Das Kapital – One Must Have Chaos Inside To Give Birth To A Dancing Star

DANIEL ERDMANN : Saxophones

EDWARD PERRAUD : Batterie

HASSE POULSEN : Guitares

Grand retour du trio européen libertarien, qui nous livre, une fois de plus, tout ce qu’on peut attendre d’une musique qui se veut libre de toutes frontière, cadres, références et autres limites, nous offrant, en franche opposition des tensions sourdes et lourdes du monde contemporain, une harmonie collective instantanée d’une sensibilité à fleur de peaux, de cordes et de cuivre, par une inspiration indéfectible, issue d’une écoute permanente à la musique en gestation qui emplit leur esprit et leur environnement, et, bien entendu, en la mettant en œuvre, tout en la découvrant au fur et à mesure de son élaboration. Ainsi, on a grand’joie à retrouver :

Le sax allemand élégant, au lyrisme cajoleur, avec de simples notes soufflées, puisées au fond du cœur du tube de métal et du fond de son âme, avec des arpèges qui s’enchaînent comme pour une fugue de Bach, laissant percer des relents de rage tant bien que mal contenue, en barrière à tout ce qui pourrait lui être imposé, en défi à qui tenterait de le contraindre à modérer son imaginaire débridé, bien plus malin et puissant que les forces néfastes pourtant prêtes à le contenir, mais oubliant que rien ne peut s’opposer à l’élan d’un cœur sincère.

Le guitariste danois géant, lui, s’emploie à nous faire oublier sa virtuosité sans faille. aussi à l’aise sur l’acoustique que sur l’électrique, puisant à toutes les sources musicales, entendues ou devinées, invente des formes de nuages qui se forment puis s’effilochent, des tapis perçants l’atmosphère terrestre pour embarquer tout le monde dans un voyage galactique, sans ceinture ni guide, chacun y allant de ses propres commentaires, modifiant sans cesse un parcours jamais établi. Tout ça dans une justesse de ton et de place qui laisse deviner le travail monstrueux nécessaire à cette maîtrise de l’instrument.

Et puis, notre bon vieux français de batteur, espèce de Peter Pan lunaire qui semble toujours découvrir ce qui l’entoure : fûts et cymbales, pas les baguettes, car extension de ses propres bras dont il caresse les éléments sonores avec tendresse jusqu’à les faire sien et enfin les exploiter à coups de moulinets qui n’épargnent rien ni personne. Alors, à ce jeu-là, le tempo ‘straight’ n’est pas sa priorité, ne pas compter sur lui pour savoir où sont les temps, bien trop occupé à raconter une histoire qui se mêle précisément à celles qu’il entend, dehors et dedans.

Concept de l’enregistrement : « On s’enferme 5 jours en studio, sans matériel thématique ni préparation aucune, l’objectif étant d’improviser en totale liberté, afin de capter les énergies qui nous animent… » confie Edward. 41 impro réalisées, pour 7 de retenues pour assurer la cohérence du disque où se confondent fraîcheur et maturité, mystère et évidence, divagation et quintessence. 9ème opus en 20 ans de collaboration, celui-ci ne ressemble à aucun autre, les temps ont changés, les hommes aussi. L’énergie est d’aujourd’hui, eux aussi ! Forts de leurs expériences, rencontres, travail individuel, ils sont les 1er témoins de la musique qu’ils font, créant alors une autre masse d’énergie dans un mouvement exponentiel qui rend bien compte du temps présent. Pour Hasse : « on est moins dans l’éclat, la distanciation ironique, la violence iconoclaste – beaucoup plus dans des logiques d’alliage, de tissage, pour rassembler dans un discours partagé, l’expérience accumulée ». … dont acte.

L’athanor des alchimistes bouillonne. Le jus fluide se répand en myriades d’étoiles emplissant l’espace. La « Machine à tuer le fascisme » est en marche ! L’évidence de la musique égale l’urgence de l’instant. Le disque s’écoute comme un manifeste, comme une symphonie. Les titres s’enchaînent d’une telle rigoureuse harmonie, que l’œuvre semblerait pensée, organisée, écrite (?)… Mais non, juste la magie de la connaissance et de la confiance absolue régnant instantanément entre les 3 mousquetaires ( le 4ème serait l’ingé. son qui a passé des jours sur le matériel brut pour obtenir le son définitif). Un son plutôt sombre puisé dans l’ombre des étoiles, dans le magma brûlant du centre de la terre, dans des cerveaux en lutte contre l’obscurantisme imposé, à la recherche de l’unité principielle. Alors, jaillissent, ça et là, au coin d’une phrase, au détour d’une note, des rayons de lumière éblouissante que reflètent des pierre taillées à la mesure de leur force tellurique, tout ça relié dans une poésie rêveuse, combative, parfois fiévreuse, jamais roborative. Ode à l’amour universel qui devra encore traverser des batailles et gagner des guerres pour enfin rétablir la paix entre les hommes de bonne volonté.

La référence mar(x)tienne du groupe n’était-elle suffisamment explicite qu’ils empruntèrent le titre de cet album à un autre grand philosophe allemand : le pâtre de nihilisme : Nietzsche !?

« Il faut du chaos à l’intérieur de soi pour donner naissance à une étoile qui danse »

Danse, petite étoile, danse, et montre nous le chemin…

Beau, à pleurer de bonheur !

PS : Notre ami Bruno Tocanne avait invité Daniel Erdmann l’an passé à son festival de Trois-Palis (inoubliable performance solo, entre autres magnifiques prestations…), cette année c’est le tour de Hasse Poulsen, vous n’allez pas vous manquer ça au moins ?

Chez : Label Bleu

Par : Alain Fleche

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