Monty Alexander – D-Day

Monty Alexander : Piano

Luke Sellick: Contrebasse

Jason Brown: Batterie

Quand la grande Histoire croise le destin d’un prodigieux pianiste, cela donne naissance au magnifique D-Day.

Monty Alexander est né le jour du débarquement en Normandie, le 06 Juin 1944 à Kingston, Jamaïque bien loin des rivages normands. Le plus américain des pianistes de jazz jamaïcains va célébrer cette année ses 80 ans. En publiant ce nouvel album, au moins le 75ème en tant que leader, il célèbre la victoire des alliés. Doté d’un prénom qui rend hommage au fameux général libérateur, il se devait de glorifier l’héroïsme des combattants et leur sens du sacrifice. Dans le livret du CD, il termine une courte introduction de présentation par ces mots : « I chose to make a commemoration with this album. May we never forget. »

Même s’il s’est essayé à d’autres formations, il affectionne le trio et pour concevoir cet opus, il s’est entouré de deux sidemen de la scène new yorkaise avec lesquels il a noué une grande complicité musicale : le contrebassiste Luke Sellick et le batteur Jason Brown. Enregistré au Studio Sextan en octobre 2023, le fil rouge de D-Day est la célébration du 06 Juin 1944. Dans une belle cohérence historique et musicale, les titres choisis proposent une chronologie des évènements et des émotions ressenties à travers des compositions emblématiques écrites pendant la guerre et des créations personnelles (remaniées pour certaines) inspirées par cet épisode déterminant de la seconde guerre mondiale. Monty Alexander dévoile le sens qu’il souhaite donner à son album en citant en introduction un extrait d’un discours du « dieu » des rastafariens, Haïlé Sélassié Ier, prononcé aux Nations Unies : « Tant que la philosophie qui maintient une race supérieure et une race inférieure ne sera pas discréditée et abandonnée… Il y aura la guerre ».

Quand il arrive aux États Unis en 1961, Monty Alexander est déjà un bon pianiste de jazz qui se passionne pour le Be Bop, le Rythm’n blues, le ska et le Reggae. Il est très vite repéré par Frank Sinatra. D-Day s’ouvre avec I’ll never smile again, succès interprété par le crooner pendant les années de guerre. Fidèle à son habitude, Monty Alexander se joue des mélodies et en propose une version colorée qui sculpte une musique aux rythmes caribéens. Autre titre repris pour l’occasion : Smile que Charlie Chaplin avait écrit pour son film Les temps modernes en 1936 : le fabuleux pianiste, à l’unisson avec la section rythmique, le réinvente en le glissant dans de longues improvisations débordantes de swing.

Les autres morceaux qu’il a composés sont empreints de son ouverture sur le monde, de sa grande liberté d’expression et de sa technique brillante incarnée dans un jeu ferme et vif. Ses divers inspirateurs que sont Art Tatum, Ahmad Jamal ou encore Oscar Peterson ont façonné son jeu reconnaissable entre tous : Il impulse à chacune de ses compositions un tempo tumultueux, une créativité mélodique et suscite des interactions naturelles et évidentes entre jazz et rythmes jamaïcains. Il produit des accélérations stupéfiantes, les notes s’échappent dans des accords majestueux et enfiévrés qui confèrent parfois au piano une dimension percussive. Quant à la section rythmique, elle n’est nullement dépassée par ces notes qui caracolent : les deux musiciens, en fusion totale, offrent un écrin admirable aux mélodies de cette infatigable légende du jazz.

Monty Alexander exprime sa reconnaissance aux héros du D-Day dans le ciné génique Aggression, joué sur un tempo très rapide avec un beau chorus de Luke Sellick ou dans une balade empreinte de tristesse comme Oh why. Il interprète la composition qui donne tout son sens à l’album June 6, sur un rythme un peu « bluesy ». Ici, la complicité qui unit ces trois musiciens exceptionnels prend pleinement la lumière tandis qu’avec River of Peace, les notes claires qui s’échappent du clavier avec sensibilité annoncent l’espoir d’une sérénité retrouvée. Sur D-Day Voices, pour célébrer la paix, des extraits de discours des libérateurs et la fameuse citation de Haïlé Sélassié Ier se mêlent à la musique dans une ambiance « slameuse ». Il se devait de conclure cette page d’histoire avec Day-o, seul titre enregistré en public à Paris et dernier clin d’œil à sa chère Jamaïque.

Petit cadeau de l’artiste ? La piste 12 Day-O ne dure pas 02 :52 mais recèle des surprises pour qui sait attendre.

Monty Alexander demeure une référence incontournable du jazz qui se pose en passeur d’histoire dans cet album très personnel. Riche de deux cultures qu’il réunit admirablement dans sa musique, cet enfant d’un monde multi ethnique nous rappelle en ces temps tourmentés l’importance de l’unité et la fragilité de la paix.

Par Christine Moreau

Label: PEEWEE!

Sortie le 29 Mars 2024

Liste des titres : Tous les morceaux sont de Monty Alexander sauf les 2, 8 et 12

01 Introduction

02 I’ll never smile again de Ruth Lowe

03 Aggression (The Serpent)

04 Oh why (That’s Why)

05 Restoration (Renewal)

06 June 6

07 River of peace (The River)

08 Smile de Charlie Chaplin/J.J.T Philips

09 V.E. Swing

10 You can see

11 D-Day Voices

12 Day-o : Musique traditionnelle jamaïcaine arrangée par Monty Alexander

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