Apérojazz au Point CaRré à Angoulême -21/10/2021

L’enchantement de la voix, c’est chaque note portant le vécu de l’artiste ou sa sensibilité en live. Duo charmant ici avec Didier Fréboeuf au clavier avec délicatesse. On glisse doucement dans les chaises devenues fauteuils de délice… Le temps prend enfin la teinte des subtilités mesurées incessamment dans la mélodie de Nature Boy.

Le doigté de Didier Fréboeuf privilégie toujours la tendre sse, attentif aux variations ténues des cordes vocales de la chanteuse Rachel Farmane. Comment laisser au-dessus de soi les voix des grandes de jazz, travailler l’authenticité de sa tessiture propre ?  Sens, sons et intensité s’équilibrent alors et vibrent dans ce Beautiful Love.

Bien sûr, ça parle d’amour, ça le filtre, l’appelle, s’en désespère dans cet Afro Blue et  Is you is or you ain’t my baby.. .Désir de reconnaissance, de légitimité ; on entend les revendications à peine revêtues de l’habillage du discours amoureux. C’est ce qui peut en faire la force ! Le groove est raffiné, il n’empêche…

Conjuguer le printemps au bord de la Seine sous les arbres dont on entend le bruissement des premières feuilles d’April in Paris à la faveur de la brise. Il « suffirait de presque rien », ici, fermer les yeux.

Le duo revisite Come together et met en relief l’injonction joyeuse, voix et piano volontaires pour en changer les couleurs, proposer un nouveau prisme. On est enchantés.

Avec I’m feeling good, le piano frémit sous le doigté volubile de Didier Fréboeuf annonçant les trémolos magnifiquement maîtrisés de Rachel Farmane.

Pour dépasser les standards, il faut parfois s’immiscer à l’intérieur et faire entendre. On ajoutera tout simplement. Intelligente simplicité, qui explore la sensibilité d’une mélodie telle que Cry me a river que l’on aurait pu croire trop connue…

Les mains du pianiste sont bien celles du jazzman, mais le toucher rejoint la finesse du vocal. Et Didier Fréboeuf nous propose une de ses compositions comme un petit matin à pas feutrés. Un chat somnole, la buée a changé les vitres d’aspect et l’on aperçoit sûrement une prairie indécise dans la rosée. La voix de Rachel Farmane l’accompagne dans cet entre-deux, en demi-teintes, qu’il sait observer, transcrire. Lui-même chante un peu, le sait-il ? prolongeant son jeu.

Ils recolorent tous deux les morceaux des Beatles. Là, les dégradés d’automne enrobent habilement les harmoniques. On redécouvre alors une profondeur habituellement asphyxiée par les écoutes répétitives de Lonely people. Didier Fréboeuf en déploie la beauté.  

Superbe intro du pianiste sur Billie Jean de Michael Jackson. Il en dégage un tourbillon aux rythmes accélérés, une danse forcenée s’élabore ainsi, enrichissant le groove.

C’est une très belle saison qui s’annonce au Point CaRré !

Anne Maurellet