Humeurs et vacillements


Mélissa Acchiardi : Vibraphone / Jean-Paul Autin : Sax Sopranino, Flûtes / Olivier Bost : Trombone / Clémence Cognet : Violon, voix / Collin Delzant : Violoncelle / Jean-Marc François : objets / Xavier Garcia : Clavier / Christophe Gauvert : Contrebasse, Basse / Clément Gibert : Soubassophone / Damien Grange : Voix / Guillaume Grenard : Trompette, euphonium / Antoine Läng : Voix / Marie Nachury : Voix / Thibaut Martin : Batterie, Métallophone / Alfred Spirli : Batterie, objets


La Marmite Infernale (avec le drapeau noir qui flotte au-dessus), digne représentante de l’assoc. musicale libertaire lyonnaise : l’Arfi ! Big-Band inclassable refusant de rentrer dans quelque tiroir étiqueté; ouvert aux 4 temps : on y entre, on en sort selon la saison, l’horaire des marées et autres accointances : aujourd’hui 4 voix et pas une seule guitare électrique, c’est le challenge, le répertoire s’adapte à la géométrie, au quotidien, et ça tourne ! C’est une grand’mère qui rajeunit au gré des embauches, existe-vit-perdure selon ce qui lui rentre dans le bidon, sur le menu d’aujourd’hui : une louche de trad, une pincée de Messiaen, une pinte de garage, saupoudré d’épices jazz facétieux, et tout ce qui passe par la tête de chaque intervenant à chaque instant. Ce qui donne une musique spontanément savante ou d’une liberté calculée, avec des moments de joie, ou de réflexions, ou d’interrogations, de bonheur ludique, en tous cas toujours intéressante, attachante, joueuse ou/et sérieuse.
Grand espace de jeu où chacun apporte ses billes et ses règles du jeu qui seront chahutées à qui mieux-mieux, les qualificatifs appropriés ne peuvent être que contradictoires dans cette Marmite qui bouillonne, rugit, se calme parfois, s’éteint presque et re-décolle vers de nouveau horizons ! A l’instar de l’OuLiPo de R.Queneau, c’est un OuMuPo qui dicte ses règles pour mieux s’en échapper. Enfin, la création est collective et permanente : chacun compose, décompose et re-compose, arrange, dérange, frange, interprète ou se tait, ou parle, ou part…
Propre du fait Libertaire : ne pas se taire, pas s’enterrer, sentir l’air, du temps, du jour, du pourquoi et comment on fait ?! important : faire, ensemble, avec joie, avec toi, émoi.
Émois d’une musique sans retenu, libre mais structurée, fantaisiste et calculée, évidente et travaillée. Musique qui ne supporte pas la médiocrité, l’à-peu-près, elle nécessite des musiciens accomplis, libérés des études théoriques, vivants l’instant d’instinct, ici et maintenant ! Liberté du tout possible, même et surtout ce qui mijote dans le secteur « potentiel-non (encore) exprimé ». Difficile de définir cette musique sans limite, sans doute trouverait-on quelques racines qui alimentent le tout en plongeant dans l’œuvre de Frank Zappa ?! Impression des 1ères minutes de l’enregistrement : vibraphone virevoltant, gros son de basse en obstinento furieux et irrégulier, cassures de tempo puis reprise, impros soignées et généreuses, mélodies bizarres qui se fixent dans notre mémoire sans y prendre garde. Énorme travail de préparation que ne renierait pas le « génial moustachu », dont l’ombre goguenarde plane tout le long de l’opus qui pique et pique et collectionne les bons moments inattendues de notes plus ou moins Bleues. On connaît les influences de Zappa, on en retrouve la plupart ici, et le jazz n’est pas en reste : ça bouge, ça tourne, ça swingue ! Ou ça se pose, ça pense et ça fait réfléchir, et sans chercher trop loin, ça swingue encore. Des voix douces, morceaux de chansons, bouts de mélodies qui se mêlent, s’emmêlent, s’embrouillent et reviennent, et ça swingue toujours ! Même une satyre d’émission radio/télé félée mi-G.Lux mi-Téléthon plus débile que possible, encore Zappa, ou ben « la Fanfare « d’Albert Marcoeur matinée de Raoul Petite, avec un zeste de Bobby L., pour le faire plus origine latine …?! Ôtons nous d’un doute : cette musique peut évoquer des rapprochements avec des œuvres plus anciennes, inévitablement, ceci ne nuisant pas le moins du monde à l’originalité totale de la formation et de son travail !
 Peu importe l’approche, les références et réminiscences, reste le plaisir d’une belle musique qui ne recule devant aucune difficulté, fut-elle outrancière, pour exprimer sa folie latente et indocile… qui s’accorde si bien avec notre soif d’autre chose » ! Musique libre de ses choix, de direction, de couleurs. Musique surprise. Poésie en prose et en notes. Pleins et déliés. Vide reliant des tensions qui s’effacent en se superposant. Silence pour reprendre ses sens et changer de décors. Suite de scénettes théâtrales qui   prépare et opère l ‘unité du projet presque cinématographique de par ses images invoquées, changeantes et cohérentes, orientées, charmantes et dérangeantes.
Bref : reste à re-citer un mot pour clore cette chronique de morceau de vie annoncée : Génial !  Alors : à table !

Chez : ARFI
Par : Alain Fleche