Yeti

YOANN LOUSTALOT : Trompette, Bugle, Effets / GIANI CASEROTTO : Guitar, Effets / STEFANO LUCCHINI : Batterie.

Notre trompettiste chouchou est de retour ! Dixit Enrico Rava « Ce n’est pas juste un beau son. Non, c’est le son de l’âme… et chaque note compte et conte ». Puisqu’on vous le dit : un des plus beaux sons actuels !
Nouvelle formation, une configuration à la « Tiny Bell Trio » de Dave Douglas. Mais (bien sûr) le son (et le sens) est tout autre. Là, c’est définitivement du Loustalot ! Comme d’hab., pas de virtuosité superfétatoire et cache misère ( d’expression), mais de la poésie et de vraies compos et toujours dans la recherche du son, du Beau. Avec 2 potes, pour jouer à se déguiser. Yéti y es-tu ? Une fourrure en poil de pneu sur le dos, et c’est parti pour de nouvelles aventures mon vieux Milou ! Mais on n’est pas chez Tintin, ni chez Falkor, et il va falloir traduire la quête en musique.
Et on va y aller molo, oui comme dans « Slow » (disque précédent de Y.L.), pour ne pas se prendre les pattes dans le tapis, en évoquant les grands espaces givrés (et il n’y a pas qu’eux, hum…), chasser la bête noire des montagnes blanches, espèce de dahut qui fait peur (des fois)… Quête de l’inconnu et du surprenant à travers des chemins inexplorés qui serpentent entre les buttes de glace et de neige, se rapproche de l’horizon qui serait infini s’il ne se mordait la queue comme l’Ouroboros.
La bestiole est farouche. Alors on tourne autour, spirales en volutes de sons brefs ou étirés mais éphémères. On ne se sent jamais aussi proche de l’animal que lorsque tout semble perdu. Perdus dans un brouillard arc-en-ciel, entre le sombre et le lumineux. Trompette solaire, stellaire, lunaire, dont la féérie cosmique sillonne l’univers obscure chargé de balises scintillantes. Elle rapporte et pose entre les oreilles des traînées de poussières d’étoiles qui donnent vie. Les mélodies sont des poèmes qui élèvent l’âme, planent et flottent en suspension entre la terre et le ciel, au-dessus de l’ Himalaya, des turbulences mélangent les notes évanescentes prenant de la consistance, puis chutent sur l’immensité blanche, laissant des traces de leur passage et de celui de leurs auteurs, les chasseurs de Yéti.
Selon le chemin emprunté (et le titre de la chanson), la guitare se fait douce et rêveuse, ou bien sévère et incisive. Giani, bardé de diplômes (5 premiers prix de conservatoire !), sait tout faire. Les effets divers font monter la tension et transforme le trio en armée en mouvement dont le pas est souligné ou martelé par un drum freelance discret (sans doute ce qui a séduit aussi Christophe Panzani, Fred Borey, Magik Malik ou Sonny Troupé) qui drive l’équipe d’une poigne sûre d’elle, imaginative, constructive, mais toujours prête au inflexions que demandent la nécessité de cohésion entre tous. En fait, le son et les responsables tournent. Chacun prend les rennes qui sont à sa portée, qu’un autre lui tend, ou qu’il arrache à l’incertitude ou à l’urgence de l’instant.
Instant d’autant plus fugace que c’est du « one shot ». Tous les morceaux sont enregistrés (et gardés) 1ère prise. Faut pas se louper pour ne pas effrayer la bébête qui se cache au cœur du disque, de chaque titre, dans toutes les notes. Dans notre imaginaire issu du collectif, c’est une vision, une chimère, c’est eux, c’est nous… Nous sommes Yeti ! Bêtes à poil laineux charmés par les appeaux des constructeurs de sons qui nous ramènent à nos propres interrogations : être ou ne pas être…
Et voila, encore un carton jaune salutaire contre le médiocre, le déjà vu, le prévisible…
Bravo Yoann, t’es l’meilleur !

Chez : l’autre distribution
Par : Alain Fleche