Résonances

Par Philippe Desmond

Eric Séva, comme tant d’autres, souffre en ce moment. Finis les voyages dans le monde entier qu’il affectionne tant, où il trouve une partie de sa matière. Avec cet album il a découvert un autre moyen de s’évader et en plus il nous invite à le suivre. Ce disque – ça commence à faire bizarre d’utiliser ce mot – vient du plus profond de lui, toutes ses expériences musicales, de la variété au jazz en passant par la pop, le blues. Il métisse tout cela avec ses voyages, les cultures de l’Orient, de l’Afrique, de l’Amérique Latine et leurs musiques du Monde. Cela aurait pu donner un résultat flamboyant, tonitruant, pourtant le résultat relève davantage de l’intime, peut-être son album le plus personnel, dans lequel il se livre à nous. Il le fait sous forme de conversation avec Kevin Reveyrand à la basse et Jean-Luc Di Fraya aux percussions. Conversation en parfaite entente, on se parle, on s’écoute, on chemine ensemble. Le trio joue acoustique même si la basse est électrique, pas contrebasse, Eric Séva joue uniquement des sax ténor et soprano laissant de côté son gros baryton où il excelle aussi. La suavité du premier, la finesse du second sont au service de ses compositions originales, sauf une de Kevin Reveyrand. On trouve aussi une reprise de son album « Body & Blues » de 2017 avec « le Village d’Aoyha » ; quel plaisir de réentendre cette douce mélodie murmurée au soprano, le trio devenant quartet avec un instrument supplémentaire, les délicates vocalises quasi féminines de Jean-Luc Di Fraya, la basse faisant patte de velours.

Eric Séva aime créer des mélodies, il doit tenir cela des ses expériences dans la chanson, mais ici elles deviennent vite un prétexte à des promenades improvisées. Tout le long de l’album son sax est en totale liberté et ce qui est remarquable, c’est la cohésion dans ces passages avec ses deux compères. La basse souvent feutrée, mélodieuse elle aussi, pas seulement rythmique, les percussions de cajon , les caresses des balais sur les cymbales participant à cette évasion musicale, ce nomadisme, cette itinérance comme aime à le dire Eric Séva. « Résonances » annonce la jaquette, elles sont là proches de nous, on ferme les yeux on les ressent encore davantage, au casque c’est fascinant.

Nous avions pu « assister » en février au concert en ligne donné par le trio au Studio de l’Ermitage, vous trouverez le lien vers l’article du blog. L’album confirme les sensations ressenties ce soir-là, les émotions avaient réussi à traverser les ondes et nos écrans, notre imagination faisant le reste, nous invitant à croire que nous y étions réellement. Cela reviendra et vite espérons-le, car comment arrivons-nous à nous passer de tels artistes si longtemps ?

Label Laborie : www.laboriejazz.fr

Sortie le 14 mai 2021

Article du blog AJ : https://actionjazz.fr/eric-seva-trio-triple-roots-au-studio-de-lermitage/

Teaser : https://youtu.be/oMasQ_Se_qk