Bell tolls Variations

Fleur revisited

Ce sont 2 suites distinctes qui servent de trame à cet enregistrement de 2 maîtres à jouer (et à composer) , duo superbement enrichi d’un quatuor à cordes, magnifiquement mis en place par Philippe, usant de ses talents d’orchestration, discipline où il excelle. Marc Copland. a enregistré « The Bell Tolls » en 2009 (avec D.Gress et B.Stewart), pièce appropriée à son toucher délicat et ses recherches harmoniques, souvent, comme ici, polytonales. Philippe Côté, quant à lui, a enregistré ‘La Fleur et la Roche » en 2016, avec 13 musiciens et une section rythmique jazz. Le lyrisme de ces 2 là, appuyé des arrangements de Philippe pour le quatuor de chambre, prend note d’une complicité d longue date, en fait Philippe est resté étudier près de Marc presque un an en 2007, expérience marquante pour le saxophoniste, observable même lorsqu’il joue dans des ambiances ‘à risques’ où son style posé mais libre, son jeu élégant mais inattendu donnent inspiration et respiration à ses comparses et à l’oeuvre finale (voir les enregistrements avec son frère -Pierre- et Michel Lambert).
Les variations sur les coups de cloche sont dépouillées, elles commencent avec de longues interventions de l’orchestre à cordes, des arpèges qui ne sont pas sans évoquer les pièces spirituelles (presque religieuses) de Arvo PÄrt. Rapidement rejoint par le piano donnant le contre-point à l’ostinato du violoncelle, puis seul, avec ses notes qui dégoulinent en cascade, scintillements des reflets d’un soleil entrevu à l’occasion d’une trouée dans les buissons longeant le cours de la rivière charriant, et déposant entre nos oreilles, des notes comme des diamants, pleine de feux et de lumière colorée et chatoyante comme de la soie en brocart . Le sax s’immisce dans la promenade en reprenant des arpèges joués par le piano , avec un son aussi limpide et précis que celui du pianiste, du velours… Chassé-croisé des 3 entités (sax, piano, quatuor), solo, duo, les instruments tournent et ne jouent pas en même temps, ils ne se rejoindront que sur le final dans un équilibre accompli pour clore sur un bel esprit de son de cloches nobles.
Le point de départ de la « Fleur » sont « des séries de 12 notes utilisées pour faire la plus belle musique possible » illustrant « une fleur poussant sur un rocher dans un environnement très aride ». De fait, nous entendons une musique minimaliste, sans effet particulier, des accords décomposés ‘largo’, ligne sinusoïdale qui évolue, se recoupe, progresse vers le haut, l’éther, la plante trouve son chemin parmis les difficultés quotidiennes, géologiques et minérales. On devine une tige qui zigue et qui zague, jouant à cache-cache avec elle-même, et puis, d’autres notes apparaissent sur un tempo plus présent… Quelques notes ‘bleues’, un rythme syncopé, ligne de basse régulière, piano complentatif qui guide un sax prenant le temps de choisir les plus belles notes… pas de doute : le jazz est là ! Un peu intello certes, un espèce de nouveau courant où la virtuosité n’est pas invitée, juste de belles notes, pour le plaisir, pour la beauté, pour se retrouver ensemble !
Dans cet ensemble, n’oublions pas Lee Tsang. Ses poésies remplissent un livret, placé en face (en phase) du cd, il y en le complément logique et indispensable. Un texte pour chaque chant. Lee présente son travail qui veut parler d’expériences humaines profondes. L’une d’elles est la synergie entre tous les artistes présents, chaque note, chaque silence fait partie d’un tout où tous sont impliqués. Lee fait partie de la bande. Il nous fait revivre les mythes grecs et les concepts bouddhistes à propos des cycles de la vie spirituelle… Et devinez quoi : peut-être que Lee est celui qui swing le plus de la bande !

Philippe Côté : Sax Soprano, Clarinette Basse
Marc Copland ; Piano
Quatuor Saguenay (2 Violon, Alto, Violoncelle )

Poésie : Lee Tsang

Chez : ODD sOUND
Par : Alain Fleche