Altérité

Edouard Ferlet : piano/ Naissam Jalal : flute, voix/ Sonny Troupé : batterie, tambour ka/ Guillaume Latil : violoncelle, voix

Grand plaisir de retrouver ces magnifiques artistes accomplis ! Ils se sont rencontrés en 2017, à l’occasion du concert de sortie du disque d’Edouard (think Back Op.2 — déjà chroniqué dans ces colonnes). Bonheur d’entendre encore la belle flûtiste (du très beau “sons de l’invisible” déjà chroniqué) qui rend le spirituel palpable. Avec Sonny, maître tambour de Guadeloupe que tous réclament, à juste titre, alliant le ciel et la terre, mêlant la fluidité de l’eau et la force du feu. Et le violoncelle atypique, aussi à l’aise sur les registres jazz, classique ou même chansons, quand ses activités de compositeur-arrangeur lui laissent un peu de place.
Donc, une rencontre, un échange, un désir commun de faire, de jouer et de jouer encore, ensemble. 2 résidences pour apprendre à se connaitre, dialoguer sans a priori, sans “patron”, sans filet ! Laisser les envies, les idées, les notes jaillir. S’adapter, se faufiler, s’immiscer dans le tout, sans contrainte, sans égo ni prétention. Programme de l’exercice : “Improvisation idiomatique”. Pas de papier, pas de partoche, c’est le cœur qui joue ! Pas de : “keskonfè ?”, là : on fait ! Musique improvisée, certes, mais on est loin des canons du genre, où chacun va au bout de ses capacités techniques, cherchant à se dépasser sans cesse, à surprendre, à inventer les sons et les notes. Là, on serait tenté de parler de “bœuf libéré” de “composition simultanée commune”. Là, on va chercher le beau, l’harmonieux ; échange libre, mais direction choisit : il est question de parler au cœur, à l’âme de l’auditeur, pas de le perdre dans les méandres d’un labyrinthe de sons inconnus. Ce qui n’empêche nullement nos joyeux drilles de s’inventer, de dépasser leur cadre habituel, de proposer ce qu’ils ne connaissent pas encore. Et ça marche ! L’art consommé de chacun des protagonistes fonctionne en plein, sans réserve, on n’en garde pas pour demain, tout doit disparaître dans un élan de joie, par un clin d’œil cosmique. C’est du feu, pas sauvage, contrôlé. Lumière et chaleur. L’obscurité ne passera pas l’hiver. On s’approche de cette musique comme du coin de l’âtre d’où se projettent les étincelles qui éclairent la vie.
Musique d’amis, musique de fête(s). Musique pour se réchauffer l’esprit, musique pour ne plus attendre la lumière, elle est là, il est là, le soleil. Accueillons-le !