Grégory Privat
Phoenix (Buddham Jazz)
Nuit & Jour (Paradis improvisé – L’autre distribution)
Pour écrire une chronique, il me faut trouver la petite étincelle qui allume la plume, désormais numérique. Cette quête est parfois longue et passe par des ébauches avortées avant que ne germe ce qui semble être « la bonne » idée. Cette fois ce sont 2 rencontres qui m’ont facilité la tâche et pas des moindres.
La première s’est déroulée au Festival des 5 continents à Marseille où Grégory Privat assurait la première partie d’un autre Gregory (Porter).
Dans les jardins du Palais Longchamps, l’ingénieur martiniquais devenu pianiste, physique d’athlète et look de mannequin s’est montré d’une grande générosité avec l’audience pourtant venue pour le second set. 2 ans seulement après « Yonn » (voir la chronique : https://lagazettebleuedactionjazz.fr/gregory-privat-2/), il sort son dixième projet « Phoenix », une sorte d’ode aux cycles de la vie, comme s’il célébrait ce qui renait de ses cendres.
Dans le même esprit que sur le projet « Soley » en 2020 (voir la chronique https://lagazettebleuedactionjazz.fr/gregory-privat/ ), Grégory s’autorise une exploration très singulière de son imaginaire créatif en compagnie des fidèles Tilo Bertholo à la batterie et Chris Jennings à la contrebasse. Ces compagnons de studio et de tournée soutiennent parfaitement l’imagination féconde du compositeur et le jeu autant puissant que virtuose (Heliopolis, Phoenix, Metamorphosis, Telephone) ou parfois il se fait davantage rêveur (Marchand de sable, Supernova, Pousiè zétwal), et où il entonne des phrases mêlant le chant créole et les sonorités électrifiées (Genesis, Chlordeconomy, Lotbo-A). Le dernier titre de l’album Apocalypse, est à lui seul la synthèse de tout le reste, une mélodie ritournelle, des paroles en créole, un son légèrement saturé de piano électrique et cette douce rêverie parfois tendue par une énergie débordante à peine contenue et qui ne demande qu’à exploser sur scène évidemment, avec la complicité des sidemen et du public.
La seconde rencontre c’est celle avec Hélène Dumez, un soir à Marciac. Cette délicieuse marseillaise a eu le bon goût d’avoir proposé à 14 pianistes représentant la fine fleur du piano jazz hexagonal (et d’un peu plus loin), l’enregistrement d’un projet original, chez elle, sur un Steinway B choisi par Pierre de Bethmann. 2 pléiades de 7 projets parmi lesquels celui de Grégory Privat « Nuit & Jour », intercalé en 2023 entre « Yonn » et « Phoenix »
Sur ce CD totalement improvisé, de l’aveu d’Hélène Dumez, les 3 « nuits » et les 5 « jours » (titres des 8 pistes) se succèdent comme autant de pièces musicales très cinématographiques. On pourrait aisément caler sur les morceaux « Nuit » une série documentaire des grands espaces polaires ou désertiques, ou encore d’exploration spatiale. « Jour » offre une série de pièces où l’éveil de la nature parait évident note après note. Les mélodies et les arpèges s’ouvrent tels les fleurs aux premiers rayons du soleil. Les touchent égrènent les sons purs des cordes comme on compterait les gouttes de rosée scintillantes aux lueurs timides d’une aurore paresseuse. Les volutes harmoniques se font plus volubiles sur la fin du CD, comme si la forêt s’était peu à peu éveillée, poussée par la douceur d’une brise tiède caressant les branches et les feuilles.
Le rêve prend fin lorsque le CD s’arrête.
Grégory et Hélène que je remercie pour leur involontaire complicité à mon écriture ont inspiré ces quelques lignes qui, j’espère vous incite à découvrir ces 2 projets, l’œuvre de Grégory Privat et la série d’enregistrements des Paradis improvisés.
Découvrez les chroniques des projets Paradis improvisés
https://lagazettebleuedactionjazz.fr/des-paradis-improvises/
https://lagazettebleuedactionjazz.fr/simon-chivallon-esquisses/
https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/baptiste-trotignon-body-and-soul/
https://www.gregoryprivat.com/
Par Vince