Chrones – Zone

[DÉCOUVERTE] Tout au long de son histoire, le jazz a connu de multiples turbulences, dont encore aujourd’hui les courants bouillonnants cohabitent et s’entremêlent. Des premières heures du ragtime au hip-hop ou à l’électro, il en a déclenché des révolutions ! Elles furent salutaires car outre l’envie de décomplexer le mainstream, cette musique a toujours su porter la revendication sociale, raciale, politique, économique et artistique. Elle a su résister !

Ne parlons pas de chapelles mais quand même, le groupe Chrones doit bien en enrhumer quelques-unes et fait partie de la mouvance « intranquille » d’un certain type de new sounding militant. Mené par Pierre Lapprand (saxophoniste, électro inventeur multi directionnel et compositeur), cette formation nous avait déjà sérieusement bousculés avec « Mental Climbers », leur premier disque sorti il y a presque quatre ans. Composé par ailleurs de Baptiste Ferrandis (Guitare), Etienne Renard (Basse) et Paul Berne (Batterie), autres frétillants acteurs de la scène young blood parisienne, Chrones avait déjà prouvé que son écriture pouvait tout à fait allier ce qui est retenu d’études de haut niveau dans des conservatoires perchés, et les goûts affirmés pour des groupes rock tendance grunge/hardcore, voire électro. Et c’est ce qui était ressorti de cet album explosif.

C’est encore très présent aujourd’hui.  Nous retrouvons l’audace de l’inspiration, l’intensité d’un jazz tiré au cordeau, confronté à l’électricité tranchante qui crache ses éclairs vertigineux, qui nous bousculent et nous poussent encore plus haut. L’écriture se peaufine certes, mais sa précision est plus insidieuse et s’inocule dans un muscle punk qui y tire sa force et emporte tout sur son passage !

Pour nous accueillir, une pochette couleur du cœur du soleil, et l’écriture du titre en forme d’arachnide mutante, d’une encre résistante, tout comme « Fourmis » qui ouvre l’album, sur une citation du philosophe Gilles Deleuze, rapportée en fin d’article (*), qui rapproche « […] L’œuvre d’art et l’acte de résistance ». Des fourmis besogneuses qui pilonnent d’entrée à coup de riffs électrocutés. A peine le temps d’une belle accalmie rêveuse, que voilà de la lave qui jaillit de partout ! Manière de dire qu’elles n’ont pas peur des cigales. Tu veux du rock coco ? Alors enfile toi cul sec le shooter « Koulamatcha » qui déboule à fond la caisse, rythmique over speed, sax en mode intraveineuse, un jazz punk des plus acérés, et si ce n’est pas suffisant, un conseil, un peu plus loin, tu finiras complètement accro des vraiment allumés « Commeuant » et « Espiègle » brûlots minés à te vriller les tripes ! Bon allez, sérieux, tu danses ou tu tombes ?

Relève-toi vite car « Zone » va te sidérer ! On dirait du Dali musical, une musique ensorcelante venue d’ailleurs, l’apocalypse en quatre minutes ! Un morceau carrément surréaliste dont la vidéo est en fin d’article, regardez ça, c’est juste fou ! Extension de ce monde parallèle avec le génial « Captain », un mini opéra cosmique, avec ses accents hardcore à la répétitivité hallucinante qui ne vous lâchent plus. Les chœurs d’une procession de fin du monde suivront, avant la reprise d’un speed démoniaque, lancé par les fulgurances du sax. Transe majestueuse dont nous ressortons scotchés ! Entre temps, nous espérons pouvoir un jour plonger dans les eaux belles, fluides et chuchotantes du lac caché de Savoie, merci le gps. Pour terminer cet album trépidant, l’ambitieux « 6 Pool » nous captive une dernière fois, alors que le clôt « Dance », envoûtante ballade folk pop, qui invite Thibault Gomez aux synthétiseurs et au piano.

Visionnaires possédés par la pulse, musicalement surdoués et en totale synergie spirituelle, les membres de Chrones ont su marier leurs univers et s’unir dans la création d’une œuvre hybride à la folle énergie, de nature à captiver un public sans œillères, addict d’émotions fortes et de pogo. Au final, une chose est sûre, Pierre Lapprand n’est pas trop poli pour être Ornette, lui et sa bande sont bien plus que ça !

Pierre Lapprand – Saxophone, production, chant, composition (1, 3, 4, 5, 7, 8)

Baptiste Ferrandis – Guitare, production, composition (2)

Etienne Renard – Contrebasse, chant, composition (6,9)

Paul Berne – Batterie, production

Thibault Gomez – Synthétiseurs et piano (9)

Prise de son – Studio Caisson

Mixage – Paul Berne

Mastering – Quentin Fleury

Graphisme – Guillaume Saix

Album produit par le label Art District Music

Pierre Lapprand joue les anches et ligatures Ligaphone ©

« Fourmis »

(*) « L’œuvre d’art n’est pas un instrument de communication, l’œuvre d’art n’a rien à faire avec la communication, l’œuvre d’art ne contient strictement pas la moindre information. En revanche, en revanche, il y a une affinité fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance » – Gilles Deleuze ©

Par Dom Imonk

Art District Music/Chrones

https://www.artdistrict-music.com/

https://chronesofficial.bandcamp.com/album/zone

https://www.facebook.com/Chronesofficial

CHRONES Paris, oct. 2021