Opera of the unspoken – Island of unrest

Jeannette Lambert : Voix, Composition / Michel Lambert : Batterie / Reg Schwager, guitare /
Jérôme Lambert, van garden : Voix / Théo Lambert, beamer! : Voix / Maureen Kennedy : Voix / Heather Morgan : Voix / Walter Schwager : Voix

Retour de la Dame chanteuse-enchanteuse, poète envoûtante, Elfe de la « forêt de symboles  qui l’observent avec des regards familiers, navigant sur la mer, éternelle image du divin infini. (dessin de jaquette : « maman » Agatha Schwager)
Opéra du ‘non-dit’, l’île sans repos. Oeuvre ambitieuse, dans son intention humaniste  et sa manifestation concrète. A la recherche, en forme d’hommage, des voix qui se sont tus. Voix ancestrales, voix des victimes (1ère guerre mondiale, guerres en Asie), voix de combattants disparus, d’Orient et d’Occident, enfin réunis, qui continuent de nous appeler. Viennent leur répondre  Rites immémoriaux, Rituels magiques, Free Jazz, Tarot, Rêves… par une nouvelle forme de chant. où les belligérants de tous bords peuvent se retrouver dans les émotions universelles de mélodies communes où eur propres noms sont cités et reconnus.
Les compositions se servent d’oracles, de rêves et de cauchemars d’enfants. A l’instar de J. Cage utilisant le ‘l Ching’ pour avancer dans son travail, là, c’est le souvenir d’un rêve de ‘Chouettes sauvages’ qui est à l’origine de ce ‘discours’. Sont ajoutés des histoires de famille et des documents historiques pour peindre à grands coups de partitions ce qui s’est passé, et imprimer sur la mémoire collective des éléments tragiques, tus ou transmis, cachés ou oubliés, pour leur rendre leur place dans la mémoire du temps.
Histoires de gens trahis, leur confiance abusée, liberté perdue. lndividus de tous bords, mêlés dans la tourmente, courant après leur vie qui s’enfuit, qu’on leur a pris. Restent debout des mères courage, des enfants sous les fleurs, pâle sourire d’une lumière ambrée, absorbée par les fumées maléfiques, illuminant ceux qui savent que le soleil et la paix reviendront.
Pour exprimer cette démarche, des voix. Voix de proches, amis , famille, qui ont , aussi, leur propre histoire. Voix de vocalistes, poètes qui s’unissent, captent les énergies telluriques et cosmiques, ramènent les rêves dans le réel pour transformer le chagrin en beauté. Opéra à écouter dans le silence du cœur, dans la recherche de notre histoire qui se mêle à celle de nos ancêtres, de tous les ancêtres, puisque ce sont les mêmes, qui nous unissent tous, pères et racines communs.

Un présent pour les enfants disparus, ceux qui se souviennent, et ceux qui viendront.

L’œuvre commence par des voix féminines, a cappella. Chant ancien réinventé, tiré de la mémoire universelle collective. On pense aux travaux de J.Zorn sur ce sujet (My Call). Le Verbe prend corps, se diffuse par le souffle qui couvre la Terre.
 Jeannette chante, Reg égraine des arpèges légers, Michel rythme le temps qui remonte les âges pour approcher l’origine du 1er battement de tous les temps… qui est toujours le même aujourd’hui, par le bénéfice de « l’éternel retour » cher à M.Eliade. Les arpèges se figent en accords serrés et rejoignent les coups irréguliers sur les peaux qui résonnent des temps anciens.
Une chanson. La voix de Jeannette est différente aujourd’hui. Certes, toujours aérienne, presque évanescente encore, morceau de rêve, embout de baguette de magicienne. La voix s’est chargé de matière, d’assurance, de sens fort et droit, alourdie d’autres voix qui se font entendre à travers la sienne.
Voix d’homme. poésie sur percussions de Java. La voix d’un autre homme, autre face du précédent sur le même fond musical…
Du fond des âges, de la mémoire, de la pensée, voix déformée par les vagues des siècles, hachée de la cristallisation d’accidents du temps et de disparition d’hommes sous le tonnerre de sombres bouleversements et de batailles.
Plusieurs voix montent le long d’un filet de fumée, conduit de notes d’orgue étranges. Voix qui (se) cherchent, redescendent prendre de la matière et se réunir en accords incertains d’une mélopée de deuil.
Des voix, encore, qui se mélangent, viennent du chaos, racontent l’informel et la destruction. Puis s’organisent, les mots font des phrases, uniques ou répétées. une forme d’ordre s’installe. La discussion improvisée deviennent musique, le son se structure, fragile mais chargé de lignes de force venues de l’incréé, prêtes à exister enfin, pour dire…
Chanson en forme de prière. Recueillement profane qui rencontre une idée du sacré. Appel aux dieux et éléments qui ont soudé la tribu, fondé la cité, réunit les hommes. Élan vers le divin, des notes de cordes vocales et de métal comme des pétales de roses qui flottent dans l’air et tombent vers le haut, traversant une batterie de nuages légers, aspirés par la lumière principielle qui ne disparaît jamais complètement.
Notes oubliées d’un air perdu sur un clavier qui se regarde et s’abandonne aux doigts tendres et légers, presque hésitants, comme un corps inanimé qui se relève…
Voix qui se retourne sur elle-même, soulevée de frottements de cordes, de peaux, de bronze. Voix qui porte la réponse à sa question, humble  certitude de parole révélée.
Plusieurs voix,  ensemble et seules pourtant. Harmonies quantiques en équilibre précaire dans un instant déjà transformé en ailleurs. Sillons d’orgues, orques qui fendent et séparent l’air et les eaux, la terre et les cieux qu’explorent les voix revenues de la poussière du temps.
Une voix flotte comme une âme sur les nappes d’air soufflées dans les cylindres de l’orgue du temps au présent éternel, puis, qui prend corps sur les réflexions d’une guitare qui navigue entre deux eaux, qui rebondit, sur les frappes de baguettes célestes, entre deux peaux.
L’impératrice pose son regard sur l’incertitude d’un monde en devenir. Monde qu’elle recrée à chaque son, à chaque souffle et chaque silence. Une voix répond, posée sur le sol d’une nouvelle planète, portée des accords d’une guitare presque joyeuse, finit par se perdre dans l’air que nous respirons, mais que nous retrouverons, un jour, au détour d’un rêve ou d’une carte divinatoire, du fond de notre être.

Opéra qui appelle à se souvenir de voix enfouies, de vies volées, de corps mutilés. Mêlons les nôtres, sous forme d’idées, d’hommages, de respect, pour ne jamais oublier … d’où l’on vient ! (mélange inexpugnable d’amour et de haine, au dehors comme en nous-même, alternance de blanc et de noir, pavé mosaique où l’on apprend à poser les pieds -et les pensées-, pour trouver, enfin, la paix, sur la ligne médiane, , entre le bonheur et la souffrance) »par-delà le bien et le mal »).

Chez : JazzRant
Par : Alain Fleche