons virevoltants de l’accordéon de Noé Clerc agrandissent la scène pendant que la batterie d’Élie Martin-Charrière se déploie largement. La figure s’enroule sur elle-même à l’infini puis se déroule comme un ruban autour d’un mas de cocagne, une pluie battante.

 L’accordéon s’attarde seul sur une nostalgie, respiration suspendue puis déliée, et les trois instruments s’enlacent comme des lianes dans les méandres d’un fleuve ou les  nuances de Blue mountains. La contrebasse vindicative s’affirme avant que l’accordéon n’ approfondisse son propos. Le morceau se structure dans de riches turbulences.

 Démarrage tonitruant puis une rupture de tempo pour le saccader, ils construisent une rythmique cahotante. Vigoureux Libidil Dil !

 L’harmonica de Noé nous emmène au fond d’une forêt, à la lisière des notes, dans une méditation animée, pas contemplative où viennent s’agréger contrebasse et batterie, haletant le tempo de cette Canson.

 Les voilà dans une ronde, La Malka, dont ils ne cessent de s’éloigner pour mieux se rejoindre, pas de répit, le langage musical est fourni, entrelaçant à nouveau  leurs notes les unes dans les autres sans cesse comme une tresse infinie. La batterie nerveuse elle aussi bat la chamade engageant l’accordéon à la suivre. 

 Mystérieuse, hommage au jazz manouche de Jo Privat, valse en pointillés ou sur la pointe des pieds, enfin une qui se développe peu à peu, entraînant la scène puis se fragmentant, jazz oblige !  Le jeu énergique de Clément Daldosso donne la pulsion et l’accordéon relance le tournoiement. 

L’espace se remplit et se nourrit de leur compositions savantes aux partitions intriquées. La batterie explose brillamment puis déploie ses battements…d’ailes ! Joli !  l’accordéon et la contrebasse n’ont plus qu’à suivre la voie tracée. C’est l’Arakir bar.

 Chercher des accents de musique arabe à l’accordéon n’est pas une mince affaire. Ils cherchent tous trois les vibrations de leur instrument pour surfer sur une ondulation… et la batterie au superbe son trépigne joyeusement .

L’entrelacement des genres chez Noé Clerc Trio est une réussite!

Par Anne Maurellet, photos Philippe Marzat



NoSax noClar

Photo Philippe Marzat ©

Cénac – Jardin de la salle culturelle – 19h.

Julien Stella, clarinettes
Bastien Weeger, saxophones, clarinette
NoSax noClar

 Élargissons l’Europe puisque la musique nous y invite… Ouvrons les frontières des sons par Wilson… Julien Stella joue, et sa main droite parfois s’adresse au monde comme un langage, une proposition, un prolongement de son jeu sonore. Les deux musiciens s’élèvent comme les variations de Bach, puis s’étendent en vagues subtiles.

 Sandman est une musique transrythmique berbère qui danse en modulations infinies, accoucheuse d’espaces infinis. Lévitation soudaine et fugace.

 Ils sont tellement inspirés qu’ils nous amènent à l’instant dans un ailleurs musical fascinant. Bastien Weeger dévie son sax (noSax?) et Julien Stella le rejoint pour des sons qui ricochent les uns sur les autres entamant une danse des contrées d’une Middle Europe. Les Balkans s’approchent et tous deux les accueillent.

Comment provoquer un autre instrument dans son propre instrument, comment transporter ainsi les sons, au sens propre ?  Tous deux dénaturent leurs clarinettes et autre sax pour les reconfigurer, inventer un autre son, un autre univers, un nouveau langage et des images de lieux impensés. Leurs instruments ponctuationnent, virgulent, suspensionnent, etc. Puis, ils onomatopèsent, et nous laissent…sans voix ! C’est l’effet Maja Yoka…

En respiration circulaire, avec Ellis Sister’s, ils dessinent le signe de l’infini obligeant ainsi le son à se déplacer dans tous les recoins de la musique, atténuant et augmentant le souffle pour affiner les variations et créer de nouvelles compositions.

L’enchantement opère, raptant nos oreilles fascinése par cette inventivité. Pays de steppes, immensité sablonneuse, ici, là, ailleurs, Rue des abeilles.

Des danses rituelles apparaissent, intenses, aigües,  derviches tournantes parfois : u, annoncent-ils.

Pour poursuivre, ça trésaille, ça tressaute, ça  frisouille, je ne sais pas. Hirsute, en pointe, oui !!! Red.

Les clarinettes sont ici des voix, des chants à la mélodie bulgare, à la beauté balbutiante, à la précaution hésitante, fragilité délibérée en fait s’approchant du plus fin, du subtil des sons légèrement étouffés pour leur laisser ensuite leur longueur, leur langueur, leur sensualité, leur mystère, et finalement une nouvelle intensité. Touches appuyées, caressées, happées… souffles puissants puis suffocant s et l’inverse, une vie traversée en quelques minutes. Et entendre Khamsin, le vent égyptien dans tous ses effets…

Par Anne Maurellet, photos Philippe Marzat


Symmetric – Nicolas Gardel – Baptiste Herbin

Photo Philippe Marzat ©

Cénac – Salle culturelle – 21h.

Jazz 360, certainement un des plus grands des petits festivals du bon goût et des choses simples.

Depuis 14 ans, Cénac et ses alentours ont pris l’habitude de venir réveiller chez les amateurs de note bleue, des envies de belles soirées chaudes et musicales… bref, Jazz 360, c’est le premier rendez-vous girondin de la saison pour les amoureux de tous les jazz, à 2 pas de la métropole bordelaise et à des années lumières du snobisme de certains « gros festivals ».

La programmation quant à elle n’a pas grand-chose à envier aux scènes mythiques de l’été. Henri Texier, Airelle Besson, Céline Bonacina, Pierre de Bethmann, Louis Sclavis, François Corneloup, Anne Pacéo ont déjà répondu à l’appel de Laurent Vanhée, le président de l’asso Jazz 360.

Cette année Bernard Lubat et Sylvain Luc sont les têtes d’affiche, avec entre autres Atrisma, Gaëtan Larrue, Didier Lasserre… des noms que les lecteurs d’Action Jazz connaissent évidemment.

Pour ce deuxième soir, le projet de Nicolas Gardel et Baptiste Herbin en quartet dénommé « Symmetric » clôture un samedi musicalement bien chargé.

Mon collègue Jean-Luc Dagut avait très précisément chroniqué le CD de ce quartet courant avril 2023 dans votre Gazette Bleue préférée, en le définissant comme « la rencontre au sommet, réunissant une partie de la fine fleur de la scène jazz française actuelle ».

Baptiste Herbin (saxophones ténor et soprano, compositions), Nicolas Gardel (trompette et bugle, compositions), Laurent Coulondre (orgue Hammond et synthétiseurs) et Yoann Serra (batterie) sont plus que des valeurs sures du jazz français. En sidemen ou avec leurs propres projets, ces 4 gars-là ont un sacré palmarès à leur actif et des nombreuses distinctions bien légitimes.

Réunis sur la scène de la salle culturelle de Cénac, c’est pied au plancher que démarre leur concert avec « The Stroke » ; c’est un son direct, pur, épais, puissant, qui met tout le monde d’accord dès les premières notes. Peu de chance de s’endormir ce soir !

Gardel et Herbin soufflent le thème un brin hard-bop avec précision et une symétrie parfaite. Laurent Coulondre fait jaillir sous ses doigts la fièvre de l’orgue Hammond.

Ça décoiffe d’emblée. Les solos de trompette et de sax s’enchainent.

On ne sait pas si la chaleur provient de l’énergie dégagée par ces quatre fantastiques ou d’un excès de générosité du soleil de juin… mais c’est torride.

« Le Zappy » (oui, en hommage à Zappy Max) fait redescendre le tempo d’un petit chouillat ; on ne dit pas « quitte » mais « double », car la suite promet. Baptiste Herbin pousse des phrases ciselées lors de ses chorus, Nicolas Gardel donne la juste puissance de son phrasé, le tout soutenu par une rythmique nette et riche.

L’humour est aussi au rendez-vous ; la complicité du quartet ne tarde pas à transpirer parmi le public qui peut apprécier autant la décontraction et la simplicité des protagonistes, que leur talent.

« Go Kla Yeah », le nom apache de Jeronimo a inspiré Baptiste Herblin qui signe un titre rythmé où la virtuosité ne gâche pas la musicalité des phrases soufflées au sax soprano et qui permet à Yoann Serra de chorusser du bout de ses baguettes… magique !

« Endless memories of you », jolie ballade composée par Nicolas Gardel calme un instant l’ambiance fiévreuse du début de ce concert, mais le répit ne fut que de courte durée. Après la douceur du soprano, les dernières notes finissent dans une baston sonore avant une coda redevenue sage.

Les champions du contraste enchainent avec « Yoyo », un rythme reggae sur lequel Yoann Serra et Laurent Coulondre se régalent ; on n’est plus à Cénac mais à Kingston.

Le morceau qui suit, « Arcos », évoque le village d’origine de la mère de Nicolas, berceau de ses influences andalouses. Le morceau est une grosse machine rythmique répétitive soutenue par la basse synthé de Laurent. C’est du lourd, ça déménage, ça envoie grave jusqu’au fin fond de l’Espagne, voire plus loin !

Avec « Henriette », c’est au tour de Baptiste de venir rendre hommage à sa famille. Cette douce ballade mid-tempo jouée au sax soprano précède « Jungle Bells » dont la facture électro fait penser à un titre de « Snarky Puppy ». La puissance, le tempo, les impros mais aussi le perfectionnisme, la rigueur de la mise en place, l’efficacité des sons et toujours cette énergie… aucun complexe à avoir face à ces grands noms venus des USA !

Herbin souffle dans ses deux sax à la fois… ça nous en bouche un coin !

« Heart breaker » sera le dernier morceau du concert et c’est le cœur fendu de devoir déjà quitter le quartet que le public redouble ses applaudissements pour obtenir un rappel.

Encore ébouriffés, musiciens et public se retrouvent au bas de la scène pour échanger félicitations, dédicaces et souvenirs.

C’est cela Jazz 360, et avec des artistes aussi généreux que Baptiste Herbin, Nicolas Gardel, Laurent Coulondre et Yoann Serra, la conversation se poursuit tard dans la soirée, autour d’un verre de rouge de la rive droite (consommé avec modération évidemment).

Si vous avez manqué ce rendez-vous, séances de rattrapage en Nouvelle Aquitaine le 29 juin à Niort (79) et le 8 juillet à Capbreton (40).

Par Vince, photos Philippe Marzat


Dimanche 4 juin 2023.

Gaëtan Larrue Project

Photo Philippe Marzat ©

Latresne – Étang des Sources – 16h. 

Gaëtan Larrue, accordéon
Sandrine Régot, chant
Nolwenn Leizour, contrebasse
Thierry Volto et Joris Seguin, batteries
Hugo Valantin, guitare
Xavier Duprat, piano

Nous sommes tout de suite entraînés sur une scène lointaine -l’étang ?- ou des libellules dansent sur les premières notes de l’accordéon de Gaëtan Larrue. Le clavier  affirmé donne la cadence, une sorte de tango contemporain, à figures multiples et surtout en suspension dans les airs. ils sont tous les cinq virevoltants. C’est frais, joyeux, volontaire. on ne saurait s’en plaindre ! Et ce ne sont pas les secousses du vent dans ce bel endroit vert à Latresne qui diront le contraire. La guitariste incruste la mélodie, lui aussi aérien.

Femme ou fleuve, Amazone, je pencherai pour la profondeur énergique de ses eaux. L’accordéon lance le tempo, toujours soutenu, et les quatre autres musiciens l’accompagnent. Il est vrai qu’une chevauchée pourrait encore mieux convenir, un galop vif, une liberté recherchée puis revendiquée, il n’y a qu’à écouter la guitare. L’écrin de verdure dans lequel ils jouent se fond bien avec eux : variété de la nature, sèves printanières, célébration de la vie. Ça donne des envies de respirer à pleins poumons, de croire encore à l’avenir.

 D’ailleurs, La vita e bella, un brin nostalgique engage en fait les pensées à vagabonder : légèreté apparente, douceur mélodique appellent un bercement fruité. La lumière n’a rien de tamisée, elle envoie des rayons aux teintes joyeuses. Un air à la Cinéma Paradiso avec la chanteuse Sandrine Régot, le pianiste plante le décor, toujours bien entouré de la contrebasse habile de Nolwenn Leizour, et la batterie efficace.  La voix ample de Sandrine remplit l’espace. 

Les notes de l’accordéon de Gaëtan racontent des histoires, découvrent les sentiments, les sensations dramatisent la vie pour en révéler les bonheurs, les aspérités,les tristesses passagères. Et ainsi de chaque instrument, voix comprise dont les cordes semblent caressées par un archer amoureux.

Il vous prendrait des envies de vous lever pour tournoyer avec Effervescences dans une ronde aux accélérations en dentelle de guitare et à la riche broderie de chaque musicien.

Atterrissage aux Antilles, le Wangé chocolaté de Gaétan, parce qu’il est friand de chocolat et que son accordéon est en bois Wangé, noir, blanc, lait…on le suivra bien sur ce chemin-là ! L’eau pépite, l’air vibre, les vents dansent une sorte de rumba, et d’ailleurs, nous nous envolons avce la voix de Sandrine : fantaisies, frénésies, on ne sait plus, on gigote!Oh, oui ! Des chaises ? Non, des myriades de trempolines ! Musique élastique, où se trémousser devient un vrai délice comme un chocolat peut chatouiller vos papilles !…

L’énergie débordante de Capelli trouve sa contenance en se déhanchant, le piano la déploie tout de même dans une envolée lyrique que saisit le guitariste puis l’accordéoniste : quantité de bulles qui pétillent ans une eau appétissante. La batterie ronronne de plaisir, pas d’angles ici , de la rondeur, et des étoiles qui explosent dans l’éther. 

Pour ce Chuchotement, seul le piano, la contrebasse et l’accordéon susurrent au creux de nos oreilles quelque secret délicat ou aveu délicieux, on choisira pourvu que la tendresse en soit le centre. Occasion pour la contrebasse de Nolwenn Leizour de parler de sa voix grave et sourde à la fois, au piano d’accorder ses mots à l’attentive, et à l’accordéon de livrer son affection en retenant parfois les notes comme le temps pour ce moment… intime.

A peine remis, nous voilà envoûtés par une prêtresse à la voix mystique, jeteuse de sorts tout de même. Les battements de la batterie entament une danse rituelle, mais il est toujours question de communion avec Gaëtan Larrue Project, et nous sommes donc bien invités au partage, appelés par la guitare toujours inspirante. Les instruments semblent finir par chanter eux-mêmes…Un sortilège nous a-t-il été lancés…Nous y consentons alors !

Par Anne Maurellet, photos Philippe Marzat


Galeries photos des 02 et 03 juin 2023 à Cénac, et du 04 juin 2023 à Latresne :

Galerie photos Anne Maurellet – Jazz360 à Saint-Caprais, le 02 juin 2023 :

Galerie photos Jean-Michel Meyre – Jazz360 à Saint-Caprais, le 02 juin 2023 :

Galerie photos Philippe Marzat – Jazz360 à Cénac les 02 et 03 juin 2023 et à Latresne le 04 juin 2023 :

Afeto Duet – Restaurant Les Acacias, le 02 juin 2023 à Cénac :

Matthieu Marthouret Trio « Homeland(s) » – Jardin de la Salle Culturelle, le 03 juin 2023 à Cénac :

Noé Clerc Trio – Salle Culturelle, le 03 juin 2023 à Cénac :

NoSax NoClar – Jardin de la Salle Culturelle, le 03 juin 2023 à Cénac :

Baptiste Herbin & Nicolas Gardel Quartet  » Symmetric » – Salle Culturelle, le 03 juin 2023 à Cénac :

Atelier Jazz du Conservatoire d’Agen – Étang des Sources, le 04 juin 2023 à Latresne :

Gaëtan Larrue Project – Étang des Sources, le 04 juin 2023 à Latresne :