Sound Neighbors


GREG BURK : Piano
RON SEGUIN : Basse
MICHEL LAMBERT : Batterie, Maîkotron


Nous avons déjà parlé de ce trio (augmenté du saxophoniste H.Cook) à propos du disque « Many Worlds ». Enregistré en 2020 à Rome, nous retrouvons avec plaisir le talentueux et délicat pianiste qu’ont remarqué S. Rivers ou G. Cleaver, probablement de par son touché, et ses compositions ‘ésotériques’ (toute intérieure) qui ne sont pas sans rappeler les qualités de Paul Bley (avec lequel Michel et Ron (?) ont travaillé) .
Nouvel art du trio, ou art d’un nouveau trio ? Il s’agit bien ici, de la réunion de 3 maîtres de leur instrument fusionnant naturellement pour créer un son. « Un Son de Voisins ». Michel, illustrant le visuel du disque, présente 3 arbres. Les arbres communiquent par leurs racines, quelques soit leur essence, leur origine, ils échangent des informations, sur le temps, les dangers, les avantages… Regardez, en forêt, même très proches, les branches d’aucun n’empiètent sur l’espace nécessaire à l’autre, ils évoluent et poussent en respect de tous, et ne font rien qu’à s’entraider pour la croissance harmonique et la sauvegarde de l’ensemble. On ne parlera pas d' »intelligence » des végétaux (quoique…), par contre, nos 3 lascars n’en manquent pas. Sur des thèmes (écrits pour la plupart par Greg) sobres mais de belle construction, chacun improvisent librement, laissant la place aux autres de s’exprimer, d’inter réagir, de délirer ou re-centrer le tout sur chaque proposition, sans grande envolée paroxystique, mais dans une tendre  douceur, avec une fine élégance , ce qui n’empêche une formidable énergie qui affleure à chaque note, chaque son de ces voisins de micro.
Le piano lyrique, expose des suites d’arpèges, d’accords, d’harmonies où l’on retrouve parfois quelque citation de la libre G. Allen, ou de la folie adoucie de T. Monk, déliés dans une profonde recherche au/du coeur de chaque phrase qui fini par imploser et laisser la place à une nouvelle idée. La basse, bien ronde, appuie discrètement les mélodies, doublant les notes ou en contre-point, ou bien extrapole un début de phrase, habille une note en suspend, en contrarie d’autre en obligeant le piano à se dépasser, aller plus loin qu’il ne le pensait, afin de finaliser sa démarche prospective. Notre ami Michel fait le reste ! il est partout ! tout le temps ! sur tous les temps ! Total libre, il semble s’écarter du thème, presque du tempo… mais non, il est bien là, à sa place rythmique qu’il retrouve en toute quiétude après excursions sur des terrains que lui seul arpente pour en rapporter les fruits glanés. Joie, aussi, d’entendre encore l’instrument emblématique du batteur : le Maïkotron, sorte de vent bizarre qui ne ressemble à rien d’autre, qui apporte une couleur particulière, une onde, une ombre, vibration qui navigue, enveloppe et magnifie les autres sons, avec la même liberté employée à faire voyager les fûts et cymbales sur les nappes dépliées par le piano. A se demander si la batterie ponctue le cheminement du clavier, ou si les touches noires et blanches accrochent des notes pour embellir le tableau en construction du batteurSound, sous l’œil et l’oreille de Ron, le modérateur ?
Ode à la respiration, approche intimiste du silence, par un trio distingué, relié par des racines invisibles, piliers organiques qui soutiennent un azur indifférencié, recueillant le cœur et l’âme de ceux qui veulent s’y rencontrer. 

Chez : TONOS records
Par : Alain Fleche