SO-LO-LO #3 Basa-basi

Thibault Florent : Guitare 12 cordes, Percussions, Compositions
invités : 4 musiciens du Gamelan Puspawarna

Né en 1984 Thibault Florent, malgré un diplôme de l’ENM Villeurbanne, est un musicien qui se construit au gré des rencontres humaines et musicales, il touche aussi au piano (jazz) et à la guitare classique. Un tour à New-York, le temps de flasher sur le travail du batteur Jim Black. Retour à Lyon, abandon des barrières stylistiques, recherches sur les musiques improvisées en trio jazz/noise. Rencontre décisives, à l’occasion d’un master-class, avec,  en solo, Marc Ducret. Il plonge dans le Free-jazz (Tût) et s’attache au Kecak balinais. A Berlin, il approfondit les possibilités de la 12 cordes en solo, elle est préparée puis devient percussion pour une musique rythmique répétitive. Il est maintenant installé à Tours, participe à plusieurs projets rock, contemporain, jazz, et continue la lignée ‘so-lo-lo’, dont voici le troisième opus.
3ème So-lo-lo, plus tout à fait en solo. Outre la complicité de Brice Kartmann (Ingé. son) encore ici sollicité, il invite 4 musiciens de  gamelan sur 2 titres. La symbiose est saisissante. Les sons s’accordent naturellement, les rythmes se répondent entre eux (jeu traditionnel et pulsions actuelles) et les notes balinaises un peu acides complètent les triturations des cordes, de chaque côté des sillets, ce qui fait osciller le son entre harmonies et percussions.
Basa-basi évoque les petits rien des échanges quotidiens en Indonésie, les salutations, les couleurs du temps du jour… échanges avec lui-même, avec un interlocuteur absent, avec un auditoire fantasmé… Voyage en solitaire auquel il nous convie. Pioche dans le quotidien profane pour le sacraliser. Le sorcier devient magicien. Les litanies de magie noire se développent en transes spirituelles qui engourdissent les certitudes pour découvrir les secrets de notre condition, toujours à fleur d’âme.
Des phrases courtes qui résonnent longtemps, comme une boite à musique perdue dans un palais de miroirs, qui évoluent, s’accélèrent, se scindent, se réunissent, s’organisent, se diluent pour se transformer, changer de couleurs… Clin d’œil à la musique répétitive de T.Riley (ce qui fait penser au travail de  Jérémy Baysse sur ‘IN C’), et aux ritournelles bancales de ‘Moon Dog’ (!?!). On se souvient aussi des musiques électroniques hallucinatoires  allemandes des ’70 (Tangerine Dream, Tarot, Popol Vuh…).
Et puis les rythmes gonflent, s’amplifient, deviennent organiques, slaloment entre les notes des cordes qui s’éloignent, coups de butoir et vrombissements bientôt insoutenables, c’est maintenant une respiration asynchrone qui bute sur un rythme qui joue à cloche-pied, de la Terre au Ciel… D’un coup, revient en pleine face l’image qui naviguait du coté de la mémoire inconsciente, comme un mot qui se trimballait sur le bout de la langue juste avant de tomber dans l’assiette : imaginez un instant le Pink Floyd époque ‘Ummagumma’ qui se fait un trip en 2022 , acide compris ! Un vrai voyage ! Accrochez vous, ça décolle !  Ça tourne dans tous les sens, tous les sens sont en tournée, entourés, encensés. Coups de masse ‘House’ allure vertigineuse, vision de forges de nains au cœur de la montagne. Les Elfes veillent, avec des regards dépassant des ténèbres qui rendent toutes  résistances vaines , des coiffures blondes comme le jour qui vient et s’enfuira, des sourires d’amis moqueurs mais généreux. Mais aussi, d’autres êtres sont là, tapissés aux coins des mesures démesurées, prêt à écorner, à écorcher les oreilles trop fragiles qui ont oublié la force des notes englouties dans les soupirs et les silences… Voyage vibratoire, éjaculatoire, cosmique, cosmétique, hérétique, éthique, et tac… ‘Perdu’ le Mistral                                                  
 Ouf, le Gamelan arrive pour assurer la descente : tapis vibratoire , cloches, clochettes et gong  (David Allen’s ..?) . Les sens refont sens. La cuve prête à imploser se rafraîchit. L’air circule à nouveau, la respiration se fait plus régulière. Le train fantôme s’éloigne avec des secousses a-rythmiques et quelques derniers crachotements. Reste l’excitation d’un moment explosif qui semble avoir modifié les connexions de nos neurones. Mais non, le retour à la ‘normale’ est effectué, après ce drôle de voyage, loin d’être anodin.
Belle surprise que ce bonbon un peu pimenté qui fait traverser le miroir de nos désirs inconnus… En attendant la suite, on peut toujours écouter les précédents ! Miam ! 

Chez : Capsul Records
par : Alain Fleche