OXYD – LAPSE

Alexandre Herer : Rhodes, Synthé / Olivier Laisney : Trompette / Julien Pontvianne : Sax Ténor / Olivier Degabriele : Basse Électrique / Thibault Perriard : Batterie

Les cinq musiciens, qui travaillent ensemble depuis leur rencontre au conservatoire, il y a une vingtaine d’années, proposent, depuis, une musique inclassable. Hors étiquettes, en les mélangeant toutes, hors clichés, en se les appropriant, hors références, préférant en inventer d’autres, hors normes, car ce sont toujours celles des autres, hors son connu, créant le leur propre, original.

Encore des libertaires, que l’on ne fera pas taire. Encore des combattants du ‘grand kapital’, luttant contre la ‘doxa’ imposée, contre les mots d’ordre mondialistes, et conscient des limites de notre civilisation finissante. Bref, des col’lapse’ologues.

L’ambiance est sombre mais pas résignée, l’espace est saturé de vapeurs opaques, mais, ça et là ; naissent des lueurs d’espoir, de renouveau possible, tant que les hommes voudront se redresser et se tenir debout pour affronter tous les croche-pattes qui veulent nous faire perdre l’équilibre de notre condition humaine et naturelle.

La musique, très écrite, navigue entre les écueils de re-dits rock, contemporain, mélodies faciles-factices (sans s’interdire de jolis thèmes fort intéressants), en nous immergeant dans un univers de réflexions introspectives, retour sur soi-même indispensable pour avancer plus loin, toujours plus loin que nos limites semblent imposer.

Le Rhodes d’Alexandre, assez proche du pessimisme de Jozef Dumoulin, rend compte du déclin général de nos repères. Économe ou ruisselant de notes, dense et abstrait, figures répétées obsédantes jusqu’à la nausée douloureuse, il nous empêtre dans l’hypnose d’informations choisies et de mélodies qui se voudraient douces et apaisantes pour boucher les issues de sortie.

Ce sont les vents qui nous offrent les alternatives de liberté. La trompette claire, souvent en contre-point du clavier, arrive à s’échapper du ‘brouet de sorcier’ pour nous lancer des filins à attraper afin d’accéder à l’air libre et serein, à l’aide d’impro en notes longues ou phrases roulant sur elles-mêmes, largement soutenues par l’écho du sax, comme son ombre qui le rattacherait à la matière, qui lui apporte une respiration nécessaire pour fluidifier un discours qui pourrait être parfois trop dense.

La section rythmique, parfaitement soudée et cohérente, entraîne l’ensemble dans une spirale chatoyante et radicale. Souvent binaire, même si parfois décalée avec des tempi impaires, le rythme reste stable avec une force épuisante et fascinante, reflet d’un rock charnel futuriste. La basse, pilier d’achoppement de la cohésion générale, n’a guère l’occasion d’échapper de son devoir d’unification, la batterie, elle, sans en faire trop pourtant, pousse le cadre jusqu’aux limites de la rupture grâce à une capacité d’inventions exprimée à chaque frappe.

L’écriture, confiée aux trois autres, se montre exigeante, ciselée et précise, avec une sophistication d’arrangements ouvragés qui rendent l’ensemble fascinant.

Les soli se font souvent attendre, privilégiant ainsi le son collectif d’une puissante machine à l’épreuve de toute restrictions, prête à traverser les murs de codification qui tenterait de l’empêcher de rouler jusqu’à la victoire de leur élan salutaire et salvateur.

Joyaux sombre porteur de lumière, on n’(e les) oubliera pas !

Chez : Onze Heures Onze

Par : Alain Fleche

https://www.facebook.com/alexandrehereroxyd