Unixsity

On était restés avec un gout de trop peu, un peu amer, carrément nostalgique, de voir pour la toute dernière fois LE sextet français de jazz fusion, lors de Jazz In Marciac 2009. Un double CD live avait été gravé comme une épitaphe à laquelle il semblait falloir se résoudre.

En 2019, lors de son passage à St Emilion Jean-Pierre Como (claviériste de Sixun) m’avait pourtant glissé à l’oreille qu’un projet n’était pas exclu ! L’espoir renaissait enfin de réentendre ce son inimitable mâtiné de jazz, de world, d’un brin d’électro et magistralement mijoté par des pionniers du genre devenus maestros.

Dans mon cœur, frappé à jamais par cette fraicheur créatrice à l’écoute de « L’eau de là » (1990), Sixun demeure une des plus belles découvertes musicales des années 80-90, très largement au niveau des Marcus Miller, Brecker Brothers, Steps Ahead, Herbie Hancock, Chick Corea… lancés à peu près à la même époque, dans la quête d’un nouveau style de jazz, cette fameuse « fusion ».

Au 20ème anniversaire du groupe à la Cigale, 2 soirées à guichet fermé démontraient que « cette musique n’est pas morte », selon les mots rassurants prononcés par le groupe sur scène, lui-même réconforté de voir son public fidèle, et plus que jamais exalté.

Avec le projet « UNIXSITY », Sixun réunit le groupe des 5 fondateurs historiques auquel Stéphane Edouard est venu apporter sa touche orientale en 2008 sur l’album « Palabre ».

« UNIXSITY », c’est du Sixun pur jus : pas de doute. Le son, les breaks, les tempos chaloupés, les mélodies ciselées, l’énergie… tout est là et cela n’a pas pris une ride. Délaissé depuis une vingtaine d’année avec un retour au jazz plus organique, la recette « fusion », pourrait sembler veillotte si le talent créatif des musiciens n’était pas au rendez-vous. Jean-Pierre Como ne cesse d’explorer depuis 2010 des chemins très différents (Europa Express, My litle Italy…). Idem pour Louis Winsberg et ses projets multiples (Jaleo, Temps réel…). Quant à Michel Alibo, Paco Sery, Alain Debiossat et Stéphane Edouard, chacun collabore dans des styles différents, variété, world, chanson française…

Bref, ce n’est pas qu’une bande de potes qui se reforme, c’est carrément Spotify que vous embarquez dans un seul nom, SIXUN. Un pour six, six pour un.

Dans UNIXSITY, le premier titre « Minor steps » frappe fort ; on y retrouve d’emblée ce qui fait la singularité, « l’unixsité » (ou peut-être l’unicité) de ce all-star band. Polyrythmie, mélodie séduisante mais pas aguicheuse, groove à l’énergie bien trempée. La classe n’efface pas avec le temps ! Le phrasé guitare – sax très précis est d’une efficacité détonante. Aucun doute Sixun is back !

« Very Sixun Trip », plus calme, nous amène en voyage, accompagné par la guitare de Louis et les chorus de Jean-Pierre au Rhodes. « Faith » est une mélodie chantée comme le groupe en a composé maintes fois. Piano acoustique, sax soprano se fondent dans cette ballade bien rythmée de percus africaines et créoles. « Idole » fait la part belle aux impros de piano et guitare entre les expositions du thème soutenu par le sax d’Alain. La recette fonctionne toujours aussi bien qu’aux premières heures du groupe… et le tout se déchire dans une coda batterie percussions. « Drac », une autre ballade soprano, chant, percussions indiennes expose une petite ritournelle, ensuite enrichie de chorus de guitare et de voix masculines ; les improvisations facétieuses de Jean-Pierre au Moog ajoutent une touche de modernité et un chic tout sixunien. « The seven keys » clôture l’album comme il a commencé. Une grosse rythmique, une phrase mélodique très travaillée et soutenue par une voix féminine aux accents indiens. Michel et Paco envoient du lourd, quand Edouard souligne le parti-pris « oriental » de ses tablas ! Voilà l’ouvrage abouti.

Un seul regret ! Seulement 6 titres… c’est tellement bon qu’on aurait aimé en savourer davantage. Poussés par un Paco Sery au top de sa forme et les sollicitations de tous les nostalgiques, les 6 compères ont donc décidé de reprendre l’écriture. Composés pendant le confinement, (finalement il y a eu du bon aussi pendant cette crise Covid !), les titres ont été enregistrés fin 2021.

Le phénix ! Vous le savez, ce n’est pas le nom de ce projet mais c’est peut-être un peu l’idée, et puis surtout, c’est un signal formidable envoyé aux jeunes (et aux moins jeunes) artistes, aux créatifs connus et aux moins connus. Les belles choses ne meurent jamais.

Si vous voulez avoir une idée du « beau » achetez ce CD, allez écouter Sixun en live… Neuf albums sur les 12 réalisations de Sixun viennent tout juste d’être récupérés en digital, et seront disponibles sur les plateformes notamment. Aucune excuse pour passer à côté de leur prolifique talent !

Je me suis laissé dire par un certain Louis W. que le New Morning (11 février) et Coutances et ses pommiers, avaient déjà signé pour 2023. D’autres festivals (vers Condrieu ou encore sous les Pins maritimes « Gould ») pourraient aussi se confirmer. Restez à l’affût les amis.

Signé Vince

BMG