Laurent Coulondre – Meva Festa
Chronique CD + interview
Quand Laurent Coulondre sort un projet, c’est toujours la promesse d’une découverte.
Après l’électrique et ébouriffant ‘‘Gravity zero’’, après « Michel on my mind » album hommage à Michel Petrucciani et de très nombreuses collaborations (Nicolas Folmer, Pierre de Bethmann, Herbin/Gardel…), voilà que le trentenaire devenu papa se lâche totalement dans un tout nouveau style. Clin d’œil au « Carnet rose » de la part de la « Gazette bleue » !
Tout nouveau ? Peut-être pas en fait ! Laurent est originaire du sud et la couleur caliente d’origine latino de ce CD appelé ‘‘Meva Festa’’ révèle tout simplement son goût pour une musique qu’il n’avait explorée auparavant. Cette autre facette élargit la dose de son talent de compositeur et démontre, si c’était nécessaire, l’éclectisme charmeur de ce garçon très charmant.
Pas tout nouveau non plus, car ce CD paru mi-septembre 2022 est resté sous mon coude jusqu’à la rencontre avec Laurent à l’occasion de la soirée du 3 juin à Jazz 360 à Cénac (33). Après une fiévreuse soirée où Laurent partageait la scène avec, les ‘‘Symetric’’ co-leaders Nicolas Gardel (trompette) et Baptiste Herbin (saxophones) et Yoann Serra (batterie).
Dès la galette posée sur le lecteur, le ton est posé. Le piano n’est pas omniprésent mais il donne la rythmique, le thème, la patine. A vrai dire, rien d’étonnant non plus car, le palmier au milieu d’une rue de Cuba avec un vieille américaine cabriolet rose des années 60 au premier plan sur la pochette… difficile de cacher ses intentions. Bref, cela vous explose délicieusement aux oreilles, comme un mojito aux papilles, sans pour autant tomber dans le cliché cubain ou brésilien. Le premier titre éponyme de l’album ‘‘Meva Festa’’ chauffe bien ; le piano acoustique est soutenu par un piano électrique, les cuivres et les percussions, soulignent la mise en ambiance ‘‘latino’’. ‘‘El Jonito’’ et ‘‘Agua bon’’ poursuivent l’exposition des idées mélodiques de Laurent, à mi-chemin entre bop, funk et salsa… inclassable donc ! ‘‘Memoria’’ est titre un peu plus mid tempo, dans lequel la flute de Stéphane Guillaume rappelle les belles ballades d’un certain Maraca. La partie de 2 de ce titre nous transporte carrément au Brésil… en une poignée de mesures, c’est la fête.
A propos des artistes qui font partie de ce voyage dans les suds, on retrouve des complices de longue date comme Nicolas Folmer (tompette), DD Cecarelli et Martin Wangermée (batterie), Jérémy Bruyère (basse) et des nouveaux comme Adriano Dos Santos Tenorio aux percussions, omniprésent sur ce projet ou encore une certaine Laura Dausse au chant, à la composition (Mémoria) et plus… car affinités. Si vous n’aviez pas compris, Laura est la compagne et muse inspiratrice de Laurent.
Les titres tantôt énergiques ou un peu plus mélancoliques s’enchainent (Piment doux, Gato Furioso), avec la présence chaloupée des bongos et congas en point commun.
Pas avare pour livrer ses émotions, autant généreux sur scène qu’en dehors, voici quelques mots de Laurent Coulondre sur la genèse de « Meva Festa ».
Meva Festa, ma fête en brésilien comme en catalan.
On était avec des Brésiliens dont Adriano (Dos Santos Tenorio), un bassiste et un guitariste. On faisait des sessions pendant le covid, on testait des morceaux et on cherchait un titre à ce projet et je disais, en Catalan c’est « ma fête ». Festa, festa a été repris par les musiciens, c’est comme en brésilien. Comme il y avait pas mal de rythmiques brésiliennes, comme il y avait ce côté fête, de réunir des gens, ce qui n’était pas répandu pendant le covid, plutôt que de faire un truc solo, plutôt triste, je me suis dit on va appeler les copains, on va passer une semaine en studio, ça va nous faire du bien.
J’ai voulu ce truc là un peu solaire, qui me va bien et qui me guide depuis plusieurs années, c’est cela l’essence du projet.
On a donc bossé avec Adriano et Jeremy (Bruyère), on est voisins à Rosny, donc on était dans le kilomètre autorisé, et avec Laura, ma chère et tendre, en tant que directrice artistique du projet qui a chapeauté le tout. Elle était en studio, enceinte de Ambre, derrière la console, à tout gérer, faire que l’on soit dans les temps. C’était super, on s’est éclatés pendant une semaine en studio avec tout le monde sur ce disque, parce qu’on est 11 musiciens. J’ai appelé des gens avec qui je n’avais pas encore joué, certains avec qui j’avais déjà fait des trucs, cela faisait plaisir de se rappeler comme André Ceccarelli et Martin Wangermée qui sont sur le disque mais avec qui on ne joue pas en live. En live, j’ai voulu faire quelque chose de différent avec seulement des percussions. C’est pour cela qu’il y a Antonio et Iñor Sotolong, percussionniste cubain. Je voulais un vrai groupe avec au moins 3 ou 4 cuivres et là je suis servi avec Lucas Saint Cricq au saxophone, Alexis Bourguignon et/ou Nicolas Folmer à la trompette, un jeune trombone Cyril, une jeune flutiste Christelle, Laura au chant et Jérémy à la basse la plupart du temps.
La musique est très influencée par plein de rythmiques traditionnelles qu’Adriano m’a montrées, que j’ai mélangées avec des compositions, pour arriver à un truc un peu sympa, toujours en lien avec la danse avec la joie de vivre avec la fête.
C’est très différent de ce que j’ai fait auparavant, je suis sorti des duos des trios, il y a des cuivres, des percus… c’est Petrucciani qui m’a amené là quand même, dans le sens où, dans les mélodies et l’harmonie il y a beaucoup de brésilien chez lui, dans les couleurs, il adorait ça. Mine de rien, c’est un truc qui dort en moi, ce côté latino, cubain, tout ça. J’avais un peu touché à ça à Barcelone sans vraiment l’aboutir. Petrucciani avec ses harmonies, la rencontre avec Adriano qui est brésilien, la rythmique, l’essence du projet, c’est un mélange. Tous les disques ont quand même un lien mais c’est dans la forme que c’est très différent, c’est ni électro, ni un truc jazz barré, compliqué, c’est un truc cool, décontracté. On est plus proche de Gonzalo Rubalcaba ou Chucho Valdes que de tous les autres pianistes dont j’ai pu m’inspirer comme Herbie (Hancock) ou Chick (Corea).
Vous devriez vous précipiter sur le CD avant d’aller voir sur scène Laurent et son collectif tonitruant au Anglet Jazz Festival mi-septembre 2023 et mi-octobre 2023 au Festival Jazz à La Rochelle. On s’y croisera sans doute.
Signé : Vince
L’Autre Distribution