Three Days of Forest – Four Trees
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[COUP DE CŒUR] Three Days of Forest est un trio formé en 2017 par l’altiste Séverine Morfin et la chanteuse Angela Flahault, deux compositrices passionnées de poésie inattendue, que rejoint pour ce disque Blanche Lafuente à la batterie et au Pad. Au printemps 2019, nous avions découvert cette étonnante formation en concert, avec Florian Satche à la batterie, au « Festival Mets Ta Nuit… dans la mienne » (Théâtre des Quatre Saisons – Gradignan, Gironde) (*). Un véritable ovni dont nous ne nous sommes toujours pas remis de l’époustouflante prestation, et que nous retrouvons avec ce frémissant « Four Trees », dont nous n’osions plus rêver !
Le trio a voulu dédier ce projet à quatre poétesses militantes afro-américaines, Rita Dove, Gwendolyn Brooks, Charlotte Perkins Gilman et Charlotte Mew, en donnant une couleur nouvelle à leurs poèmes, réactualisant ainsi le ton de leur action politique, grâce à une musique d’engagement à l’ardeur insolite, allant d’un folk mutant à un free jazz un soupçon bruitiste, avec par moment un pouls pop rock plutôt fiévreux et des effets électroniques.
Les parcours des musiciennes sont des plus variés, et les chemins de leurs inspirations se croisent souvent, ce qui explique la singularité de cet album et l’incroyable complicité créative qui les lient. Ainsi, jazz, rock, folk, chanson et improvisation sont-ils souvent présents chez elles, ce à quoi l’on peut rajouter par exemple la musique concrète et la poésie contemporaine pour Séverine Morfin, le punk et même le free jazz pour Blanche Lafuente, la pop et une attache certaine à l’art de Phil Minton et Joëlle Léandre pour Angela Flahaut, laquelle se révèle par ailleurs une remarquable chanteuse dans le « Tribute to Lucienne Boyer » du Grand Orchestre du Tricot.
De format assez court, chacun des dix thèmes est joliment tourné, avec ce côté précis et incisif qui saisit d’entrée, et nous va droit au cœur sans chichi. Ainsi le très beau « Great Trees » ouvre ce bouquet de quatre arbres essentiels, en une marche chantée, mélancolique au début, accompagnée de superbes cordes et portée par les tambours de la manifestation qui nous invitent à un final de lutte. Pas le temps de souffler que voici à la suite « Voiceover », folk augmenté et rêveur, chœurs d’églises païennes et trépidante échappé à la fin, suivi d’un « Fox » au sourire pop narquois, avec dérapages en un irrésistible free déjanté. La délicieuse miniature « My Taste » adoucit cependant un peu l’atmosphère, une chanson délicate et astucieusement bruitée, qui nous prépare au film surréaliste qui suit, le mystérieux « Secret Garden », texte, sons, voix, un petit monde parallèle fascinant, qui finit par une belle glissade limite speed punk.
D’autres perles comme « Sadie and Maud », « Crazy Woman » ou encore « We Real Cool », densément habitées, poussent carrément l’aiguille du compteur émotionnel dans le rouge ! Gardons pour la fin deux sortes d’hymnes : L’étrange « For fear », où slam illuminé et nappes de cordes s’entrelacent sur fond binaire et nous hypnotisent, et le morceau titre, plus développé, qui clôt majestueusement l’album.
Grâce à ces musiciennes d’exception, nous avons vraiment envie de découvrir ces quatre poétesses engagées, un très bel hommage au cœur d’une forêt aux mille rêves, avec le secret espoir de s’y perdre ! Leur musique a un pouvoir de séduction multipiste. Difficile de résister à cette révolution (en)chantée !
Par Dom Imonk
Garden Records/L’Autre Distribution
https://www.facebook.com/threedaysofforest
(*) Festival Mets Ta Nuit 2019 – Programmation par Philippe Méziat journaliste et Marie-Michèle Delprat directrice du Théâtre des Quatre Saisons (Gradignan, Gironde).
Gazette Bleue N°34 Mai 2019
Retour pages 20 à 23 par Anne Maurellet et Dom Imonk :
https://www.calameo.com/read/0028960398be3200fa6a7/