Tony Hymas – Flying fortress / Back on the Fortress

C’est un double album que consacre Nato au pianiste compositeur anglais. Une réédition et une sorte de suite qui se veut prolonger le premier, plus de 30 ans après…

FLYING FORTRESS

Tony Hymas : Claviers, Voix, Programmation, compositions / Hugh Burns : guitare / Tony Coe : Clarinette / Chris Laurence : Contrebasse / Stan Sulzmann : Saxophones / Frank Ricotti : Vibraphone, percussions / Lis Perry : Violon / Laura Davis : Chant / Alfred Cat : Voix

Lorsque Tony Hymas enregistre ce disque en 1987, il a déjà réalisé un long cheminement parmi toutes sortes de musiques, classique, jazz, rock. En invitant plusieurs compagnons de route, il fait le point sur son parcours, et un état des lieux sur cet instant de sa carrière. Nato, avec laquelle Tony avait déjà travaillé, était la maison de disques idéal pour monter ce projet, de part son éclectisme et son ouverture qui permettent de se libérer des frontières et cloisonnements habituels dans la profession,

Des musiciens différents sur chaque titre (chacun apparaissant sur plusieurs plages) donnent des teintes chamarrées à l’ensemble lequel reste cependant cohérent, bien dans l’esprit de notre héros du jour, comme un bonbon anglais dont les couches de couleurs et saveurs différentes se fondent dans la bouche, avec un goût acidulé sucré bien particulier.

La galette originale proposait une face instrumentale, une face chantée. Ambiances variées, sans faire variété, les chansons s’enchaînent logiquement, harmonieusement, naturellement, avec de grands moments d’émotions : entendre le défunt explorateur musical au son unique (Tony Coe), plonger dans le creuset des années ‘80, encore mâtiné du rock progressif de l’école Canterbury… Même si certains sons d’instruments, et arrangements sont un peu datés, on continue d’apprécier la fraîcheur et l’originalité des idées foisonnantes du faiseur de rêves inclassable, toujours prêt à lutter contre ce qui est établi, déjà dit ou imposé, en perpétuelle recherche d’autre chose… Un opus qui reste une étape importante, et malgré tout hors du temps, dans la production de cet artiste touche à tout de génie qui n’a de cesse de découvrir des chemins de traverse pour nous faire partager ses visions libertaires de liberté inconditionnelle.

BACK ON THE FORTRESS

Tony Hymas : Claviers, Voix, Guitare, Programmations, Compositions / Catherine Delaunay : Clarinette / Hélène Labarrière : Contrebasse / Caroline Goulding : Violon / Terry Bozio, Peter Henning, Paul Clarvis, Stokley Williams : Batterie / François Corneloup : Sax Baryton / Nathan Hanson, Stan Sulzmann : Sax Ténor / Hugh Burns, Jean-François Pauvros : Guitare / Jacky Molard : Violon Alto / Anamas, Marie Thollot, Yelle, Léo Remke-Rochard, Barney Bush, Ginny David : Chant

33 ans plus tard, on en prend d’autres et on continue ! Ce qui devait être quelques ‘bonus’ pour la réédition s’est imposé comme un projet à part entière, sur le même concept : des vieux potes de tout horizon, un morceau chacun seulement pour un reflet, un témoignage de l’instant : 2021.

La forteresse volante reprend du service, et rien ne peut la dévier de son plan de vol.

On décolle avec la clarinette de Catherine Delaunay, Heureux hiatus avec le magnifique son de Tony Coe et le disque précédant ‘No Borders’. Enchaînement en douceur avec la voix rêveuse d’ Anamaz, avant une des pièces maîtresses de l’édifice aérien. Une entrée fracassante du violon de madame Goulding introduit la voix évocatrice de Tony qui hache ses battements énergiques électroniques , largement appuyés du beat implacable de Terry Bozzio. Un clin d’oeil sur le rétro : François fait revivre la magie libératrice et festive d’ ‘Ursus Minor’, à en rêver d’un nouvel opus… Vient un moment de relatif repos peuplé des voix de Marie, Elsa et Yelle… Une belle mélodie, indatable, qui nous installe dans l’azur limpide sillonné par le vaisseau qui caracole et cabriole dans l’espace infini… Un vrai morceau de jazz avec vents et tempo marqué, des voix en spoken alimentent le turbo, on dépasse l’atmosphère pour s’ approcher des étoiles… Et voila le grand moment d’émotion, par la réflexion spirituelle du poète activiste amérindien déjà entendu sur ‘Oyaté’, Barney Bush nous livre ici son dernier message de paix avant de rejoindre ses ancêtres, le lègue d’un être humain qui ne disparaîtra jamais tout à fait, suivi d’une mosaïque de sons éthérés qui s’élèvent dans les cieux pour tenter de saluer une dernière fois l’humble prophète… Vitesse de croisière, guitare et alto sur une nappe tendue par Tony vérifient les niveaux, les cadrants ; on survole des contrées inconnues, pleines de soleils et d’étendues colorées… Une brume tiède et euphorisante s’immisce dans l’habitacle, perte de repère et d’horizon, on se laisse porter par des mélodies suggérées se développant dans notre imaginaire… Le trip avance, Tony est à la manœuvre, nous montre des détails qui zèbrent le ciel qui nous semblait pur… Crac, l’incident, le vent tourne, le compas s’affole, la radio répond n’importe quoi, perdus dans les contractions du temps… que rattrape le capitaine de ses mains sûres d’elles, sur d’ailes, parcourant le clavier et nos doutes rassurés… Derniers arpèges brumeux, filets de voix qui s’effilochent dans les nuages d’échappement, la forteresse volante disparaît, en route vers d’autres galaxies dont nous attendons déjà l’histoire du périple…

Un beau voyage dans le temps, dans notre temps ; un caillou blanc qu’on ne perdra pas, marqué d’une écriture inconnue que l’on comprend pourtant…

On se reprend un ticket pour le prochain tour ? … Appuyez sur lecture !

Avec toujours les fabuleux dessins de Pierre Cornuel, et de très beaux livrets pour accompagner l’écoute !

Par Alain Fleche

Chez Nato

https://natorecords.bandcamp.com/album/flying-fortress-back-on-the-fortress