Guylain Deppe – Deep from Deppe

[DÉCOUVERTE] Sorti fin septembre, ce nouveau disque en solo de Guylain Deppe, sous-titré « Piano cooking », annonçait peut-être déjà les réveillons de fin d’année, au cours desquels il sera bon de l’offrir, et surtout de l’écouter ! Natif du Mans, le pianiste a étudié tout jeune au conservatoire de la ville, et s’est ensuite rapproché de Martial Solal pour affiner son style, qui s’est de plus en plus affûté au rythme de concerts et autres expériences, où il a côtoyé le gotha d’un jazz qui ose tout.

Après avoir dégusté la très belle préface d’Alain Gerber, et la savoureuse introduction au « menu » du chef Guy Savoy, grand savant des « pianos » de cuisine, nous apprenons que l’instrument utilisé est un « AvantGrand N3 X » mis au point par YAMAHA, un piano hybride dont cet album fait un peu figure de carte de visite. Le son est saisissant de netteté et de profondeur. Cela saute aux oreilles dès les premières notes du finement épicé « Tartare de Demi-Thon Chromatique », de même que nous saisissent la virtuosité grand angle de Guylain Deppe, la fraicheur de l’inspiration, et déjà l’humour des appellations ! N’avions-nous pas remarqué dans le digipack, le dé de saumon délicatement transpercé d’un diapason, caché par le CD dans son emplacement ?

La richesse de cet album, qui s’ouvre à nous comme une table raffinée, c’est aussi l’alternance des climats. Ainsi, après l’ardente ouverture, voici la douceur d’un « Duo de Truffe Blanche & Noire, Pointées », dont la saveur mélancolique nous rappelle un peu celle de certains thèmes de Bill Evans, impression aussi ressentie un peu plus loin, avec le tendre et gouteux « Variation en Sol Meunière », ou encore à l’écoute de « Gigue Flambée à l’Art Maniaque », mais là, c’est plutôt Keith Jarrett qui nous vient sur la fin à l’esprit.

Il y en a quelques autres du genre, qui partagent la table avec des pièces plus corsées, et toujours ce souci un tantinet perfectionniste du raffinement dans le choix des couleurs, des humeurs et des présentations. Point de tache sur la nappe brodée ou sur le rebord d’assiettes décorées, servies à la température idéale. Petit plaisir gustatif supplémentaire, nous nous régalons à découvrir en ingrédients cachés, les allusions à des morceaux célèbres qui abondent dans plusieurs thèmes, passant par le classique et le jazz, comme par exemple un soupçon du « Jean-Pierre » de Miles Davis période eighties, en coda du succulent « Bar de Ligne Supplémentaire & sa Note Aiguë ».

Mais voilà que la fête touche à sa fin ! Farci de citations, vous les devinerez, le trépidant « La Bécarre & la Bécasse Do, Ré au Four », précède les délectables « Rougets de Lille à la Marseillaise », l’une des plus belles pièces du disque, suivie de « Quatre-Quarts de Soupirs & Legato au Chocolat », délicieux dessert qui conclut idéalement ce repas de rêve, qu’auraient sans aucun doute honoré Erik Satie et ses amis surréalistes !

Par Dom Imonk

Klarthe

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