Bertrand Denzler / Antonin Gerbal – Sbatax
Château Pallettes chez Isidore Krapo, Bordeaux 25/01/2024

Un démarrage à tambour battant – comme l’expression consacrée. Le sax de Bertrand Denzler saisit le tempo envoyé par la batterie, on commence par un entêtement et ça c’est bon signe… L’insolence circulaire cherche le circuit, la caution de la batterie plus que consentante, et tente des soubresauts pour mieux vibrionner ; fermer le son, l’ouvrir, l’entraîner, l’embarrasser mais que la sève coule à pleines notes et que l’irritation espérée éclose. Ouvrir, fermer, relancer le flux, que la musique éructe, impertinente. La batterie d’Antonin Gerbal l’accompagne, vigoureuse, lui répond, l’engage.  Bertrand Denzler fait vibrer le son, précipite, étourdit, cultive les méandres. Antonin prend la main, seule sa batterie trépigne, crépite et appelle soudain avec quelques coups de baguette le sax attentif qui attaque des ondulations même si la frénésie règne en maîtresse.

Folie des instruments qu’ils semblent vouloir exténuer tous deux. Bertrand pousse aux extrêmes les variations de l’air, courbes, ondes hystériques de ce que proposent des poumons habiles et assoiffés à un sax pour l’un, la tension d’un corps qui se démembre avec maîtrise afin de tenir la course, sprint à la durée impossible, et pourtant… pour l’autre.

Ce que peut l’énergie créative…

L’emballement conduit les sons à se mêler à leur propre écho, une note s’emparant d’une autre et vice-versa, les accélérations de la batterie y répondant derechef. La résistance à l’épuisement participe à l’aventure, les graves titillent les aigus avec Bertrand, comme pour les provoquer, s’étendent, particulièrement sonores, revendicateurs dont on ne sait de quelle liberté.

La batterie reprend la main… de plus en plus spartiate, pour un tempo féroce appelant le sax à s’inventer encore, frétiller peut-être. La lave incandescente se répand. Ils sortent de leurs tripes l’âme de la musique, ici sa puissance, sa folie. Des trépidations en chant de cygne ; il faut bien revenir.

par Anne Maurellet, photo Alain Pelletier