Laurent de Wilde Trio : Brillantissime concert !

+ Interview express…

Arès, le 03 février 2023

Arès le 03 Février 2023 – Deux degrés avec bise nordique – Marée descendante

La belle salle Brémontier affiche complet pour accueillir le trio de Laurent DE WILDE

Laurent de Wilde : Piano

Jérôme Regard : Contrebasse

Donald Kontomanou : Batterie

La programmation annonce des compositions récentes de Laurent mais le futur disque n’est pas tout à fait prêt, Laurent préfère nous embarquer ailleurs…

Un blues on ne peut plus vivant et vibrant, débute le concert dans une belle dynamique insufflée par les 3 compères que l’on sent animés d’un vif plaisir de jouer ensemble. L’atmosphère se réchauffe illico ! Laurent plaque les notes de sa façon particulière (remarquée dès le premier concert où je l’ai vu/entendu il y a des lunes à Marciac), percussive, doigts tendus parfois comme les baguettes d’un batteur, c’est incisif, itératif, la rythmique suit ou précède, le tout agrémenté de changements de tempo : une belle ouverture !

A la fin Laurent présente « Mysterioso » le blues de Thelonious MONK… « Bon sang mais c’est bien sûr ! » Tout d’un coup j’ai le déclic, en fait Laurent a certains accents de MONK dans sa propre façon de jouer ! D’ailleurs il voue un culte particulier à ce pianiste hors normes sur lequel il a écrit un ouvrage très salué en son temps par la critique.

Laurent nous annonce que le concert sera totalement dédié aux compositions de MONK très revisitées par le « New Monk Trio »…Un public de connaisseurs jubile et la salle s’enflamme ! Sur le premier morceau il explique qu’ils ont notamment rajouté une ligne de basse issue d’un vieux blues : « Born under a bad sign »…. !

L’énorme avantage de cette soirée est que Laurent n’est pas avare de commentaires, d’explications, de décodages, d’anecdotes dites avec sa belle voix de conteur, quel bonheur !

Ainsi nous confie- t-il, en annonçant le deuxième morceau, que MONK était un adepte du Si bémol pour ses blues en entamant sur cette note répétée un joyeux et débridé « Thelonious ». Suit un superbe solo de batterie de Donald KONTOMANOU, un jeu à trois avec des divagations évolutives et un joli dialogue piano/contrebasse.

Le morceau suivant débute « suavemente » au piano, Jérôme REGARD se coule comme un félin sur sa contrebasse et égrène subtilement ses notes, la batterie se fait soft aux balais pour « une des plus belles ballades de Th. MONK, une chanson d’amour qui date de ses années de lycée : « Monk’s mood » », par ailleurs le grand amour de sa vie sera Nellie sa femme.

Laurent précise que dans leur version « quelques accords sont remplacés par une petite suite de notes pour donner un zeste d’étrangeté »…Beaucoup de délicatesse avec aussi un groove incroyable : magnifique! Laurent demande un tonnerre d’applaudissements pour ses 2 partenaires qui le méritent bien.

Vient ensuite « Round Midnight » le « tube » de MONK, succès dont il était le premier étonné. Le trio l’a magistralement revisité « en enlevant ses accords bizarres » : groove d’enfer, variations de rythmes du plus doux au plus scandé, échanges complices piano/contrebasse/batterie : quel jeu entre les 3 : un « triologue » (dialogue à trois) – j’invente le mot pour eux !

Loin, loin, nous sommes loin de l’original de MONK de 1944, des interprétations pourtant superbes de Miles ou de Dexter GORDON (dans le film « Round Midnight » de Tavernier).

Sans dénaturer, leurs arrangements colorent de façon nouvelle ce standard. Laurent se lève et joue des percussions sur le piano, les chorus alternent et rivalisent d’excellence…Quelques notes du thème resurgissent, un solo de contrebasse dans lequel le son frôle le « ohm »…Super !

Un enchainement rapide nous entraine dans l’alerte et jazzy « Four in One » joué avec facéties et connivence.

Puis, en introduction au morceau suivant Laurent raconte de sa voix radiophonique l’histoire de l’amitié entre Thélonious et la baronne Pannonica de KOENIGSWARTER (protectrice et mécène de la scène jazz new-yorkaise dans les années 1950 et 1960) avant de jouer « Pannonica » datant de 1954. Pendant tout le récit, ses 2 comparses assurent une entame douce et lumineuse dans laquelle se glisse notre pianiste en quelques notes claires, la contrebasse solide et velours à la fois ancre le propos, après un solo de piano plein d’émotion, la mélodie devient sautillante puis à nouveau plus mesurée pour finir par des accords plaqués avec fougue : il semble parfois que les deux mains sont 4 ! Superbe !

Déjà l’annonce du dernier morceau « Coming on the Hudson », elle permet à Laurent d’évoquer avec beaucoup de bienveillance le mal qui rongeait MONK à la fin de sa vie et la période de mutisme pendant lequel il s’était réfugié dans la maison de Pannonica de K. au bord de l’Hudson River. Le morceau est très vif, les échanges brillants, agrémenté d’un éclatant solo de Donald KONTOMANOU. Le public est définitivement aux anges !

Le rappel sera une dernière facétie de Laurent reprenant un opus « Locomotive » composé par MONK dans un train nonchalant. Le tempo déjà lent de l’œuvre est ici encore ralenti jusqu’à « une allure de marche à pied ». Cette version pianissimo : Donald aux mailloches, Laurent cordes tirées, lento grave et suave de Jérôme avec le ronron rythmique du train et les brisures de tempo quand la loco patine nous embarquent dans la magie d’un voyage hors du temps pour finir cette incursion dans la galaxie MONK/New Monk Trio !

Quelle soirée ! La singularité de MONK et celle de Laurent DE WILDE se conjuguent pour le meilleur de la musique !

Chronique de Martine Omiécinski, photos fournies par l’organisateur.

Interview express de Laurent de Wilde :

Action Jazz : Pourquoi ce choix de concert en hommage à Thélonious MONK ?

L. De Wilde : A cause d’une grande admiration, il y a 25 ans j’ai écrit un ouvrage le concernant. A l’époque, après un génie, je n’avais pas osé jouer ses compositions puis en 2017, année du centenaire de sa naissance, je me suis fais violence en osant un disque mais en personnalisant l’approche de son répertoire.

A.J. : Depuis combien de temps jouez-vous avec Donald KONTOMANOU et Jérôme REGARD ?

L. De Wilde : Environ 10 ans sur plusieurs projets dont une tournée avec l’acteur Jacques GAMBLIN : « Ce que le Djazz fait à ma Djambe » et bien sûr les concerts dédiés au CD sur MONK depuis 2017

A.J. : Qu’avez-vous pensé du concert d’Arès ?

L. De Wilde : Heureux de retrouver des salles pleines et celle-ci a un son très agréable.

A.J. : Pour quand est prévu votre prochain disque ?

L. De Wilde : Avril prochain

A.J. : Des compositions personnelles ou un hommage ?

L. De Wilde : Des compositions personnelles avec les 2 mêmes musiciens qu’à Arès

A.J. : Une tournée dans la foulée ?

L. De Wilde : Pas avant l’automne 

A.J. : Prévoyez-vous des participations à des festivals cet été

L. De Wilde : Ce n’est pas prévu pour le moment, la sortie du disque est la priorité

A.J. : Merci de nous avoir consacré du temps 

Propos recueillis par Martine Omiécinski, photos fournies par l’organisateur.

Galerie photos :

Laurent de Wilde
Donald Kontomanou
Jérôme Regard