« Élévation » – Rocher de Palmer – 18/10/2019

Par Dom Imonk, photos Alain Pelletier.

Quand l’ovni Guillaume Perret & The Electric Epic se posa un soir de mai 2015, au Rocher, ce fut un véritable choc ! De la soucoupe magique « Open me », l’album de l’époque, s’étaient échappées dans la nuit, mille et une étoiles en vibrations electro-groove, on parlait alors de « heavy metal jazz », et, telles des comètes aux queues aurifères, elles y laissèrent de scintillantes poussières, qu’on a retrouvées ce soir dans ce nouveau projet, tout aussi palpitant, très justement nommé «Élévation ». Même si l’on y détecte quelques traces de la bande originale de « 16 Levers de soleil », film de Pierre-Emmanuel Le Goff consacré à la mission de l’astronaute français Thomas Pesquet , Guillaume Perret nous a bien précisé qu’ « Élévation » est une tout autre aventure, dont le disque non encore sorti ce jour-là, pouvait expliquer la salle clairsemée, et les quelques dates en souffrance qu’il déplorait, dont on espère pour lui qu’elles seront fixées au plus tôt. La lumière rouge qui éclairait l’intérieur de la gorge du sax de 2015 a laissé place à un jaune incandescent, mystérieuse lueur, dont l’intensité du souffle solaire qui la propage, favorise dès les premières notes le décollage, qui nous entraine avec force.  Le reste de la scène est dans l’ombre, mais se dévoile vite l’impressionnant appareillage qui entoure Guillaume Perret, lui vêtu d’un noir au look de spationaute grungy, chef d’un orchestre futuriste, aux commandes d’un bizarre atelier hybride non terrestre, ambiance Terry Gilliam version Brazil garantie. Il nous confiera plus tard qu’il s’est construit et a développé ce poste de pilotage, au fur et à mesure de ses escapades. Cet outil complexe lui permet de voyager dans un univers mutant, où se côtoient des scories jazz, prog et electro, et où alternent et se mêlent voix acoustique « classique » du sax et sonorités et strates électro, peuplées de samples et de divers autres bruitages. Nous voici donc fixés dès le départ, sur les possibilités du saxophoniste, inventeur d’espaces singuliers et insatiable explorateur d’ailleurs sonores.  Pour mener à bien cette « élévation », il a su s’entourer de musiciens à forte personnalité, eux-mêmes très attachés à la diversité, et à ce courant fort qui bouscule le jazz, quitte à lui causer de salutaires tourments, version clean, traduisons donc par « des coups de pieds aux fesses » ! Ainsi, avons-nous eu la surprise de découvrir à ses côtés un Gauthier Toux, excellent et inventif en diable aux claviers électriques, lui qui avait déjà enchanté le public bordelais il y a quelques années, avec son épatant trio acoustique de l’époque. Une rythmique d’airain est également de la fête, voyant Julien Herné (basse électrique) et Martin Wangermée (batterie, pads), associés de deep groove, et maîtres agitateurs de pulsations entrelacées époustouflantes, la basse toute en lignes de morse répétitives et décisives, propices à la transe intérieure, et la foisonnante batterie, qui chauffe à blanc ses sons, fait tournoyer le chant des pads et jaillit de toute part, en une pyrotechnie poly rythmée. Comment voulez-vous qu’avec une telle équipée nous ne soyons pas d’entrée catapultés dans l’espace !?

Ce soir, tout a commencé par un morceau assez spatial, porté par un gros son genre marche inexorable. Une sorte de flow irrésistible s’est alors installé, comme l’envol d’un vaisseau, soutenu par une basse hypnotique et un drive de batterie astronomique, ce qui convenait parfaitement pour soutenir le chant puissant de l’electrosax et les drapés voluptueux des nappes de claviers.  Le deuxième thème, introduit par un sax arabisant, nous a accueillis sur un tapis volant répétitif, servi de sonorités mystérieuses et ondoyantes, et peu à peu se sont ouvertes les portes d’un royaume plus planant où se sont côtoyées des multi couches de sax, des voix samplées, et de douces notes genre « musical box », suggérant de bizarres comptines. Une grande envolée lyrique au sax acoustique, suivie de tout le groupe dans le même ton, nous indiqua alors que nous avions surement dû traverser le mur invisible du rêve, hypnotisés que nous devenions, par de très jolis sons de claviers, figurant une fragile complainte venue d’une autre planète, le tout truffé çà et là de délicieux parasites électro. Mais ce ne fut pas la seule fois. Ces belles histoires, à l’onirisme singulier, alternaient avec d’autres récits, nettement plus énergiques, figurant par endroit les fulgurants départs d’engins spatiaux (d’ailleurs, à ces instants, étions-nous dans l’habitacle où dans le réacteur ?), à l’essence rock, rendue par un son de sax frelaté, comme en distorsion « hard », et par l’omniprésence des battements de cette monstrueuse rythmique.

C’est un peu ça la magie « Perret », savoir fédérer un groupe de poètes électriques, aux accents et envies multiples et actuels, pour raconter de belles histoires, entre galop effréné et quiétude rêveuse, et nous inviter à en devenir les acteurs, le temps d’un concert. Le rappel nous « éleva » encore. Nous avions l’impression d’admirer notre planète de tout là-haut, à travers les hublots d’une navette spatiale. Tout semblait devenir fou, en apesanteur, et nous faire abandonner la notion terrestre. Un son presque étouffé de sax (gorge serrée devant tant de beauté ?), la rythmique en course folle, les voix et chœurs d’un opéra crépusculaire, sur fond de claviers rêveurs, impression Pink-floydienne, façon « Atom Hearth Mother », les poils dressés sur les bras, les larmes aux yeux… Un chant d’amour pour la Terre que des irresponsables tuent. Une vraie « élévation », pour mieux nous en faire prendre conscience. Nous y étions ! Merci à Guillaume Perret et à ses coéquipiers addicts des mondes parallèles, pour ce superbe voyage ! Nul besoin de 16 ou même de 20 levers de soleil, nous ne l’oublierons pas ! Désormais, nous sommes tous « Into the infinite » !

Par Dom Imonk, photos Alain Pelletier.

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