Yonn

Déjà largement reconnu pour ses collaborations aussi riches que diverses, capable de s’exprimer avec des artistes aussi différents que Lars Danielsson, David Lynx ou Laura Prince. Grégory Privat est un pianiste au parcours atypique. Quittant les Antilles pour y tutoyer les sommets scientifiques, il chemine désormais entre les propositions de ses pairs et ses propres projets. Yonn est déjà le sixième album que Grégory signe de son nom.

Nombre « un » en créole, Yonn est une sorte d’intimité dévoilée. Nés au cours du confinement de 2020, les 11 titres sont interprétés en solo, et ce pour la première fois de sa carrière. Pour autant, cette œuvre pudique n’est pas un énième répertoire piano solo. Chantant sur 5 morceaux du CD, mêlant des sonorités électriques et des effets à son propos, Grégory se dévoile note après note dans une suite de petites pièces épurées, ou chaque accord apporte une nouvelle nuance sobre et élégante.

Son bagage classique et sa créolité chevillés aux doigts et à l’âme, font pleuvoir sur les touches une myriade de notes délicieuses, justes sucrées, parfois plus acidulées, jamais écœurantes ni excessives.

Tout en subtilité, mais aussi empreint de phrases ritournelles judicieusement répétées, ce jazz-là m’évoque quelques refrains du mythique Köln Concert de Keith Jarrett ou encore certaines Circle Songs de Bobby McFerrrin. Est-il possible de comprendre ou d’interpréter, d’après les émotions produites et les titres des pistes, ce qu’un artiste veut nous transmettre ? La plage 2, « L’horloge créole », sorte de tissage voire de métissage du carillon de Big Ben à la liberté créatrice, est peut-être le signe d’une préoccupation majeure de l’Homme et du musicien : le temps ! Celui qui passe, qui parfois angoisse, qui se perd, qui se gagne, qui rythme la marche du monde ? Dans cette douce suite de mélancolies musicales, Grégory a certainement laissé infuser un peu de son lui profond.

Pour autant, on entre sans difficulté dans cet univers singulier, à la fois onirique et secret, où les cloches et les chants d’oiseaux se mêlent sans l’ombre d’une invraisemblance, comme dans le postlude « Expire ».

Chut… laissez-vous embarquer, Yonn est vraiment unique.

Par Vince

Buddham Jazz