Avant le concert de fin de résidence au Rocher de Palmer du 12 mars 2020, Tom Ibarra a bien voulu nous accorder quelques minutes pour répondre, toujours avec simplicité et gentillesse, à nos questions.
AJ : Bonjour Tom 5 ans seulement sont passés depuis que le public t’a découvert et nous voilà déjà au troisième album et à la troisième formation. Tu as donc tant de choses à dire ?
TI : (rires) Je suis très content que ça arrive enfin. Pour ce projet il y a beaucoup plus de travail en amont, ça fait un an qu’on travaille dessus, même un peu plus en novembre 2018.
AJ : Peux-tu nous expliquer l’évolution de ta musique ? Elle s’est apparemment élargie au delà du jazz tel qu’on l’entend ?
TI : tout à fait, c’est très différent au niveau des influences, il y a très peu de jazz mais de la pop, des artistes comme James Blake, Bon Iver, ça frôle limite avec la folk. Il y a même de l’électro genre John Hopkins et une influence de musique contemporaine comme celle de Steve Reich. Ca change donc au niveau des influences mais aussi au niveau de l’équipe avec trois nouveaux musiciens. Déjà on est six au lieu de cinq avec une trompette et un clavier en plus car Lilian Mille joue des deux. Un synthé basse en plus aussi pour Noé Berne (à la basse), un peu plus de matos sur scène donc. (Tao Ehrlich à la batterie et toujours Jeff Mercadié au sax et Auxane Cartigny aux claviers)
AJ : Comment se font les compositions ?
TI : On part toujours de mes compos. Pour ce projet j’ai amené des idées et on a beaucoup bossé ensemble contrairement aux autres albums où c’était moi qui faisait un peu tout. Je compose toujours à la base et les arrangements se font de façon collective. J’ai cette fois co-composé certains titres, on trouve davantage de travail de groupe cette fois.
AJ : Le point de départ ? La mélodie, le rythme ?
TI : les mélodies, c’est quasiment toujours moi, les structures, les parties à rajouter se font en groupe.
AJ : L’album sort quand ?
TI : En septembre, il est quasiment prêt, il reste le mastering. Il a été enregistré au studio MidiLive dans la région parisienne, avec un ingénieur du son qui s’appelle Bertrand Fresel qui a fait Philippe Katerine, Etienne M’Bappé, le Sacre du Tympan…
AJ : Vous êtes tous très jeunes pleins de talent et d’avenir, n’est-ce pas trop dur de vous fixer ensemble sur un même projet ? +
TI : Si c’est hyper dur. Par exemple Tao devait être en tournée en Europe avec Eric Truffaz et ne devait pas être avec nous après demain à Toulouse. Mais les concerts ont été annulés… C’est un peu compliqué, tout le monde a des projets, on ne tourne pas non plus à raison de 100 dates par an, ce qui fait que je ne peux pas mettre d’obligation de présence. On a tous envie d’être là car c’est la musique qui nous lie mais parfois il n’y a pas le choix.
AJ : Justement toi, te verrais tu comme sideman, ce qui dans le jazz n’a rien de péjoratif. On t’a notamment vu avec Damien Schmitt et invité par Marcus Miller
TI : j’aimerais bien, je ne demande qu’une chose c’est qu’on m’appelle pour jouer la musique d’autres, mais c’est pour le moment une expérience que je n’ai pas beaucoup pratiquée. Forcément je suis demandeur de ça car je ne suis que leader de mon projet, ou quand je joue hors du groupe c’est sous mon nom. J’ai fait quelques tournées avec Damien Schmitt.
AJ : Tu as déjà beaucoup tourné dans le monde, sens tu des différences dans les divers publics ?
TI : Oui, c’est parfois surprenant, par exemple on peut s’attendre à un public assez froid en Angleterre et en Allemagne et quand on y a joué c’était super, très réceptif. Souvent je m’attends à des réactions et ce n’est pas ça qui se produit.
AJ : Nous sommes à Bordeaux dont tu en connais un peu le mode de vie du jazz, parle-nous de ce qu’il se passe à Paris, c’est dur ?
TI : C’est plus compliqué de vivre de la musique à Paris. Il y a davantage d’opportunités pour avoir des choses plus intéressantes, mais c’est plus dur d’avoir le statut d’intermittent car il y a beaucoup plus de musiciens et ça paye beaucoup moins, c’est même un scandale. Ici aussi bien sûr il y a des endroits où c’est payé au lance-pierre mais dans la région on trouve quand même des lieux qui payent correctement.
AJ : Tu viens justement environ une fois par mois au Thélonious de Bordeaux pour des concerts en duo ou en trio. Pourquoi cela ? Une mise en danger, un exercice pour progresser ?
TI : Pour plusieurs choses, la première c’est que le duo a toujours été mon point faible. Avec mon groupe je me place sur la musique qui est derrière et je tiens rarement la baraque. Quand j’étais au CMDL (Conservatoire des Musiques Didier Lockwood) c’était vraiment mon point faible et ces concerts m’ont beaucoup permis de progresser et de me mettre à nu. Quand tu es en duo avec une chanteuse ou un instrument monophonique tu es obligé d’assurer. L’autre raison c’est qu’évidemment j’ai aussi besoin de gagner ma vie, pas la peine de le cacher, Benoît Lamarque me donne toujours cette opportunité au Thélonious. Mais c’est surtout hyper formateur.
AJ : A ce propos comment travailles-tu, beaucoup, souvent, toujours ?
TI : Pas assez ! On n’est que deux avec Claire Boissy à faire vivre la structure et mine de rien c’est très chronophage. Je m’en occupe aussi. Après il est vrai que je ne suis pas très rigoureux, je peux bosser 6 heures un jour mais ne pas travailler le lendemain. C’est très aléatoire mais je ne bosse pas assez, c’est sûr.
AJ : L’aspect technique du métier, des instruments t’intéresse t-il aussi ? Tu es endorsé par Ibanez pour les guitares, Savarez pour les cordes et DVMark pour les amplis, participes-tu avec eux à l’évolution de leur matériel, fais-tu remonter des choses ?
TI : Oui, je fais remonter des ressentis, ils me demandent conseil, récemment des retours sur l’AR, la guitare que j’utilise en ce moment. J’étais aussi avec eux au NAMM Show (plus grand salon mondial de l’industrie musicale en janvier en Californie).
AJ : Comment s’annonce la suite pour ce nouveau projet ?
TI : Sortie d’album en septembre, on va faire monter la sauce pendant les mois à venir. Jazz à Vienne, Jazz à Toulon, tournée au Kosovo… On commence a communiquer sur la sortie de l’album qui sera masterisé en avril. On aura quatre mois avec l’album prêt pour en entendre parler et pouvoir le lancer ; à Paris ce sera à la Boule Noire. C’est cool !
AJ : Merci Tom et bon concert ce soir au Rocher
Ce concert du 12 mars 2020 allait s’avérer le dernier avant la fermeture de ce lieu et de bien d’autres à cause de l’épidémie de Coronavirus. Compte rendu dans www.actionjazz.fr
Propos recueillis par Philippe Desmond,
photos Christine Sardaine, Philippe Marzat