Autour de Joni Mitchell

17/09/2022 – Eglise de Trois Palis – 11h
Julia Robin, violoncelle, voix

Julia Robin commence par décliner les notes, l’aube ou le crépuscule de la musique, elle fait résonner la voix profonde de la contrebasse avant que la sienne, claire, ne s’y mêle et que les deux s’entremêlent.

La contrebasse traduit la tension dramatique de la chanson de Joni Michell autour de l’échec d’un mariage, Julia y transpose l’univers de la chanteuse, raconteuse de quotidien, réalisme poétique, une plainte énergique !

Parfois la contrebasse ponctue, ironise, illustre les paroles ; les élancements de la voix de Julia Robin deviennent elle-même instrument comme avec Blue.

Julia a décidé que l’ordre des chansons saisirait à vif l’instant comme Joni Mitchell l’attrape dans ses textes, hymne à la liberté chérie, parce que « reflexion have lost memoried ». Tout est à portée

de regard, de main, de voix. Elle chante la note, et ex-tend. Nous, nous entendons la soif de vie et ses camaïeux, ses clairs-obscurs aussi, ses joies fugitives, ses peines effacées, l’odeur de l’air, la lumière dans les mots, le désir ; ne pas mourir avant d’avoir vécu, senti. Julia en exhale tous les parfums.

Elle a dit : « merci la vie »…Nous, merci Julia.

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Catherine Delaunay
Tony Hymas

No Borders

Foyer communal de Trois Palis – 20h30
Catherine Delaunay, clarinettes
Tony Hymas, piano

Catherine Delaunay regarde la partition, le thème posé, elle lève les yeux vers le ciel, puis les ferme, c’est ainsi que nous nous envolons, avec elle.  Le ton est enlevé et le piano de Tony Hymas suit le même chemin, sautillant, comme deux compagnons se prendraient par le cou un beau jour de revendication des libertés.

Pourtant l’orage gronde et chaque note dédiée à Michel Portal traque la fébrilité, fine pagaille des sens, appuyée par les accents précieux de la clarinettiste. Le duo forme résolument deux parallèles et pour maintenir l’énergie finisse par une belle montée chromatique.

Le souffle de Catherine exprime autant de sentiments qu’il en est possible, nous laissant des frissons dans les yeux…chaque son fait partie d’un prisme d’émotions, Jusqu’au dernier souffle sur  des Lettres d’amour écrites par les Poilus.

Quelques soient les morceaux, ingéniosité, revendication et tendresse s’associent, tout instant devient délicieux, habité par des sonorités délicates. Les échappées sont toujours virevoltantes mais comme en apesanteur – nous y sommes…

Trois pièces aux approches bien différentes suivent : suavité pour la première, tempo frénétique pour la deuxième, la troisième reprenant les deux, entrelacement que piano et clarinette nouent.

Puis une composition sur fond de poème American dream de l’activiste shawnee Barney Bush, on entend les « ashes », la responsabilité d’un pays face à ses enfants, ce qu’il reste d’un rêve : les doigts du pianiste volètent sur les touches comme une nuée de papillons, inconséquents ?, Catherine Delaunay nous a emportés vers eux.

Les compositions de Catherine Delaunay et ses choix sont remplis de la curiosité au monde, de  riches interrogations toujours arrondies par une intelligente, sensible et profonde…légèreté !

Christiane Bopp

Les jours rallongent

Foyer communal de Trois Palis – 22h30
Denis Charolles, batterie
Christiane Bopp, trombone
Sophia Domancich, piano

Le trombone a coulissé, il impose sa marque d’entrée puis s’assourdit comme une plainte ; chaque note devient somptueuse puisque Christiane Bopp l’accompagne dans le moindre de ses résonnements…

Chaque instrument semble vouloir s’inscrire dans la mémoire de l’autre, tour à tour s’affirmant puis s’appliquant à suivre l’autre. Enfermement obsessionnel, monologue empesé, peut-être coléreux, mais c’est ainsi qu’ils se rejoignent. La facture est la même. Ça ressemble à notre monde, non ? Quand le dialogue s’instaure, c’est que les dynamiques s’assimilent. L’harmonie n’en a que plus de prix.

La puissante vigueur de Denis Charolles fouettant sa batterie strie le trombone à deux voix, bouché pour le ferrer, souvent pour vitupérer, la conjugaison des deux incite le piano à jeter de façon intermittente des gouttes d’eau sur l’ouvrage, son accélération précipitant la batterie vers un frétillement métallique qui provoque à son tour une pluie acide d’accords de Sophia Domancich. Le trombone reprend sa place, inquiet, jusqu’à la courbe parfaite de son dernier son.

Trombone fait cor dont le souffle nous conduit immédiatement dans les steppes ou quelque pays au vaste espace ; bientôt flûte, le son saisi la fragilité de l’air, de l’être et, ne se contentant jamais de la note, la perturbe, la tourmente, c’est alors presque une voix. Le piano en prend la souffrance et la batterie se déploie, la couvrant. Reste la beauté.

La pianiste dévoie un vieux blues tandis que la batterie lance des piques sur ses angles. [je peux?]. Ces éclats resurgissent dans le pavillon du trombone. Comment décrire autrement aujourd’hui un monde en ébullition sans accélérer le chaos d’une composition contemporaine où chaque instrument ne renonce pas à sa revendication parce que traduire, c’est dénoncer, voire se révolter. C’est puissant, furieux, les trépidations du piano en témoignent. On entend des souffles oppressés, plainte tardive.

En rappel, une valse impossible, fracassée et tentée, en décomposition, balayée par l’exceptionnelle densité du batteur Denis Charolles, les pulsations exigeantes de la pianiste Sophia Domancich ; la tromboniste Christiane Bopp y étend ses lignes majestueuses pour qu’ils retournent désespérément vers l’harmonie.

Par Anne Maurellet, photos Jean-Michel Meyre