Une symphonie de l’horreur

Clémence Cognet : violon / Colin Delzant : Violoncelle / Christophe Gauvert: Contrebasse / Guillaume Grenard : Composition.


Guillaume Grenard, travaille principalement sur l’accompagnement de films et d’œuvres littéraires (André Breton, Edgard Poe, George Orwell…). Membre de l’ARFI depuis 2011, il a déjà expérimenté de nombreuses possibilités et différentes géométries de groupes dans la fabrication de ciné-concerts (petits et grands orchestres, avec ou sans images…). Il s’attaque là à un chef-d’oeuvre encore vierge (chez Arfi), en petit comité, pour se rapprocher des pianos ou violons solo qui jouaient sur le film au temps du muet (comme sa tante.). Ses nouvelles compositions étant dédiées à l’enregistrement (sans images simultanées donc), les contraintes sont multiples. Il a choisi de proposer 5 titres à 3 musiciens, pour éviter de se perdre dans la narration et ne pas céder aux remplissages faciles de masse orchestrale. 3 musiciens issus du pupitre de cordes de la ‘Marmite Infernale’ (Arfi), désignés par le fantôme de la tatie, nous assure-t-il… La partition est donc autonome mais suit la chronologie du drame.
3 musiciens pour une sombre musique de chambre noire. On se rappelle du travail de John Zorn sur ce sujet, dans un format et un sens fort différent, et on peut aussi penser aux trio de cordes mis en place, sur d’autres sujets, par le génial New-Yorkais, même si la personnalité de chacun des musiciens,  et des compositeurs, évoqués est bien marquée et non interchangeable !
Musique sombre pour un drame sanglant !?… pas seulement. Il y a aussi des moments plus légers, sans être hilarants pour autant, ni aborder l’humour mordant que distillait Roman Polansky sur ce thème maléfique…
L’aventure démarre, assez guillerette, ce sont les préparatifs du départ pour les montagnes obscures des Carpates. Le voyage est long, sinueux, bientôt pénible, semé d’embûches et d’imprévus, le moral reste positif… jusqu’aux abords du château maléfique. Là, on rigole plus du tout. La magnifique mélodie subit une progression dramatique et se réifie, finit par se perdre parmi les brumes oppressantes qui masquent et protègent la bâtisse du conte.
Les musiciens sont formidables d’interprétation et d’invention. chaque chorus prolonge les thèmes et recréent d’autres mélodies qui se coupent et recoupent… et se fondent à nouveau dans l’écriture précise de la mini symphonie qui met en lumière chaque instrument dans une interaction jamais gratuite. Ils excellent aussi dans les détails de mis en scène, évoquant une porte qui grince, un escalier qui craque, le vol d’une chauve-souris franchissant un rideau de velours cramoisi, une goutte vermeil éclaboussant l’ivoire de mortelles canines proéminentes, et bien d’autres émotions distillées par leur talent d’instrumentiste accomplis.
L’aventure continue… Les chansons évoquent des lieux, des personnages, des situations, des sentiments, des sensations… selon le souvenir que nous gardons du film ou du roman. A chaque acteur est dévolu une phrase musicale, qui en croise d’autres, intensifiée selon l’importance de la rencontre, du moment dans l’histoire. Voici le maitre des lieux, sa fragile victime, le vol de la créature diabolique, le viol carnassier, le sommeil tragique, le bal malsain, le cercueil, la tentative de suppression de la bête…
La musique nous  suggère souvent des images que traduisent notre humeur du moment, autant que l’intention des musiciens. Ici, le thème est clair et défini, nous reste à retrouver l’idée que l’on se fait du souvenir d’un film qui est bien autre qu’anodin et nous a tous imprimé des sentiments divers et personnels.
De très belles mélodies, qu’on aime à entendre et savourer à chaque écoute, des musiciens à la hauteur de ce projet ardu, un enregistrement irréprochable, quoi d’autre …!
Vraiment une belle réussite qui restera marquée dans nos neurones au moins autant que nous  aura marqué le film mythique ! Bravo les artistes !

Chez : Arfi / L’autre distribution
Par : Alain Fleche

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