Russ Lossing – Piano Solo
Inventions
A suite of improvisations
[DÉCOUVERTE] Musicien américain de renommée internationale, Russ Lossing (pianiste, compositeur et improvisateur) a un parcours singulier et la richesse de son œuvre, pas toujours facile à classer, et une originalité de jeu aux textures et intonations variables, ont peu à peu précisé sa personnalité et fondé ses marques. Histoire de le situer, il précise : « J’ai commencé à étudier le piano classique en 1965 à l’âge de cinq ans. À dix ans, j’ai pris pleinement conscience du concept d’improvisation. À ce moment-là, j’ai commencé ma pratique quotidienne en improvisant avant de commencer à travailler sur mes partitions pour mes cours […] ».
Ses aptitudes précoces et des études poussées ont vite fait de lui un acteur très prisé du jazz multidirectionnel, ce qui n’a pas tardé à le propulser, de studios d’enregistrement en scènes internationales, aux côtés des figures les plus prestigieuses du jazz parmi lesquelles, la liste est longue, Billy Hart, Tim Berne, Samuel Blaser ou encore Paul Motian avec lequel il joua pendant douze ans.
Sa production musicale personnelle force au respect, plus de vingt albums à son actif, sur divers labels, ce n’est pas rien !
« Inventions – A Suite of Improvisations » suit de près l’étonnant « Alternate Side Parking Music », sorti il y a à peine un an avec sa formation King Vulture. « Inventions » est le deuxième disque en solo du pianiste, après « Eclipse » paru en 2015, dont nous retrouvons ici l’esprit décoiffant.
Dès le départ d’« Inventions I », le ton de l’album est donné. On imagine que les couleurs de la pochette, qui dissimulent habilement le titre, sont en réel mouvement grâce à la farandole de sons qui nous empoignent alors. Une féérie d’idées, à la fois multiples et unies en un seul flow, à laquelle il est impossible de résister tellement c’est clairement capté, et évocateur de styles divers qui pour certains nous reviennent à l’esprit comme par miracle. Des pleins et des déliés successifs saisissants, d’une grande musicalité, qui peuvent par moment évoquer la musique contemporaine, mais aussi Thelonious Monk et Paul Bley.
Plus serein et apaisé, « Invention II » calme le jeu en dévoilant des clairières classiques, aimées des romantiques, propices à la méditation. Peut-être y-a-t-il là un soupçon de Claude Debussy ou de Keith Jarrett ?
« Invention III » est nettement avant-gardiste. Une pièce interrogative, qui jongle avec des silences entrecoupés de notes furtives. Il y a du tranchant, mais aussi du doux. Interdiction de s’endormir, extension du domaine du réveil. Esprit de Cecil Taylor êtes-vous là ? Ou bien peut-être est-ce celui de John Cage ? Nous en perdons l’équilibre de bonheur !
Les pièces IV, V et VI poursuivent cet enchanteur mystère, dans des pulsions alternatives qui nous captivent, du plus infime des sons aux constructions les plus tourbillonnantes, en nourrissant la réflexion et en suscitant la joie. Cette musique, colorée, vive et changeante, est inouïe au sens littéral du terme, on la dirait échappée d’un monde parallèle, mais naturellement accessible malgré sa complexité, en nous offrant un savoir compressé, illuminé d’influences diverses.
Russ Lossing a enregistré ces pièces de nuit chez lui sur son piano personnel, en pleine campagne loin de tout, comme évadé du réel. Ces six inventions improvisées sont généreuses et vitales, elles délivrent l’émotion, en un vrai rêve éveillé. Un disque indispensable, qui engage à découvrir l’œuvre incroyable de cet artiste unique.
Par Dom Imonk
Songs/Blaser Music/L’Autre Distribution
https://www.facebook.com/rus.lossing
https://russlossing.bandcamp.com/album/inventions-a-suite-of-improvisations