Jeudi 17 mars 2022 à l’Inox : TùCA + Alexis Valet Trio ft. Matt Chalk

Par Dom Imonk, photos Alain Pelletier

Décidément, les soirées Diluviennes ont bien commencé au Théâtre de L’Inox, et le millésime 2022 s’annonce au mieux ! Jugez plutôt : Charley Rose Trio et Philippe Gaubert Trio en janvier, suivis de Motherseal et Aurora en févier, et ce soir, rien moins que TùCA et Alexis Valet 4tet ! Du très beau monde, où l’on constate qu’une fois de plus, pour citer l’association Déluge, organisatrice, « qualité et découverte » sont au rendez-vous !

C’est TùCA (la dune en gascon) qui a ouvert le bal. Depuis le Tremplin 2021 Action jazz qu’il a remporté, le groupe s’est produit au Quartier Libre fin octobre, puis au Club Jazz à Fip début décembre au Rocher de Palmer. Nous en avions déjà parlé.

TùCA en action ! De gauche à droite Martin Ferreyros, Cyril Drapé, Louis Gachet, Thomas Galvan (caché, batterie) et Thomas Gaucher.

À chaque fois, c’est l’occasion de voir à quel point la « dune » évolue vite, les bonnes idées circulant à foison, comme des embruns sa(b)lés, entre les cinq compères, nous en avons encore eu la preuve ce soir ! C’est toujours le vif et généreux Louis Gachet (trompette, compositions) qui mène cet esquif turbulent, mais réfléchi, entouré des intrépides Thomas Gaucher (guitare, compositions), Martin Ferreyros (guitare), Cyril Drapé (contrebasse) et Thomas Galvan (batterie, le frère jumeau rythmique de Simon Lacouture, toujours new-yorkais). Ils auraient pu ne proposer que des morceaux déjà connus, et bien non, pas que, « work in progress » oblige, nous avons eu droit à quelques nouveautés, toutes frétillantes, sorties d’un panier de pêche au gros cœur, le leur, camarades, amis, frères ! D’entrée la vague claque la coque avec « Sam the gentle » (Thomas Gaucher), la contrebasse mélodique peint le vert profond de l’onde, alors que Martin Ferreyros dessine l’écume de sa crête d’un très beau solo, déjà ! Puis vient le punch ovale du ballon cinglant de « Pick and go », écrit par Louis Gachet, alors là, t’as pas trop intérêt à lambiner sur le terrain mon gars ! Mais Louis sait aussi émouvoir, le temps de gouter à « One Lev », petite balade cool, fluide, cristalline, titillée par un chorus accroche-cœur de Martin, encore lui, traversant des clairières à l’air vivifiant. On veut aussi emprunter ce « Camins » (chemin) que nous indique Louis, avec les phrases d’une trompette tourmentée, presque à nu, soutenue par de graciles guitares, et par la contrebasse articulée et percussive de Cyril Drapé, dont la profondeur singulière du verbe peut parfois évoquer Charlie Haden ou Thomas Morgan. Et puis il y a les « déjà connus », mais qui à chaque fois nous cisaillent l’âme par surprise, comme « Chez Bastien » de Thomas Gaucher, qui y prendra un remarquable solo, de même que Thomas Galvan, dont le drumming presque binaire par moment, booste la place ! C’est aussi un rocker, ne l’oublions pas ! Grand moment d’émotion avec « Rumination », un hymne collectif, au lyrisme d’engagement, transpercé d’une magnifique envolée de Thomas Gaucher, ambiance « frisellienne » garantie, encore différente, et final en explosion carrément rock !
Pour le dernier morceau, on invite l’ami Alexis Valet, sur un superbe « Do you know the city in the winter », que demande le peuple ? C’est beau, tout simplement !

Sur le fil de TùCA, Louis Gachet se déplace en funambule, entre des dunes de soleil et de vent, un guitariste à chaque extrémité d’un balancier imaginaire, les tenants de flambeaux électrifiés, batterie et contrebasse scandant cette éphémère procession, vers l’autel mystérieux de la note d’après. Bravo messieurs !

A noter sur vos calepins que le 05 juillet, TùCA participera au Tremplin national ReZZo du Festival de Jazz à Vienne, et qu’en fin d’année, il sera en résidence à l’OARA Nouvelle Aquitaine (MECA). Tout cela, avec le soutien d’Action Jazz ! Des précisions sur les dates vous seront communiquées.

Alexis Valet 4tet

Alexis Valet 4tet in the vibe ! Avec de gauche à droite Luca Fattorini, Alexis Valet et Antoine Paganotti (Matt Chalk plus bas dans la galerie de photos).

Voilà que le vivifiant bouillonnement des vagues landaises, se transforme maintenant en un tourbillon nocturne, celui des nuits de jazz que connais si bien le vibraphoniste Alexis Valet, pour en être l’un des acteurs incontournables, que ce soit sur Paris, ou ici, sur sa terre native.

En quelques années, nous avons pu le voir évoluer, dans diverses formations, chacune de vrais challenges. Ses qualités de musicien et de compositeur se sont  affirmées, pour en faire aujourd’hui l’un des plus affutés défenseurs du vibraphone, instrument désormais bien présent sur le devant de la scène, des deux côtés de l’Atlantique, grâce à cette jeune génération à laquelle il appartient, vive et inventive, qui n’a pas peur de réécrire le jazz à sa façon ! Rendant tout d’abord un vibrant hommage au Label Déluge, sur lequel était sorti son premier album en 2019, Alexis Valet est venu défendre « Explorers », son tout nouveau disque paru en fin d’année dernière sur le label Jazz&People (*). Jouissant d’un accueil  fort justifié, il a marqué les esprits par un ton moderne, par sa vigueur, par l’espace et l’interplay, et par une qualité de son qui pouvait nous laisser croire que le groupe jouait dans notre propre salon ! A la base, c’est un superbe trio qu’Alexis Valet a formé avec les excellents Luca Fattorini à la contrebasse et Antoine Paganotti à la batterie, plus des invités de marque sur l’album : Bojan Z au piano et Ben Van Gelder au saxophone alto. Ce soir, il n’y a pas de piano, et c’est le redoutable Matt Chalk qui est au saxophone alto, natif de Kansas City, comme Charlie Parker et Logan Richardson, et membre éminent de la scène new-yorkaise pendant une dizaine d’année, avant de se fixer à Paris. Inutile de préciser qu’écouter enfin  cette musique en live est un vrai choc, qui confirme que la fougue d’ « Explorers » était prémonitoire ! C’est sur un rythme hyper speed que nos explorateurs ouvrent les vannes en nous entraînant dans un trip à bord de « Voyager 1 », le plus lointain objet perdu dans l’espace nous explique Alexis, morceau qui nous laisse imaginer ce que doit voir ce vaisseau au travers de ses hublots inquiets ! Nous en sortons bien remués, alors place au magnifique « Oriental  folk song » de Wayne Shorter, qui n’en est pas moins cosmique, mais disons plus planant ! La fête continue en un régal de maitrise des quatre compères, menant une danse collective qui unit le doux bourdonnement de la contrebasse, très  walking à ses heures, tantôt caressée par les balais, tantôt percutée par les impacts vertigineux de la batterie, au souffle brûlant du saxophone et aux percussions limpides du vibraphone, tout en élégance, mêlant subtilement les arrondis des pleins aux échappées argentées des déliés. Sachez que question standards, l’affaire ne s’est pas arrêtée là car nous avons aussi été gâtés par « Dr. Jakle » de Jackie McLean et « Dixie’s dilemma » de Warne Marsh, deux pépites remarquablement reprises. Place enfin à l’émotion et l’intime, avec de touchantes compositions d’Alexis Valet, « Any Sunday with her », surement dédiée à (chut…), et « Mascara », la ville de naissance de sa mère. Les choses tirent presque à leur fin. Alors que la basse gronde, formant une  sorte de tapis vibrant, fait d’un humus rythmique, aimable et apaisant, voici venir « What’s next », également de la plume d’Alexis, qui clôture le concert et l’album, comme une question posée au futur ! Incroyable groupe, et saisissante profondeur dans ce final,  Alexis et Matt étant liés comme les fibres d’une corde d’escalade ! Quelques jours plus tard, le même groupe se produisait au Minus (Cours Victor Hugo à Bordeaux), mais sous la houlette de Matt Chalk, pour un hommage à Jackie McLean, concert carrément scotchant là aussi, nous vous en reparlerons peut-être, si vous êtes sages !
Mais attendez ! Ce n’est pas fini !

Le Collectif Déluge est très heureux de vous annoncer que son festival, maintes fois reporté pour cause de pandémie, se tiendra enfin les 15, 16 et 17 avril au Théâtre de l’Inox, 11 rue Fernand Philippart à Bordeaux, avec un alléchant programme, toujours formé de deux concerts par soir ! Le lien de réservation à Helloasso est un peu plus bas, alors profitez-en car c’est vraiment toujours très abordable, vu la variété et la qualité des artistes proposés ! D’ailleurs, les voici :

15 avril : Kevin Braci Quintet + Claude

16 avril : Vind + Cynthia Abraham

17 avril : Jeanne Michard Latin Quintet + Mathieu Tarot Quartet

https://www.facebook.com/TuCAquintet

https://www.facebook.com/AlexisValetMusic

https://www.facebook.com/deluge

https://www.helloasso.com/associations/collectif-deluge/evenements/deluge-festival

(*) Chronique de « Explorers » :

Galerie de photos :

Louis Gachet.
Thomas Gaucher.
Cyril Drapé.
Thomas Galvan.
Matt Chalk.
Luca Fattorini.
Antoine Paganotti.
Luca Fattorini et Matt Chalk.