Singular Insularity

Dans l’univers des musiciens il y a ceux qui aiment la vitesse, ceux dont la dextérité avec leur instrument les amène à être des équilibristes sur un train lancé à toute vitesse, ce sont les adorateurs de Charlie Parker et des phrases intriquées et rapides du bebop. Mais dans cet univers il y a aussi les « mélodistes », ceux qui sont plutôt héritiers de l’école de Bill Evans et dont la démarche est basée sur la construction, avec leurs instruments, de phrases comme s’il s’agissait de leur propre voix.

Pour moi, l’harmoniciste Olivier Ker Ourio fait partie de ce deuxième groupe. En effet, dans chaque album de ce musicien de jazz réunionnais, les morceaux semblent nous raconter une histoire, une histoire lisible sur chaque thème introductif et sur chaque solo.

Son dernier album « Singular insularity » réunit un groupe de musiciens originaires des îles qui partagent un héritage culturel africain :  Grégory Privat de Martinique au piano et au fender rhodes, Arnaud Dolmen de Guadeloupe à la batterie, le génial Inor Sotolongo de Cuba aux percussions, Gino Chantoisseau de l’Île Maurice à la basse, et comme invités sur certains morceaux de l’album, les réunionnais Bastien Picot, chanteur et Christophe Zoogonèsà la flûte.

Le résultat produit un album qui est, en soi, une décharge puissante de rythmes couronnés de mélodies captivantes et de solos virtuoses, instaurant un dialogue musical entre les cultures créoles de tous ces musiciens.

L’album, qui est composé entièrement de thèmes originaux de Ker Ourio, débute en force avec la puissance des percussions du morceau Kassassa.  Les autres morceaux qui composent l’album vont nous transporter vers d’autres univers, tout en conservant une complexité et une richesse rythmique sans pourtant devenir difficile à écouter. Au contraire, la succession de mélodies agréables, solos très bien construits par l’harmonica, le piano, le fender rodes, ou la flûte, et les thèmes chantés en créole confère à l’album une sensation de voyage. Un voyage avec diverses ambiances et contrées qui va nous accompagner tout au long du disque, avec l’énorme plaisir de savourer chaque épice, chaque saveur de cette musique. A souligner, le thème qui donne son nom à l’album, Singular insuarity, où Ker Ourio crée des tensions avec le vibrato de l’harmonica ou avec des effets (ou les deux en même temps), avant de laisser la place à un solo magnifique de Grégory Privat, sans oublier le génial morceau Ti Bird avec un excellent solo d’harmonica.

Pour les amateurs de disques et les collectionneurs : la pochette est belle avec en prime à l’intérieur les paroles des chansons en créole avec leur traduction française.

(2019, BONSAÏ MUSIC/L’AUTRE DISTRIBUTION)