Constantine

[EVENEMENT] Les deux trublions du jazz hexagonal font une halte sur leur parcours de défricheurs de terrains inconnus. Ils posent leur sac à trouvailles et se tournent vers leurs racines, réelles ou imag(in)ées, et rendent hommage à Serge Ceccaldi (le père) en empruntant onze de ses chants (sur les six cent qu’il a composé). Ils sont entourés de la tribu du Tricollectif (qui ont, pour la plupart, connu Serge), et invitent des amis, souvent de longue date, pour ce long chant  poétique, nostalgique et parfois joyeux du soleil qui inonde la terre et les âmes. Une histoire de voyages, d’exil, de déracinement, d’immigration, de terres perdues mais aussi pleine de vie, de vents, d’instants vécus ou rêvés tirés de souvenirs d’enfance pas encore effacés… Des chants qui se souviennent d’images, de senteurs, de couleurs féériques et de parfums enivrants. Vents de montagne et vents de l’Histoire, teintes de l’aurore et des papillons, cris des perdrix, crissements des scarabées. Là où le ciel se perd, près de l’horizon fantôme. Un long chant plein d’émotions, découpé en onze titres qui s’enchaînent sans heurt malgré des ambiances bien distinctes, chargées d’exotisme nomade : nord de l’Afrique à klezmer, jusqu’à l’Orient, en passant par le tango, le rock et des chansons qui brodent sur les bruits de quartiers de la ville algérienne, reliés par de multiples ponts pour mieux se perdre… Se perdre dans des dédales de ruelles, de sentiments estompés, de raisons oubliés, de non-dits devinés… L’orchestre, sans jamais en faire trop, porte sur chaque titre, un musicien invité qui va le teinter de son talent particulier, de son propre imaginaire dirigé par une mélodie, un rythme, une nappe sonore qui l’enveloppe pour mieux s’en dégager en s’en appropriant l’intention originale. Onze saynètes qui racontent chacune une histoire à part et se réunissent dans cette épopée hors du temps, contant pourtant un lieu et une époque qu’ont voulu éclairer Valentin, et Théo, et Serge, et partager ces réminiscences, pour ne plus oublier. Voyage exotique, voyage intime, magnifié du souvenir des meilleurs moments passés dans le pays de Cocagne, ombré de la réalité de temps difficiles de doutes et de combats perdus. Un disque très attachant, plein de charme et de richesses qui apparaissent peu à peu, à chaque nouvelle écoute. Un disque à garder à portée de main, à portée des yeux (le dessin de Jean Mallard  sur la pochette est superbe), à portée d’oreilles qui ne s’en lassent pas, comme d’une gravure ancienne d’un pays abandonné, où l’on a cru reconnaître un ami d’enfance, perdu(e). 

Valentin Ceccaldi : Violoncelle, Basse / Théo Ceccaldi : Violon, Alto  avec le Grand Orchestre du Tricot : Quentin Biardeau : Sax Ténor, Claviers, voix / Gabriel Lemaire : Sax’s, Clarinette / Guillaume Aknine : Guitares / Roberto Negro : Claviers / Adrien Chennebault, Florian Satche : Batterie, percus
Invitent :
Leïla Martial : Voix / Thomas de Pourquery : sax Alto, voix / Yom : Clarinette / Fantazio : Voix / Abdullah Miniawy : voix / Emile Parisien : Sax Soprano / Airelle Besson : Trompette / Michel Portal : Bandonéon, Clarinette basse / Robin Mercier : Voix

Par Alain Flèche

Chez : Tricollection/brouhaha trois