Espace 180 – 47180 Sainte-Bazeille, vendredi 4 août 2023

Marc Berthoumieux © photo Alain Pelletier

Comment définir le beau ? Comment expliquer le bonheur ? Comment décrire le bien-être ? 

Je n’ai pas les réponses à toutes ces questions mais je voudrais me faire le témoin d’un moment exceptionnel dont il n’était pas prévu qu’il soit réduit aux quelques mots qui suivent.

Alors, parce que j’aime partager mes émotions et parce que j’aime la musique de Marc Berthoumieux je vous propose cette double chronique improvisée qui permettra aussi de vous parler de l’album les « Les choses de la vie ».

Chapitre B comme bonheur, B comme beau, B comme Berthoumieux.

Pour cette dernière soirée concert au 180, Éric et Sandrine Gignac invitent leur ami accordéoniste Marc Berthoumieux et William Lecomte aux claviers, un complice de longue date. 

Ce 4 aout 2023 est placé sous le signe de l’amitié et de nombreux amis de marque (et de Marc) sont venus ce soir pour l’entendre et l’accompagner (lire plus loin). Cette soirée aura aussi une tonalité particulière non seulement car il s’agit d’une des trop rares apparitions de Marc Berthoumieux en concert jouant ses compositions, mais aussi du dernier voyage du 180, piloté depuis 8 ans par Éric et Sandrine. Ils auront donné le meilleur dans de cette grange réaménagée en salle de spectacle et qui a fait résonner les plus belles couleurs de la note bleue. Comme le dit Éric avant le début du concert, ce clap de fin est aussi le début d’autre chose et il nous donne rendez-vous pour un nouveau projet à Marciac, la bastide bien connue des amoureux du jazz. 

21h20. Après avoir déambulé et salué près de la moitié du public venu remplir à craquer la salle du 180, Marc et William débutent le set par le célèbre morceau de Pat Metheny « have you heard ». Cette composition a été enregistrée en studio sur le CD « In other words » et en live sur le dernier CD « Les choses de la vie » avec Giovanni Mirabassi et Laurent Vernerey.

Quelle plus belle entrée en matière ? Se reconnaissant dans l’œuvre du guitariste Pat Metheny, Marc lui a rendu un véritable hommage dans l’album « les bals du monde » avec le titre « bleu de Majorelle ».

Cette interprétation piano-accordéon bien plus sobre que l’original enregistré par le Pat Metheny Group, immerge d’emblée dans l’ambiance feutrée et intime de la soirée. Chaque note, chaque respiration, chaque regard, chaque sourire se vit avec la même intensité sur scène et parmi les spectateurs. 

On est en famille, et dans cette soirée presque privée, Marc Berthoumieux n’est pas avare de détails et d’anecdotes sur sa carrière, ses influences, ses références et de toutes ces petites choses de la vie qu’un artiste sait sublimer. 

Le titre « Lina et Marcel » (album Bal des mondes) est un hommage à Marcel Azzola et à sa pianiste Lina. Cette histoire d’amitié a inspiré à Marc une ritournelle dont le chorus de piano tourne ad libitum sur la coda ; c’est un bonheur pour nos oreilles et Marc ne s’en lasse pas. Son regard tendre et émerveillé boit les gorgées de notes de William Lecomte jusqu’à l’ivresse. 

Marc nous parle de ses inspirations (c’est le mot juste lorsque l’on joue dans un instrument qui respire) ; il attrape des notes dans le vent. Du Nord, du Sud, d’Est et maintenant de l’Ouest. Sur ce 3ème morceau Marc rajoute un brin de fantaisie technologique pour que des cordes viennent apporter à ce brin de mélodie, le petit souffle, la petite brise de légèreté qui donne du chic.

William Lecomte © photo Alain Pelletier

Le piano a laissé sa place au son électrique du Fender Rodes ; le toucher et la vélocité de William Lecomte sont imparables. Compère d’un soir, William n’est pas inconnu des aficions de jazz, car c’est le claviériste attitré de Jean-Luc Ponty.

Le set se poursuit par « Les couleurs d’ici », titre éponyme de l’album studio paru en 1998, celui par lequel la grande aventure de leader a commencé. Le line up de ce CD est juste incroyable ; Thierry Fanfan (basse), Stéphane Hchard (batterie), Minino Garay (percussions), Christophe Vallemme (contrebasse), Stéphano di Battista (saxophone), Flavio Boltro (bugle), Jean-Pierre Como (claviers) Alain Debiossat (saxophone et flûte), Sylvain Luc et Louis Winsberg (guitare), et j’en passe.

25 ans plus tard, avec moins de musiciens mais toujours plus de musicalité, Marc peint ce qu’il ressent avec un pinceau si singulier, l’accordéon. Cette peinture a l’air si simple, si évidente, quelle pourrait passer pour naïve. L’erreur serait de confondre simplicité et facilité ; Marc est un de ces rares artistes à savoir faire de belles œuvres techniquement complexes mais esthétiquement accessibles. Pour la difficulté, ce n’est pas William qui me contredira, car il semble bien mis à l’épreuve de ses partitions, et ce malgré les années de métier !

Marc l’affirme, il n’a jamais choisi entre le jazz et la chanson, deux modes d’expression qu’il aime, bien au contraire il a réussi à les unir, comme un certain Claude Nougaro maria le Jazz et la Java. Complice du poète toulousain, dont il a écrit 2 titres sur son album la « note bleue » (dernier album de Nougaro paru à titre posthume), Marc ne saurait mettre de frontières entre ces deux univers.

C’est à ce moment de la soirée, que le concert prend une autre dimension : surprises, chansons, amis, partage s’invitent sur la setlist. Johana Mazoyer monte sur scène pour chanter un titre enregistré à l’origine par David Lynx ; Marc s’enthousiasme de l’interprétation et de la musique des mots. « Bleu de Majorelle » met fin au premier set.

Carole Tocah Simon  © photo Alain Pelletier

Après quelques minutes consacrées aux agapes et autres rafraîchissements, le second set démarre avec le titre « Ostinato », figure de proue du projet « Le bal des mondes », auquel les samples (qui fonctionnent bien) viennent ajouter les touches qui donnent toute la richesse à ce titre ; guitare, percussions, claps…

Et la série chanson continue avec Carole Tocah Simon ; elle vient chanter le texte intitulé « Dire » qu’elle a écrit et qui donne une autre dimension à la composition originalement appelée « Vent d’Est ». Jack Tocah, son époux les accompagne à la basse. Carole enchaîne avec la version chantée du titre elle « El Astor », clin d’œil immanquable au génial Astor Piazzolla. Ce tango enregistré aussi par David Links sous le titre « Otros adios » est, naturellement, en Espagnol. Chanson toujours avec la reprise d’une des plus belles compositions d’Elton John « Your song » ; toute l’émotion que cette mélodie procure à Marc ce lit sur son visage. Le public chante à voix basse les refrains qui disent à peu près ceci : « la vie est belle depuis que tu es dans mon monde ». C’est pas faux ; la vie est plus belle depuis que j’écoute vos chansons, Marc.

C’est avec « Les choses de la vie » ou plus exactement « La chanson d’Hélène » (hé, encore la chanson donc) que le set se poursuit. De la peinture au cinéma il n’y a que 23 images par seconde d’écart !

Cette soirée ne pouvait se dérouler sans que Éric Gignac ne soit mis à l’honneur, d’abord pour la qualité du projet mené pendant 8 ans au 180, mais aussi parce que ce touche-à-tout a enregistré un album « Chien seul » sur lequel on trouve des artistes tels que Francis Cabrel à la guitare ou Marc Berthoumieux, pardi ! Éric Gignac, ex-régisseur avec lequel Marc Berthoumieux a voyagé sur tous les continents entonne le titre « Beau coup ». Le public fait une véritable ovation et c’est aussi un très beau cadeau que Marc et Éric s’échangent. La générosité de Marc se dégage de son regard plein d’admiration lorsqu’il accompagne et met à l’honneur ses invités. 

C’est avec « Le bal des mondes », le bien nommé, que le set s’achève ; tout le public chante le thème, les premiers rangs se mettent à danser ; c’est bien une fête populaire qui s’improvise devant la scène et certainement la plus noble des façons de célébrer les compositions et la générosité de Marc et de William, comme une communion. 

Nous n’étions pas au bout de nos surprises ; pour le rappel, sur le titre « Balakatun » (emprunté et largement popularisé par Richard Bona) c’est l’accordéoniste de la région Gaétan Larrue qui clôturera le bal des surprises.

Du vent, des couleurs, des danses, des choses de nos vies… voilà tout ce que Marc sait avec talent, traduire en musique. Ces petites phrases mélodiques habillent le temps avec fraîcheur, légèreté et discrétion un peu comme un parfum révèle une personnalité.

Chapitre CD

A l’image du concert de ce 4 août 2023, le projet « les choses de la vie » est un disque live. Cette captation faite dans le Poitou en 2014 n’était pas prévue pour devenir un disque mais en écoutant la prise de son, Marc a considéré que cela pouvait faire un très bon disque ! Je le confirme, c’est excellent.

Les fidèles Laurent Vernerey à la basse et Giovanni Mirabassi au piano, entourent Marc en version acoustique. Si vous voulez vivre, revivre et revivre encore cette émotion, au bureau, sur la plage, dans vos airpods, le 7ème CD « Les choses de la vie » paru en 2022 vous apportera 54 minutes de fraîcheur, de spontanéité et de musicalité rarement perceptibles sur un enregistrement, si ce n’est face à l’artiste, sur scène. De « Looking up », (hommage à Petrucciani) à « a Thousand years » (Sting) en passant par « La claire fontaine »… Marc boucle la boucle de ce chemin ininterrompu entre les territoires du Jazz et de la chanson. (Autres titres : Have you heard, aparté au Fié, El Astor, Your song – Label Sous la ville 2022)

La soirée s’achève après plus de 2 belles heures de musique et d’humanité qui remplissent les cœurs de plaisir, tout simplement. Le public (beaucoup d’habitués, d’amis, de connaissances) ne se résout pas à quitter tout de suite les lieux, comme s’il y avait encore à glaner dans l’air, le goût délicieux et nostalgique que le bonheur laisse derrière lui en partant. Boire jusqu’à la dernière note, se régaler de ce dernier soupir.

Chapitre M comme… merci Marc.

Set list (peut-être incomplète)

  • Have you heard
  • Lina et Marcel
  • Vent d’ouest
  • Les couleurs  d’ici
  • Bleu de Majorelle
  • Ostinato
  • Dire (Vent d’Est)
  • Otro adios (El Astor)
  • Your song
  • Les choses de la vie (la chanson d’Hélène)
  • Beaucoup (Chien Seul)
  • Le bal des mondes
  • Balakatun

Images imprévues d’Alain Pelletier et Solange Lemoine

Texte, certainement trop lyrique mais sincère de Vince

Galerie photos

© Alain Pelletier et Solange Lemoine