Franck Carlberg à L’Impromptu chez Etienne Rolin, le 24/11/2023

Quand il s’agit de s’imprégner de Monk, il faut en retrouver la poésie, quelques accords suffisent à la promenade. L’hommage de Frank Carlberg attrape d’emblée la beauté, avec des accords profonds, des sauts de puces aussi pour tenter la légèreté et entrer dans l’écriture de Monk.  La voix du musicien proche du râle, de grondements semble restituer ce que le corps ressent, Carlberg comme désireux d’appartenir à l’ensemble, piano, sons, résonances, et surtout esprit. C’est une beauté envoûtante par le désir de frôler le génie des harmoniques du grand musicien. La musique  à l’état pur ou brut en quelque sorte… la même saveur, ferveur.

La merveille, c’est cette quête à saisir, choisir les accords qui aboutissent à la simplicité, une déambulation stylisée donc où chaque trait s’impose parce qu’il est essentiel ET empreint de sensations, d’émotions. Il n’empêche qu’en le restituant ainsi, il le sublime.

Peut-être possède-t-il aussi une douce rage à vouloir gratter le matériau précieux.

Autre abordage, quelques notes à peine soutenues, toujours pour cette quête, semble-t-il, atteindre le moindre pour entendre mieux encore les mélodies épurées de Monk… répéter le « la » pour qu’une ébauche de valse frôle un morceau, quelques accords pour entendre au plus près sonorité et génie dans une sobriété on ne peut plus touchante. L’art effleurant l’art. Création sensible, fragilité d’un passionné à la retenue respectueuse et puis à chaque fois des frémissements obstinés, un peu grondant pour malaxer la matière et vouloir en déguster le jus, même si le chemin exigeant est âpre. 

Frank Carlberg anime les morceaux de Monk, spectres désossés révélant les miroirs qui se reflètent infiniment sur eux-mêmes. Tracés de vie, précis et pourtant énigmatiques que Carlsberg interroge sans relâche.

Le musicien pénètre l’âme de Monk en entraînant les notes et les accords dans la magie des morceaux, laissant leurs échos se mêler, que renaisse le miracle, radiographies subtiles de monkisme.

Par endroits des débordements habiles, jolies colères de contournement d’où jaillit finalement le cœur du morceau. Quelques rages aussi, l’élève brillant en désespoir d’affranchissement ? Non, disciple fasciné, juste un peu frondeur pourvu qu’il y retourne…

La beauté sur la beauté. 

Nous sommes dépouillés.


par Anne Maurellet, photos Steph Ane