Fuz4tet – POTITCHOK

[DÉCOUVERTE] C’est une sorte de conte de fée qui a uni les membres de Fuz4tet, à partir d’une jolie histoire chantonnée par Yuliia Vydovska, jeune chanteuse et violoniste ukrainienne native de Tcherkassy, sur les bords de la Dniepr. Nello Dronne, Maxime Epp et Lucas Habe, ses amis du Conservatoire de Strasbourg, la découvrirent et furent immédiatement séduits par la poésie rêveuse de cette chanson traditionnelle. Une vraie révélation, au point qu’avec leur amie, ils eurent l’idée de l’adapter au jazz, puis de former ce quartet, pour reprendre d’autres compositions, de même essence multiculturelle. Nous étions fin 2020 et, à force de répétitions et de concerts, principalement en France et en Allemagne, une bonne dizaine de titres ont ainsi pu être peaufinés, pour donner matière à « Potitchok » (« petite rivière » en ukrainien), premier album du Fuz4tet, sorti début 2023. A peine résonnent les premières notes de « Son intro » (Rêve) suivi de « Oy na Ivana » (La fête de l’eau) que nous voici déjà propulsés dans l’univers capiteux du Fuz4tet. Deux chansons traditionnelles ukrainiennes, à la fringante réécriture, portées par une énergie et une fusion irrésistibles ! La voix pure et décidée de Yuliia Vydowska formule ses mots avec ferveur, ardemment soutenue par ses épatants complices, un piano gambadeur, une bondissante complicité contrebasse/batterie, et une belle coloration cuivrée, éclairant notamment le premier thème. Mais voici qu’après ces enjouées turbulences surgit l’un des moments clé de l’album : Une magnifique reprise de « Infant Eyes » (album « Speak No Evil » – Blue Note – 1965), morceau signé par le grand Wayne Shorter qui a récemment rejoint les étoiles. Intro du piano presque « satienne », qui se déploie alors en un drapé de notes de velours, pour accueillir la voix sublime de la chanteuse, qui signe aussi les paroles avec Nello Dronne, touchante de tact, sur une cadence espacée de contrebasse et de frémissements de cymbales, alternant avec des caresses de peaux. Deux remarquables chorus, de contrebasse, puis de piano, achèveront de nous éblouir. Suivront le passionné et presque pop/rock « Ritchen’ka » (Petite rivière), composé par Volodymyr Gumentchuk, sur des paroles de Zoya Krasulyak, et le profond « Ty daruy » (Pardonne-moi) composé par Borys Monastyrskyi, sur des paroles de Oleksandr Vratarov, habité de la voix mystérieuse de l’alto de Nathan Adenot, morceau qui de manière furtive possède par moment le même feeling mélancolique que le « Strange Meeting » de Bill Frisell. Si vous aimez les évocations pastorales, vous devriez succomber au charme bucolique et au rythme particulièrement vivifiant de « A gnaly hurale ovtse » (Le berger gorale), une belle histoire de bergers, reprise de LELÉKA et arrangée par Robert Wienröder, dont les dernières mesures sont étourdies d’étonnantes secousses free ! Un effet « air pur », que l’on retrouve sur le poignant « Plyve katcha » (Hommage), impressionnante étape bruitiste, farandole de grondements, de percussions libérées et de piano parfois préparé, sur laquelle vient se poser la voix comme possédée de Yuliia Vydowska, un autre grand moment du disque ! Nous ne resterons pas non plus insensibles à « Oy u gayu pry Dounayu » (Dans la clairière), histoire attristée d’un amour éloigné et à « Oy garna ya garna » (Salsa), dont l’humeur « augmentée », par cuivres et percussions, vous poussera vers la piste de danse ! En guise d’aurevoir, « Tetche voda (L’eau coule) voit le retour de l’alto magnifique, qui précise un trait à la fois flamboyant et douloureux, et le délicieux « Son outro » (Sommeil) referme les portes de ce superbe album, aux messages chargés de symboles et d’une émotion portés par de remarquables artistes, dont le cheminement atypique, au travers de racines sœurs, est pavé de surprises, entre joie sincère et tourments, qui trouvent en cette musique, un peu d’apaisement.

Par Dom Imonk

La Belle Intention

Fuz4tet :

Yuliia Vydovska – voix, violon (10,11)

Nello Dronne – piano, chœurs (9,11)

Maxime Epp – batterie, chœurs (9,11), percussions (10)

Lucas Habe – contrebasse, chœurs (9,11)

Invités suivant les thèmes :

Juliette Grandjean, Emmanuel Urban et Nicolas Koenig (trompette, chœurs)

Rémy Arenas (percussions et arrangements)

Florian Labeth (trombone et chœurs)

Maxime Tonnelier (saxophone et chœurs)

Claire Besson et Juliette Grandjean (chœurs)

Nathan Adenot (alto)

Lison Scherrer (violoncelle)

Loïse Campagna (contrebasse)

Album enregistré par Mathieu Pelletier aux Downtown Studios à Strasbourg

Mixage et mastering par Anthony Bedez

Graphisme : Romane Vix

Photographies : Thomas Meyer

Booking : Agence SAM – Patrick Savin

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