Masters of Improvisation
Valid Records – VR-1016
par Alain Flèche
Nouvel Orléans (où on ne passe pas son temps qu’à ressasser de vieilles scies, revivalisme ou hommage aux précurseurs qui innovaient), janvier 2017, en public. Ce jour, le Kidd est entouré de vieilles connaissances : Fielder, dont les 1ères rencontres régulières datent des « 70, Futterman, co-équipié dans différentes formations, depuis les “90, Swell, souvent croisé dans de grands ensembles (pour la 1ère fois ici en petit comité). Réunion de grands, des potes. Alors on va se régaler ? Oui !
3 titres sont présentés. Des ambiances différentes pour chaque, et à l’intérieur des 3 aussi. Ca commence par une mise en jambe un peu claudicante, genre fanfare improvisant quelque cacophonie, espèce de joyeux bazar plein d’éclats, de rire et de soleil, de clins d’œil et de reconnaissance réciproque. La batterie prend la main pour ralentir le tempo afin de conclure. Ensuite, un dialogue spacieux, spacial entre trombone et percussions. Des notes au piano, d’abord éparses et perdues, puis affirmées et frénétiques. Jordan, enfin, impose son swing inaltérable, un jeu free plein de force, de sentiment, de lumière et d’énergie, caractéristiques l’approchant des plus grands, auxquels il n’a rien à envier. L’intensité va et vient, comme dans une écriture de pleins et de déliés, toute linéairalité oubliée au profit d’explorations inspirées, fracturées et intenses. Enfin, un dernier morceau en forme d’hommage à… Nola elle-même. Gai et joyeux, intrépide et farfelu, mais avant tout du feeling et du groove. Presque funky avant de terminer sur une improbable version de ‘Summertime’ qui joue à cache-cache entre les tonnes d’idéées que ces fabuleux musiciens expriment à chaque instant.
Jordan est bien le maitre de la séance, même s’il parait moins virulent que sur de plus anciens enregistrements. Effet de l’âge, sans doute, où son énergie légendaire fait désormais place un à son plus évanescent, avec une tendresse grave comme la sagesse, privilège de l’expérience d’années de travail et de rencontres. Entouré d’amis, artistes talentueux s’il en est, qui le porte, l’oblige une fois de plus à se dépasser, pfff, fastoche : encore tellement de choses à dire, écoute…
He is the Boss !
Kidd Jordan : sax ténor, Alvin Fielder : batterie, Joel Futterman : piano, Steve Swell : trombone