JAZZ360 2024 : 15 ans, entre enfantillages et maturité. Samedi 1er juin 2024 à Cénac

Chocho Cannelle

Camille Heim : harpe electro llanera
Léo Danais : batterie
Arthur Guyard : piano, claviers
Timothé Renard : clarinettes

Comme à Roland-Garros, le premier set démarre fort ; Chocho Cannelle est bien décidé à ne laisser personne indifférent.

Après une intro un peu planante, le set commence par « High point » un titre enlevé où le piano, à contretemps laisse la clarinette répondre à la harpe et à la batterie.

A l’instar de Marcus Miller, Timothé Renard empoigne un instrument rare en jazz, la clarinette basse. Elle converse avec les notes aigues des cordes de la harpe ; cette « Incubation » de sons (titre du morceau), sur un rythme ternaire mid tempo, sert une jolie mélodie originale.

Pour suivre, une belle balade composée par Arthur Guyard pause un instant le tempo, et permet de mieux écouter la douceur de la harpe ; cela contraste avec le titre qui suit, dont les accents rock et la rythmique nerveuse mettent en relief la clarinette basse matinée d’effets. L’insolite et l’énergie se croisent ici, sans s’éloigner de l’ADN du groupe, résolument esthétique et délicieusement éclectique. « La Valse à Jeanne », composition de Camille Heim est extrait du premier album de ce jeune groupe et qui ne va pas tarder à sortir. Il est déjà l’heure du dernier titre, « Désorienté », fait de rythmes et d’effets, où Léo Danais, batteur et co-fondateur du groupe se lâche en solo, sans perdre le nord pour autant.

Comme le souligne le site de Chocho Cannelle, ce quartet jazz est résolument moderne ; la connexion des instruments électriques et acoustiques, autant que l’écriture et les improvisations, proposent un jazz actuel très accessible et à la fois singulier, joyeusement décomplexé et d’une belle fraîcheur, comme on le dit par ici de ces jeunes vins prometteurs.

Le timbre de la harpe llanera électrique n’est pas sans rappeler l’univers aux accents latins d’Edmar Castañeda, mis en lumière par Hiromi lors de leur collaboration live en 2018.

Le son chaud de la clarinette, les claviers et l’usage « percussionniste » de la batterie nous embarquent aux confins du jazz, de l’électro et des musiques du monde.

Créé en 2020, lauréat du Concours National de Jazz à la Défense en 2022 et finaliste du Tremplin Rezzo Jazz à Vienne 2023 (dont Action Jazz est partenaire), ce Chocho Cannelle a tout le parfum d’un projet inédit qui peut devenir grand.

https://www.camilleheim.com/chocho-cannelle

Set-list :

  • High point
  • Incubation
  • Hystérie du mec
  • Nuotare
  • Cavalcade
  • Valse à Jeanne (1er album)
  • Désorienté

Rappel

  • Entra cuerdas (Edmar Castañeda)

Giovanni Mirabassi & Guillaume Perret New Quartet « The swan and the storm »

Giovanni Mirabassi : piano
Guillaume Perret : saxophone
Clément Daldosso : basse
Lukmil Perez : batterie

Comme à Roland-Garros, les peoples sont à Jazz360. Alex Dutilh (from Radio France), Roger Biwandu (from Palmer) sont venus apprécier un second set, que nous qualifierons de plus classique sur la forme, quoique Giovanni Mirabassi soit connu pour sans cesse rechercher de nouvelles collaborations, pour nourrir son inventivité.

Ce soir c’est avec Guillaume Perret le saxophoniste, qui a sorti pour un soir ses doigts de la prise électrique, le jeune Clément Daldosso (contrebasse) et son fidèle batteur Lukmil Perez que Giovanni vient délivrer quelques-unes de ses nouvelles compositions.

Nul n’est prophète en son pays ! Giovanni Mirabassi, qui a vu le jour à Pérouse en 1970, (là même où le festival UmbriaJazz est né il y a 50 ans tout juste), est un des pianistes les plus présents sur la scène jazz française. Cela n’est pas pour nous déplaire.

Sa carrière décolle en 2001 avec la sortie « d’Aventi ! » un hommage à la liberté et de chants partisans de tous les pays.

Récompensé par plusieurs disques d’or, un Django d’or et un prix de l’Académie du Jazz, Mirabassi a multiplié les rencontres musicales et les collaborations avec des noms prestigieux et variés, de Chet Baker à Stefon Harris, en passant par Natalie Dessay, Serge Lama ou Charles Aznavour.

Dans le jazz, Henri Texier, Marc Berthoumieux, Loïc Pontieux, Hadrien Feraud, Laurent Vernerey, Linley Marthe, Damien Schmidt, Nguyên Lê, Flavio Boltro, Michel Portal, André Ceccarelli, Rosario Giuliani et Rémi Vignolo démontrent que le spectre de cet artiste est aussi large que profond.

Avec le nouvel album « The Swan and the Storm », Giovanni Mirabassi installe avec le saxophoniste Guillaume Perret un dialogue intense, lyrique et poétique, qui, dans son titre, ne peut cacher une inspiration soumise aux tumultes des diverses tempêtes de notre époque.

Amoureux du chant (cf. projet hommage à Léo Ferré avec Nicolas Reggiani « Léo en toute liberté »), on lui doit la découverte de la chanteuse de jazz Sarah Lancman qu’il produit sur son label discographique Jazz Eleven. Il est fondé en 2017 par et pour les artistes, avec le but de produire des albums de A à Z, d’éditer des vinyles et de rééditer des anciens disques, de faire connaître de nouveaux talents et d’organiser des concerts en France et à l’étranger.

Le personnage de ce sideman de luxe discret et policé cache un être libre et indépendant, sensible aux histoires et aux personnalités authentiques ; « The Swan And The Storm » (sorti en 2022) est la synthèse de tout cela. Ce projet utilise le souffle du sax comme une voix et prouve une fois encore que le pianiste franco-italien, et cette fois Guillaume Perret, se retrouvent encore là où l’on ne les attendait pas.

Le concert débute par un morceau bop et pause le set au plus haut niveau. Giovanni, qui n’est pas si timide, prend volontiers la parole. 

« Red for Fred », hommage à Fred Hersch poursuit le concert ; sachez que le pianiste américain a bien aimé le titre ! Il fallait être dans la salle de spectacle de Cénac pour profiter des explications complètes sur la genèse du titre.

Le troisième morceau, est une belle balade au refrain suave comme le son du baryton que Guillaume Perret caresse. Ce dernier ne nous a pas habitués à ce genre de propos, lui qui d’habitude explore le saxophone, le distord, le triture, l’électrifie, l’électrocute presque !

« Cinquantuno » (sans commentaire, même si ce n’est déjà plus d’actualité) puis « The swan and the storm » suivent : ce titre éponyme du CD est une mélodie très cinématographique. A mon avis, le cygne y est bien plus présent que l’orage. La douceur de cette composition est très significative d’une autre facette de Mirabassi, celle de ses escapades dans la composition pour le grand écran (et le petit aussi) ; ce talent d’écriture particulier n’est certainement pas étranger à ce ressenti-là.

Un titre plus funk (« Go with the Flow ») poursuit le set et contraste avec la calme rêverie du cygne. Voici donc venu la tempête ?

« Maidan Rhapsody » est un morceau très énergique, à contretemps où la grosse mise en place, démontre la totale maitrise technique de l’ensemble du quartet. Il met en lumière Guillaume Perret, qui exécute un gros solo de sax et Lukmil Perez qui l’imite à la batterie.

« Khadidja », le premier rappel est un titre plus ancien, interprété sans saxophone et le second, le « Chant des partisans », dont la reprise a propulsé Mirabassi, est une élégante manière de terminer cette soirée et de boucler la boucle.

Mirabassi, le très discret sideman au chic italien impeccable, lorsqu’il joue aux côtés des plus grands de la scène jazz et variété, est en fait Giovanni le facétieux, musicien malicieux et farceur, voire chambreur. Son instinct de liberté musicale, autant que philosophique, ne se dément pas années après années ; il est et demeurera une des plus belles personnalités pianistiques de notre époque.

Set-list :

  • Messis or Misses
  • Red for Fred
  • Cinquantuno
  • The swan and the storm
  • Go with the flow
  • Maidan rhapsody
  • Getting Nasty

Rappel :

  • Le chant des partisans
  • Khadidja

https://www.jazz360.fr/

Par Vince, photos Alain Pelletier

Galerie photos :