Jazz 360

Fin d’une belle journée de printemps ; grand bonheur de retrouver les amis de « ActionJazz » pour un  tout premier festival de la saison. Comme à la sortie d’un mauvais « train fantôme », éblouis par le soleil, encore un peu frissonnants de l’épreuve passée, tout à la joie de vivre à nouveau de bons moments, nous en profitons pour remercier Laurent et toute l’équipe de bénévoles de nous offrir cette belle série de concerts. 
Sylvain nous présente ce soir son projet « Troubadours ». Sur un travail partant de la musique médiévale, mode modal et hommage à l’amour courtois au programme. Comme pour la musique indienne, le bourdon (tempura en Inde où le mode modal est fréquent) accompagne tous les chants, l’harmonium à soufflet (indien) évoque la vielle avec un son de notes tenues qui  tournent et offrent une bonne assise aux musiciens, les fûts de la batterie sont sollicités comme différents tambours de fête, avec moult percussions peines de joie et de couleurs. Oyez oyez bels gens : les « troubadours » du XXIè siècle ! 
Sylvain Rifflet nous charme (comme pour des serpents !?) de longs arpèges et de séquences répétées que nous avions apprécié sur son opus-hommage à MoonDog, et qui traduit ici, parfaitement l’ambiance de la musique presque répétitive du XIIè siècle, ajoutant quelques pincées d’humour sans en oublier la poésie des chants et des mots que l’on retrouve parmi les arabesques et les gammes dilatées des instruments à vents utilisés sur toute leur tessiture avec beaucoup de la dextérité pour un rendu envoûtant proche de la transe parfois, mais explose en joyeuseté, rires et complicité avec l’autre soufflant, qui ne s’en laisse pas redire. 


Notre bon vieux Yoann est dans un registre bien différent. Des notes longues, droites, claires, agrémentées de fortiorures délicates, ciselées dans le diamant. il arrive, qu’au détours du traitement d’une note, un peu sale, coincée entre 2 silences presque hésitants, qui va s’éteindre à l’autre bout de la galaxie, on se met à sourire, pensant à un autre cher trompettiste, disparu, plus ténébreux (comme prince), plus médiatisé… toujours à la recherche de la note ultime, d’un drôle de bleu. Bleu-nuit, bleu-roi, bleu d’une fumée de cigarette, qui ne s’extirpera du smog d’une ruelle lugubre, que par le cristal fragile de la note bientôt brisée, de l’or solaire de l’instrument qui l’a engendrée et le génie de celui qui en a eu l’intention/intuition.
Ce duo de cuivre fonctionne étonnamment. Porté par le lancinement de l’harmonium et les éclats de peaux frappées… ou sans : surprenant duo où les 2 instruments se courent après, se chevauchent, s’éloignent à se perdre, avant de se rejoindre en tutti ou en contre-point, sans se quitter des yeux, de l’esprit, de l’âme. 
En rappel, solo intégral de saxophone(avec bourdon). Arpèges, souffle continu, battements de pieds, des notes dans tous les coins qui nous étourdissent, nous cajolent et nous emballent dans un beau ciel étoilé qui scintille de mille soleils. Les Troubadours nous ont chanté la joie de vivre, le bonheur d’être ensemble, il nous tarde déjà de les retrouver bientôt… 

Sylvain Rifflet : Sax ténor, Clarinette / Yoann Loustalot : Trompette, Bugle / Benjamin Flament : Batterie / Sandrine Marchetti : Harmonium

Alain Fleche, Cénac, samedi 5 juin 2021
Photos Philippe Marzat