Les festivals c’est souvent l’occasion de faire des découvertes et ça n’a pas manqué à Jazz et Garonne grâce à la curiosité toujours à l’affût de son programmateur Eric Séva. C’est ainsi que nous avons fait connaissance avec l’univers de Perrine Fifadji et de ses musiciens.
Action Jazz : avec ce projet original et world, comment vous êtes vous retrouvés dans ce festival de jazz ?
Perrine Fifadji : c’est Patrick Duval du Rocher de Palmer qui me soutient depuis un moment dans mes projets qui m’a recommandée auprès d’Eric et Myriam ici.
AJ : et oui Patrick est un passeur
Rija Randrianivosoa (guitariste) : en ce qui me concerne le jazz est une part importante de ma vie de musicien ; c’est une musique que j’étudie et que j’enseigne, mais en tant qu’artiste, à un moment donné j’ai dû me déterminer et le jazz m’a apporté un rapport différent à la musique. J’aime m’entourer de musiciens qui jouent du jazz et ce qui m’intéresse c’est l’inédit que cela apporte quand ces musiciens là jouent un autre matériau que le jazz. J’aime l’interplay sur scène et je me rends compte que je me sens mieux entouré de gens qui maîtrisent le jazz mais qui jouent autre chose. Ca me permet de jouer différemment la musique de mon pays (Madagascar) et celles des autres pays. Ce sont des musiques qui ne sont pas assez défendues et je le conçois comme une mission.
AJ : et justement c’est bien de bénéficier ce soir de la notoriété de Rhoda Scott qui joue après vous ce soir, pour faire découvrir votre musique à un public qui ne serait pas forcément venu spontanément vous écouter, moi le premier ! Et vous Grégoire Catelin (violoncelle) vous êtes issu du jazz ? Je pense connaître la réponse !
GC : et non, je joue plutôt de la musique classique, mais je suis musicien avant tout et j’aime le jazz
AJ : Ersoj (percussions) on le connait, il est capable de s’intégrer partout. Mais vous Perrine comment êtes vous arrivée à la musique ?
PF : je suis arrivée à Bordeaux assez tard, à 28 ou 29 ans, je suis rentrée à la Rock School prendre des cours de chant et très vite la prof m’a dit de monter sur scène. J’ai commencé par le reggae avec Gaïnde comme choriste, puis avec le groupe ASPO (About Some Precious Oldies) de ska-jazz comme chanteuse. Mais la musique je l’ai depuis toute petite ; j’étais au Congo Brazzaville, c’était l’époque de la rumba congolaise. Arrivée en France à l’âge de 10 ans je n’ai pas fait de musique jusqu’aux cours de chants. J’ai ensuite fait deux albums avec le collectif ASPO et ensuite j’ai eu envie vraiment de revenir à mes racines, de chanter dans la langue de mes parents, d’avoir ma propre musique. La danse est aussi arrivée par là. Je suis allé dans un centre où un Béninois proposait de la danse africaine et contemporaine. Et là j’ai eu envie d’avoir ma patte et de me lancer avec mon propre nom.
AJ : comment vous êtes vous rencontrés avec ce drôle d’équipage ? (rires)
PF : dans l’ordre Ersoj qui avait joué sur le premier album « Chrysalide » que j’ai fait en 2011 ; c’est Francis Passicos qui l’avait fait venir et sur le deuxième album « Goutte d’eau » j’ai voulu qu’il soit là. Patrick Lavaud sachant que je cherchais des musiciens pour cet album m’a parlé de Rija : Greg est venu par son intermédiaire, il est de Paris.
RR : avec Grégoire on a fait nos études de professeurs ensemble .
GC : et j’ai vu qu’il y avait un terrain favorable, une musique un peu bizarre et ça m’a plu (rires)
AJ : ces musiques justement d’où viennent-elles, ce sont des compositions ?
PF : la plupart sont des compositions avec Rija et Greg, elles viennent d’Afrique mais s’ouvrent vers d’autres terres. Moi déjà je suis faite de trois terres, le Bénin, le Congo, la France. Ce qui m’intéresse c’est d’intégrer dans la musique africaine des sons d’ailleurs mais enracinés eux-aussi. Ersoj c’est son histoire avec la Macédoine, tout ce qu’il a vécu, Rija ses traversées. Ce qui m’intéresse c’est qu’on sente la base africaine et qu’elle vienne s’enrichir avec d’autres sons.
AJ : il y a une part d’improvisation sur scène ?
RR : oui beaucoup, en terme de chorus mais surtout on essaye de déverrouiller la forme ; on peut commencer par le refrain ou autrement. Moi je suis fan du second quintet de Miles et j’aimerais bien tendre vers ça même si c’est impossible, délaisser le scénario et travailler pour pouvoir comprendre ce que la musique demande.
AJ : mais le fait qu’il y ait une chanteuse ça ne contraint pas le discours ?
RR : on le travaille, on ne travaille pas les morceaux mais l’approche des morceaux. On y arrive très bien en duo et on essaye de l’étendre au quartet.
AJ : qui alors mène le jeu ?
RR : c’est un dialogue ; en fait je vois le quartet comme un duo augmenté.
GC : nous avec Ersoj on réagit en temps réel
RR : mais on essaye de ne jamais oublier que c’est la forme de chanson sans trop la verrouiller, c’est un compromis.
AJ : Perrine, envie de chanter du jazz ?
PF : ah oui oui oui ! J’ai déjà chanté du Billie Holiday. Ca va venir !
AJ : avec la voix que vous avez ça devrait le faire ! Merci et bon concert tout à l’heure, dans moins d’une heure !
Le concert a été superbe, Perrine a subjugué le public qui s’est levé spontanément à la fin et leur a fait un triomphe. Une bonne surprise pour tout le monde.
propos recueillis par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat
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