L’échelle du temps
Yves Léveillé : Piano / Lizann Gervais : 1er Violon / Olivier thouin : 2nd Violon / François Vallières : Alto / Emilie Girard-Charest : Violoncelle / Etienne Lafrance : Contrebasse
L’épatante maison Effendi, dirigée par le très actif (et pertinent) Alain Bédard nous présente une nouvelle perle : les derniers travaux d’un pianiste qui pourrait aussi se réclamer de la poésie, de la philosophie, du conteur de belles histoires…
Aujourd’hui, il nous chante : le Temps. Le temps qui a sa propre échelle comme mesure et l’espace pour la poser. C’est tellement difficile de parler du temps, qu’il vaut mieux jouer avec. Parfois les notes parlent mieux que les mots, quand elles sont belles.
Une volée de cordes (128) vont faire s’envoler des notes dans l’espace et le temps qui ne se quittent plus. Yves le compositeur s’est entouré de pointures sur leur instrument respectif . Ils ont chacun et ensemble : le son , l’attention, le talent, l’expression, l’élégance et l’intuition . Fins interprètes et brillants improvisateurs pour une écriture intelligente et disponible aux élans généreux des chorus originaux et bien construits…
Six sensibilités individuelles qui s’accordent dans les directions indiquées par le ‘chef ‘, dans l’équilibre juste entre écrit et créé. Les cordes frappées sont portées, soulevées, soutenues, poussées par des coussins virevoltants de cordes frottées ou pincées. Coussins moelleux pour se rouler dedans, prendre appui pour s’envoler ou tissu arachnéen suspendu au-dessus du néant sur lequel il faut faire s’oublier poids et densité ; s’effilocher, nuages dans le ciel parsemé d’étoiles scintillantes autour du soleil. le jour et la nuit se mêlent, le temps a disparu au coin d’une mélodie incertaine qui vient et revient, différente chaque fois.
Le temps, distendu ou compressé, retenu ou relâché. Les musiciens le considère, l’évalue pour en prendre la mesure et ne pas la perdre. Le sujet est posé par tous, puis chacun s’exprime sur le sens choisi, directions distinctes jusqu’à opposées pour se rejoindre enfin sur des accords qui inventent la beauté du renouveau.
Des formes, des volutes de longs rubans de couleur agités par des mains ingénues, s’échappent dans l’azur, ne reviendront plus, ou bien d’une autre couleur, d’un autre endroit pour partir encore ailleurs. Suites de rêveries communes, chuchotements et voix douces qui peuvent enfler et souffler sur les voiles du navire qui reconnait les vagues en les effleurant comme une caresse de rayon de soleil.
Il arrive aussi qu’il pleuve des cordes. Pas pour se mettre à l’abri, pour se laisser inonder de tendresse et de force, douce folie et découverte d’inconnu, Sol trempé, Do mouillé, Mi-rabelle doRé comme le soleil qui donne à flâner, Orage pour précipiter le temps, donner la cadence et inventer le tempo. Une goutte tarde à tomber, retarde la suivante, plonge dans celles d’avant. Swing !
En balade ou en accéléré, on prend le temps … comme il nous l’est donné. On ne le perdra pas, il a pris toute la place et nous invite à se perdre en lui… pour enfin l’oublier !
Chez : Effendi
Par : Alain Fleche