15 SEPTEMBRE 2024

Richard Bonnet solo

11h – Eglise de Trois-Palis

Richard Bonnet, guitare solo

Membre de La Forge de Grenoble

https://www.facebook.com/laforge38

C’est un sentier poétique où l’air translucide accueille les pensées errantes. On hume la musique de Richard Bonnet, roseau délicatement bercé, soleil à peine voilé par la mémoire. Richard s’arrête soudain comme pour suspendre le morceau qui ne finira donc jamais… Bonne révolution !

Puis Richard Bonnet frotte sa guitare, quelques accords discordants, et la musique devient insolite, lieu de l’inhabituel. Tapotant les cordes, il fait crépiter des gouttes métalliques, les ruptures d’accords créent un morceau en désir, être ou ne pas être, exister sûrement puisqu’en émerge une mélodie de sous-bois. La lumière joue par endroits avec les feuillages.

Richard est un vagabond zen, il cherche l’épure mais laisse les mélodies éclore pour emprunter d’autres chemins. Une paix animée de multitudes de détails qui sont en fait de minuscules trésors.

 Avec Au cœur de l’hiver, Richard rappelle le duo fait avec le dessinateur Jean-Marc Rochette qui n’est pas là, mais l’accompagnement persiste et l’on imagine les traits qui construiront l’œuvre. La guitare suit semblablement les gestes créateurs, une esquisse au début puis la vélocité, le jaillissement du crayon qui danse sur la page. Ainsi, la musique élabore la toile au croisement fructueux des arts.

Suivent les traces respectueuses d’une mélodie connue, un fil tissé délicatement. Puis un morceau méditatif où l’église de Trois-Palis renvoie sa simplicité. Des accords à pas feutrés.

La vie comme le défilement de sensations, d’émotions fugitives pourtant inlassables comme si on pouvait/devait en prendre soin.

« Bedmakers »

17h30 – foyer communal – Bedmakers

Robin Fincker, saxophone ténor, clarinette

Matthieu Werchowski, violon

Dave Kane, contrebasse

Fabien Duscombs, batterie

Le quartet entame une musique lancinante pour entrer dans la danse/transe, la clarinette pépie à loisir puis étire les sons, le violon sillonne l’espace, le tempo virevolte, la batterie discrète et efficace, comme la contrebasse, assure. Quelle fluidité !

Les instruments cahotent ensemble, le sax ténor de Robin Fincker appelle quelques mélodies populaires folk ancestrales par bribes pour les précipiter dans aujourd’hui.

 Le violon de Matthieu Werchowski et la contrebasse de Dave Kane balbutient, sillent, strient annonçant l’arrivée du son voluptueux du sax ténor de Robin en nuées de nuages agités, Matthieu en caresse les cordes de son violon, déroulant des rythmiques anglo-saxonnes anciennes pour mieux les actualiser, extirper leur secret patiemment éclairé par les perspectives contemporaines, les diffractions, les obsessions, les inquiétudes…

Le violon de Matthieu vibre doucement au jeu éclaté puis harmonieux de Robin. Quand la ritournelle réapparaît, ils l’entêtent, astucieuse manière de s’en emparer, prétexte pour la batterie de Fabien Duscombs et la contrebasse de Dave Kane d’accélérer la cadence… Une danse folle et légère se modèle, un tourbillon, une heureuse rencontre in fine du passé et du présent. Les musiciens s’en remplissent, les absorbant, les régurgitant, fascinés, fascinants.

Des sons étouffés sitôt créés, des claquements, -la clarinette suinte à petit bruit-, sont jetés ça et là, le swing s’élabore sous nos yeux comme une naissance progressive, le sax ténor prend le relai précisant les contours du morceau.

Ils redescendent tous quatre ranger le morceau dans le tiroir.

Ils paraissent chercher à la racine les mélodies des siècles passés. Leur rendre hommage, c’est s’en imprégner, roder tout d’abord autour de la fascination suscitée, les décomposer avec précaution, éplucher même certaines mesures puis les attirer vers ce que le jazz peut, ouvre. Il n’y a qu’à écouter le violon les aspirer, le sax ténor absorber leur mystère, la batterie et la contrebasse dans un frôlement impeccable. En reprenant vie, les mélodies anciennes se teintent des couleurs parfois criardes du présent, de ses tourments free, du fracas, d’une expressivité éclatée mais qui se reboucle sur l’origine l’emportant avec elle. Le trajet et la transfiguration se font et se défont sous nos yeux. C’est fort. Le sens du jazz en état de se faire.

Le désespoir et la jubilation du sax ténor de Robin Fincker en sont la preuve…

Le Jardin des amours commence par le solo ravageur de la contrebasse de Dave Kane, il n’est pas simple d’aimer ? mais clarinette, violon et batterie concentrent l’harmonie, un désir de paix. Tout devient calme et sérénité, un Eden ? On s’y baladerait…

 Le retour du sax ténor signe le Death of the lady, d’après une chanson du 14e siècle au sud de la Grande-Bretagne, une lamentation suite à l’épidémie de peste que le violon raconte suivi par un sax tout en langueur déprimée. La batterie de Fabien Duscombs continue de rouler avec une agitation parfaite, la contrebasse se défait sous l’archer, et les doigts accusateurs de Matthieu. Une frénésie envahit les instruments, pour exorciser la mort ? Le sax proteste pendant que les trois autres triturent la mélodie.

Merci à l’équipe de Trois-Palis, Bruno Tocanne pour ces trois jours régénérants autour des mystères de la création et de ses impertinentes révélations par le jazz(s). 

On voudrait voir poindre 2025 pour cet amical partage…

Par Anne Maurellet, photos Alain Pelletier (tamkka)

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