Interview Paolo Chatet

La valeur n’attend pas le nombre des années !

Paolo Chatet fait partie des jeunes musiciens bordelais que suit de près l’équipe d’Action Jazz. Certains d’entre nous avons découvert ce trompettiste actuellement pas tout à fait trentenaire, lors du premier tremplin Action Jazz auquel il a participé en 2019 avec le groupe VEGA qui a d’ailleurs été le lauréat du millésime 2019 ! Puis un 2ème tremplin, quelques concerts et/ou jam au Quartier Libre à Bordeaux ou au Sortie 13 à Pessac (dont la release party de l’album du groupe SROKA dont on reparlera plus loin) ou ailleurs où nous l’écoutons toujours avec beaucoup de plaisir.

Début avril une amie me propose de découvrir le Code23 à Bordeaux centre, un club de jazz où l’on peut diner (Saluons au passage l’accueil, la table et le service très agréables ainsi que la touche italienne raffinée du lieu et de son hôte !) et là, surprise : Paolo Chatet est le trompettiste du « Strange Meeting Jazz Quintet » qui nous propose un concert magistral (le pianiste Thomas Bercy étant le directeur artistique du lieu).

A la fin du concert en allant saluer Paolo, je lui demande naïvement s’il a un autre job que la musique ? « Non, je joue dans 5ou 6 groupes et je vis de ça ». Là je me dis qu’il est temps d’en savoir un peu plus sur ce trompettiste si convaincant dans des répertoires différents, qui joue aussi bien avec des musiciens de son âge qu’avec des aînés appréciant sa valeur. Nous prenons rendez-vous pour une interview !

Interview :

Action JazzJ/Martine Omiécinski : Paolo, raconte-nous comment tu es venu à la musique ?

Paolo.Chatet : Mes parents écoutaient beaucoup de musique, en voiture, à la maison, surtout du jazz mais aussi de la musique cubaine. Je suis de Monségur (sud Gironde) et en fait j’ai eu la chance qu’il y ait une école de musique. J’ai commencé à 8 ans les cours de solfège et la trompette. J’aurais peut-être préféré le piano, je ne sais pas si ce sont mes parents qui m’ont soufflé l’idée que la prof de piano avait des méthodes archaïques et qu’il valait mieux le jeune prof de trompette Xavier Duprat. Puis la classe de jazz s’est ouverte, je l’ai suivie pendant 4 ans, c’est là que j’ai rencontré Thomas Boudé, élève comme moi, guitariste plus tard de la Compagnie Lubat d’Uzeste. C’est lui qui m’y a entrainé et jusqu’à mes 20 ans j’ai passé toutes mes vacances scolaires et mes étés à Uzeste à travailler pour le festival. Vers la fin on jouait un peu avec la Compagnie Lubat ! Puis après Monségur j’ai fait simultanément une première année de fac (biologie) et une première année de conservatoire de musique à Bordeaux, c’était trop de travail, j’ai dû faire un choix pour la deuxième année, ça n’a pas été facile mais j’ai opté pour la musique. J’ai fait 7 ans au conservatoire de musique de Bordeaux où j’ai beaucoup travaillé la trompette, un peu classique et surtout jazz. J’ai eu notamment Julien Dubois comme professeur !

AJ/MO : Quelles ont été et quelles sont tes influences musicales ?

Paolo nous livre une liste de trompettistes que l’on retrouve pour la plupart dans les Jazz Messengers pour la période Hard Bop:

P.C : Disons en « jazz originel », période Be Bop : Clifford Brown, période Hard Bop : Booker Little, Lee Morgan, Kenny Dorham, Tom Harrell

Dans les contemporains : Ambrose Akinmusire, Avishaï Cohen et Alex Sipiagin.

Autre influence : le latin jazz avec Chucho Valdez et Gonzalo Rubalcaba

Là les pianistes ont pris le dessus (ceux qu’écoutaient ses parents ?)

AJ/MO : Dans quelles circonstances as-tu participé à tes premiers concerts ?

P.C. : Les premiers ce fut avec la classe de jazz de Monségur puis ensuite avec le groupe des jeunes d’Uzeste « Los Gojats »

(Gojats = jeunes gens en occitan qui avaient créé ce groupe afin de mettre en pratique à leur sauce les enseignements de la mouvance uzestienne)

AJ/MO : Depuis quand vis-tu de la musique ? Comment cela s’est-il enclenché et développé ?

P.C. : Depuis 2018, je me suis professionnalisé petit à petit en travaillant beaucoup au conservatoire. J’ai commencé à jouer dans des groupes comme Rita Macedo et le Parti Collectif avec qui j’ai participé à un album (2018), le groupe VEGA avec qui nous avons été lauréats du tremplin Action Jazz 2019 avec Mathis Polack, Félix Robin, Louis Laville et Nicolas Girardi. Les occasions de jouer se sont enchainées, j’étais devenu intermittent en 2018.

AJ/MO : Comment s’est passée ta rencontre avec Martin Sroczynski alias Sroka et la génèse du disque éponyme ?

P.C. : J’ai d’abord rencontré le pianiste Christophe Bazin chez des amis, c’est lui qui m’a dit que Sroka cherchait un trompettiste, on s’est rencontrés, ça s’est fait naturellement.

AJ/MO : La musique est différente de ce que tu joues habituellement

P.C. : Oui c’est plus électronique, il y a des effets, j’ai dû acheter des pédales, travailler avec, m’y habituer sur scène ainsi qu’au son différent. On a enregistré à Talence au studio l’Inconnue où nous étions en résidence, c’était bien ! L’album a été disque de la semaine sur FIP mais on a eu peu de dates de concert cette saison. On en a une à Paris au Duc des Lombards le 28 Mai prochain.

AJ/MO : Justement, j’ai une question à ce sujet, j’ai vu que tu avais fait un concert avec « Contrefaçons » au Paris Jazz Club, ça fait quoi de différent de jouer à Paris ?

P.C. : Ah oui, ça met plus de stress ! Ce qui n’est pas justifié parce qu’il y a essentiellement des touristes dans le public mais inévitablement on pense aux grands noms qui y sont passés parce que le club est réputé et on se pose des questions sur notre légitimité.

AJ/MO : Action Jazz connaît bien le groupe « Contrefaçons » qui a obtenu le prix Découverte au Tremplin Jazz 2023, dans combien de groupes joues-tu actuellement et lesquels ?

P.C. : Commençons par

– « Contrefaçons » : le groupe est composé de Pierre Thiot au saxophone, Vincent Lebras au piano, Esteban Bardet à la contrebasse, Thomas Galvan à la batterie et moi-même à la trompette (comme dans les groupes suivants). On est tous de la même génération, on joue des compositions de Vincent et quelques ré-arrangements de standards à notre façon d’où le nom du groupe « Contrefaçons ».

– « Sroka » comprend Martin Sroczynski à la basse, aux percussions, au synthé et aux compositions, Christophe Bazin au piano, Emile Guillaume à la batterie, Pierre Meunier au violon. Il s’agit de jazz plus électronique, plus panant, très écrit, certains titres sont joués au métronome, Martin le leader envoie des boucles aux musiciens via l’ordinateur, il a plus d’effets, c’est à la fois simple et précis, il y a moins d’improvisation !

– « Strange Meeting Jazz Quintet » : rassemble Fred Marconnet au saxophone et compositions, Thomas Bercy au piano, François Mary à la contrebasse et Philippe Gaubert à la batterie. Le groupe joue du jazz allant du hard bop au jazz rock avec presque exclusivement des compositions de Fred Marconnet sauf le ré-arrangement de Bill Frisell « Strange Meeting » qui a donné le nom du groupe.

– « Jambalaya » : Ce groupe de Latin Jazz est composé de Louis Laville à la contrebasse, Robin Magord aux claviers, Gaëtan Diaz à la batterie, Jean Marc Pierna aux percussions. Il joue les compositions de Guillaume Doc Tomachot dit « Doc », des ré-arrangements de standards par « Doc » et des standards afro-cubains.

– « Manguidem Taftaf » : Cette fanfare afro-jazz, propose les compositions du saxophoniste Grat Martinez, il y a beaucoup d’improvisations, c’est très dansant, fait pour jouer dans la rue.

Je joue aussi plus ponctuellement pour d’autres groupes et il m’arrive d’être appelé pour un concert. Demain par exemple un bluesman m’a demandé de venir sur scène avec lui dans le cadre d’un festival à Calais pour la soirée. Dans ce cas je prépare les morceaux seul !

AJ/MO : A ce sujet, parle nous de tes répétitions, comment ça se passe ?

P.C. : Cela dépend des cas :

En général avant une grosse date on répète 3 jours d’affilé.

Avec certains groupes c’est plus régulier : un jour par semaine par exemple

Avec d’autres c’est un système de résidence où on travaille de façon intense sur un temps concis

Et dans des cas ponctuels comme je te donnais l’exemple pour Calais c’est un travail individuel car il n’y a pas de temps de répétition (j’arrive de Bordeaux en train juste pour les balances) – pour des raisons géographiques ou d’agendas respectifs.

Sinon je travaille avec ma trompette en moyenne 4 heures par jour.

AJ/MO : Paolo est-ce que tu composes ?

P.C. : Oui un peu, déjà avec le groupe « Véga » au Tremplin Action Jazz de 2019 nous avions joué nos propres compositions, chacun avait proposé un morceau.

Pour le moment je n’ai pas assez de morceaux pour créer un projet mais j’y pense.

AJ/MO : Quelles sont tes sources d’inspiration ?

P.C. : Je ne sais pas, c’est difficile à dire, tout ce que mon cerveau a écouté, emmagasiné, digéré peut m’inspirer

AJ/MO : La nature ou autre ?

P.C. : Ah moi pas du tout, seulement la musique !

AJ/MO : Quel(s) nouveau(x) projet as-tu ?

P.C. : Le groupe « Flyin’ Saucers » a décidé de rajouter une section de cuivres à sa formation dont je fais partie, cela devient le « Flyin’Saucers Orkestra », nous avons fait un voyage tous ensemble à la Nouvelle Orléans et là nous travaillons sur un nouveau projet Blues.

AJ/MO : Quel agenda as-tu déjà en place pour cet été ?

P.C. : Outre le concert avec Sroka au Duc des Lombards à Paris le 28 Mai,

01 juin avec « Contrefaçons » Jazz 360 à Cénac (33),

27 juin en Sextet à Sortie 13 Pessac (33),

21 juillet avec « Contrefaçons » à Jazz et Vins en double à La Roche Chalais (24),

26 juillet avec Shob and Friends Andernos Jazz Festival (33) (Jetée 22h30,)

28 juillet avec le Vendéen Quintet Andernos Jazz Festival (33) (Jetée 12h00),

28 juillet avec le Flyin’Saucers Orkestra Musiques de la Nouvelle Orléans en Périgord à Boulazac (24) le soir,

Voilà ce que j’ai pour le moment.

AJ/MO : Bien, j’ai fait le tour de mes questions, je te remercie Paolo de m’avoir consacré du temps. Action Jazz compte sur toi pour nous tenir informés en priorité de l’avancement de tes projets. Toute l’équipe te souhaite une belle réussite. A très vite dans nos chroniques !

Interview de Martine Omiécinski le 18 avril 2024. Photos Alain Pelletier