In C Terry Riley


JEREMY BAYSSE
 : Guitares électriques (8), acoustiques (2), Banjo, Mandoline, Basses (2), Claviers, Percussions, Programmation
Enregistré conditions ‘live’ dans son propre studio à l’aide d’un magnéto.de 50 pistes (nombre d’instruments utilisés)  préparées en amont, jouant l’accompagnement des  53 motifs de l’oeuvre, la partition et les chorus sont enregistrés direct, sans retouche, approximation comprises. Une performance identique sur scène nécessiterait autant de musiciens ! on en rêve ! « IN C », Première œuvre minimaliste, sérielle, répétitive, tonale de l’histoire de la musique, elle fut créée à San-Francisco en 1964 avec 35 instrumentistes, une autre version a été donnée avec 124 joueurs. Révolution musicale où se sont engouffrés nombres de compositeurs contemporains (J.Adams, S.Reich, P.Glass, A.Pärt…), c’est aussi l’origine probable de la musique allemande rock ’70 (Tangerine Dream, kraftverk…), et la base même de tout bidouillage électronique actuel, on en trouve aussi des bribes dans quelques chorus jazz profitant de la magie incantatoire de ce monument.  Il y a quelques 5 années, Jérémy a flashé sur une version de « Electric contrepoint » de Steve Reich, interprétée par Pat Metheny (avec 7 guitares). ll s’est frotté à cet exercice, tellement complexe techniquement, qu’il s’est rabattu sur la pièce fondatrice et inspiratrice : « In C », ce qui reste un sacré challenge de réalisation ! D’autres travaux, la course au casse-croute… et c’est lors du 1er confinement (printemps ’20) qu’il remet l’ouvrage sur le métier. 3 semaines qui lui ont permis d’enregistrer les bases, une autre pour la mise en place des chorus, le temps de roder tout ça, et hop, en boite ! Dans la foulée, il gère le graphisme du visuel du disque : magnifique photos de mur où la peinture s’écaille en dessinant des pièces de puzzle en relief, à la fois indépendantes et imbriquées ensemble, parfaite illustration des assemblages proposée ici.
La musique : nul besoin de détailler cette oeuvre première dont nous gardons tous en mémoire la surprenante innovation, l’effet transe immédiate, des notes identiques en progression permanente qui finissent par former une mélodie différente sans que nous ayons pu en saisir les charnières, ni s’apercevoir de la rentrée (et de la sortie) de nouveaux instruments et surtout nous souvenons nous du manque de lassitude, surprenant pour une pièce qui semblait être la même de bout en bout, mais est, en fait,  sans cesse renouvellée,   comme l’eau du fleuve qui court, les cellules du corps humain qui vivent, meurent et se remplacent sans que les formes générales ne changent… C’est juste la Vie, en ce qu’elle est mouvement ! Question de référent, les pierres sont vivantes aussi, sur un rythme très lent, elles bougent, changent, voyagent, puis sont taillées pour en obtenir l’essence et le joyau.
Oeuvre incantatoire, à rapprocher de certaines musiques asiatiques (on entend Terry Riley jouer des Tabla sur des enregistrements du chanteur indien  Pandit Prân Nath, ‘La Monte Young’ est au Tempura). Venue d’un autre monde, à l’origine de tout un pan de la musique actuelle, souvent jouée, ou évoquée, c’est une version bien différente que nous offre  Jérémy. Ou comment faire du neuf avec de l’ancien (fut-il intemporel). On peut certainement se demander d’où vient cette impression de total renouveau, échappant au déjà entendu -déjà vu-. Certes les progrès technologiques du matériel à jouer, à enregistrer, à imprimer…, mais c’est côté interprétation, et surtout chorus qui provoque le bain de jouvence. L’attachement du guitariste poitevin à ses propres premières impressions, sa vision, sa motivation, le reflet de son imaginaire, ses techniques perso… Et puis son parcours : y a du rock, une volonté de s’affranchir des codes, dogmes et réflexes, une nécessité d’innovation permanente …  Toute une alchimie qui lui permet de s’approprier l’extension du souvenir de son écoute. Résultat : une musique toute neuve, sortie de l’œuf géodésique primordial de la muse, tant il est vrai que « Rien ne disparaît (ni s’invente) tout se transforme. ». Encore une fois, les chorus étonnant d’inventivité, quasi permanents, sur la trame stable dans sa mobilité, font toute la différence et passent un gros coup de dépoussiérage. C’est frais, nouveau, inattendu, enjoué, précis, attachant, captivant, et les rares approximations rendent cette interprétation encore plus humaine (proche de notre condition) !
Jérémy nous avait surpris (et touché) dans un registre bien autre avec « Écorchures » l’an passé, radicalement Free, sombre et rageur. Gageons que le prochain travail sera d’un autre univers. Parmi ses nombreux projets actuels, il y a un duo avec Anaïs (voix soprano)sur musique baroque destinée aux enfants, des lectures-concerts sur des textes de S.Zweig (en tournée dans la région cet été, on en reparle), et à venir : un tio de compositions prévu avec basse et batterie, plus conventionnel ? Parions que non ! 
Jérémy est un nomade, comme N.Atchoke, qu’il aime à citer, alors, laissons le nous surprendre une fois de plus, après cette perle de disque, il n’est pas homme à nous décevoir 

chez : Creative Sources Recording
Par : Alain Fleche