Julie Campiche Quartet – You Matter

[COUP DE CŒUR] D’un esprit curieux et imaginatif, Julie Campiche (harpe, effets, compositions) a déjà parcouru bien des chemins, qui lui ont permis de sillonner des régions sonores variées, qui l’ont captivée, du classique à l’électronique, en passant par le contemporain et l’improvisation libre. Par l’expérimentation dont elle bâtit ses rêves, elle a notamment su offrir à la harpe ce langage jazz neuf, tatoué par endroit d’une pointe d’électronique, ce qui lui sied à merveille. Elle a côtoyé diverses formations dont ce quartet, avec lequel elle signa son premier disque « Onkalo », sorti il y a trois ans. Ce titre désignait « le premier site finlandais d’enfouissement permanent de déchets radioactifs », ce qui dévoilait ouvertement le ton militant de l’album, et la vision réfléchie et humaniste de la harpiste sur la Planère bleue en péril. Pour « You Matter », la voici de nouveau associée à Leo Fumagalli (saxophone, effets), Manu Hagmann (contrebasse, effets) et Clemens Kuratle (batterie, effets), ses brillants complices, membres eux aussi de la nouvelle scène Suisse, et précieux alchimistes qui participent à cette union créative et la rendent encore plus assurée. C’est un plaisir de retrouver la diversité de ton et l’univers d’une poésie belle mais non complaisante, ce qui nous avait séduits sur « Onkalo », d’autant que les sept thèmes du présent disque sont généreusement développés, ce qui offre aux idées le temps d’être perçues de manière plus complète. Ainsi, le message laissé par « Aquarius », comme une bouteille à la mer, est poignant de force et l’émotion nous envahit à l’écoute de la tragique histoire de ce bateau de sauvetage de migrants. Fort bien dépeint par la musique, aux intonations presque cinématographiques, un angoissant climat se développe sur plus de dix minutes. Se télescopent alors des images de cieux assombris, d’eaux tumultueuses et abyssales et de visages terrifiés par la mort tant redoutée. Même impression d’engagement avec la saisissante exhortation de « Fridays of hope », qui voit samplée la voix de la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg. Bien que restant très sensibles aux évocations plus intimistes de « The other’s share » et « Parenthese », et aux accents mystérieux de « Lies », c’est surtout le majestueux « The underestimated power » (nous comprenons « des femmes ») qui achève de nous conquérir, dans sa diversité de couleurs, et par la profondeur de son message. D’un sourire ironique presque détourné, « Utopia » referme ce très bel album, qui confirme l’excellence de ce quartet et son imagination fertile, ainsi que la beauté de ses espérances. « You Matter », « nous comptons » ! Preuve en est dans ce petit extrait des notes de pochette de Julie Campiche : « Puisse ma musique vous aider à vous connecter avec vos propres rêves et à trouver la force de les réaliser. Parce que vos rêves comptent. Parce que nos rêves sont la clé de demain ».

Par Dom Imonk

Enja/L’Autre Distribution

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