Silky Way

Guillaume Orti : Sax alto, soprano
Benoît Delbecq : Piano
Hubert Dupont : Contrebasse
Samuel Ber : Batterie
Septième album en bientôt 30 ans de fréquentation du noyau dur, ce quartet n’est pas expansif, il est rare. Formule qui a su passer les ans sans se dévoyer, sans jamais céder à la facilité , fidèle à son axe clair, bien défini mais sans limites, navigant de musique contemporaine à jazz avant-garde, (se) ré/dé.clamant de l’intellect et de l’intuition, juste équilibre reliant l’acide et le …soyeux, entre rythmes impossibles et temps incertains, idées audacieuses et formes en évolution constante, éclats de kaleïdoscope mêlant ombres et lumières…
3 piliers fondateurs qui usent ses batteurs, Samuel Ber est le 4ème (?) embauché… mais ce n’est pas un inconnu, son jeune age n’empêche pas une maîtrise de son art et un relâchement du connu. Il travaille dans une sphère proche que fréquentent les 3 autres, bref c’est un pote… à la hauteur de ce nouveau projet toujours pionnier dans l’influx musical actuel. Il est probable que sa présence ne soit pas étrangère au niveau de fluidité et de maturité qu’ accède ici Kartet ! Par un jeu à la fois rigoureux et sans cesse innovant, capable de tenir un drive qui pousse les autres à la prise de risque, ou bien de retenir, ralentir, distendre le temps où chacun choisi le sien, faisant ainsi des électrons libres qui ne se quittent jamais de tous les sens, attentifs, et de ménager des zones de réunions spontanées pour partir à nouveau dans l’inconnu (plus ou moins) contrôlé (par l’auditeur) qui peut manquer de confort, certes, mais pas d’intérêt !
Sur le livret, des photos de mains, et de matière, induisant l’image, qu’à l’instar du démiurge travaillant l’argile pour modeler sa créature, les 4 travaillent les notes par le geste qui suit l’intention, afin de créer un monde nouveau, onirique, utopique, réel pour qui savent rêver. Le cadre de l’écriture, originellement tour à tour troubadour, musclée, paisible mystérieuse inquiétante, introspective {où tous (doués de sincérité) se reconnaissent dans et par le parti pris de partage entre ceux qui entendent.], ce cadre posé n’est là que pour être bousculé, élargi, gommé, modifié, nié, support d’acrobaties, vire-voltes, risques et pièges déconstruits… Une impression qu’ils jouent en se promenant sur un trampolino , les hauteurs, les niveaux se mélangent, et puis non, ils sont en apesanteur ! Tournent sur eux-mêmes, disparaissent derrière des leitmotivs bidouillés pour ne pas être reconnus, tentative de se perdre, personne n’est dupe et le fugitif réintègre sa place mouvante… jusqu’au prochain coup de vent de folie, douce.
10 chansons en forme de jeu de piste. Celui qui a gagné, qui a saisi le fil conducteur de l’équipage sans capitaine, qui suit des yeux, des oreilles, les péripéties tourbillonnantes des électrons lâchés dans l’éther, qui a repéré les ombres se recoupant dans le décors ‘à la ‘ Escher… a gagné le droit de rejouer… le disque !
A d’aucun prétendant ne s’y retrouver dans l’idée qu’il se font du ‘Jazz’, trop loin des pères et repères, en panne d’étiquette et de motivation… dommage ! Dommage qu’ils n’aient saisi ici les clefs fondamentales du jazz qui ne font pourtant pas défaut : l’énergie et le dynamisme permanent qui irradie de bout en bout cet opus passionnant ! Tant pis, Kartet continuera de jouer pour les oreilles averties… ou aventureuses !
Chez : PEEWEE!
Par : Alain Fleche