Trio Rhizome

16/09/2022 – « Soirs bleus » – Foyer communal
Alain Blesing, guitare
Claudie Boucau, flûtes
Richard Hery, batterie/percussions

L’harmonie est-elle possible quand la déglingue donne le non-sens de la vie, et partant l’humour, parce que la vie, c’est parfois comme ça, pas l’apparent et délicieux équilibre, mais tout ce qui la moque, l’interroge, la distend dans un clin d’oeil country For Bill.

Pourtant, Alain Blesing rattrape la rythmique de la batterie façon percu de Richard Hery, la flûte les traverse, et  tous trois nous embarquent dans les contrées bulgares où les danses sont des odes légères à la nature : couleurs, chants de fleurs envahissent la scène. Un court instant y suffit.

Alain distille les secrets de sa guitare par touches successives. La tendre batterie accompagne les accords dont l’écho et le silence livrent encore plus de profondeur, appuyant l’envolée délicate de la flûte traversière de Claudine Boucau.

Juste gratter une note sur la guitare pour que s’élèvent des autres instruments les déserts arabisants, toujours une ébauche ciselé comme un objet fini.

En quelques morceaux, le trio Rhizome dessine un univers sensible, son attention au monde -la musique a des causes à défendre-. Les cris des baleines enregistrés ici sont ponctués de notes « humaines » qui voudraient les rejoindre, s’en approcher au moins, les honorer. Une tentative de dialogues, une osmose parfois quand le son de la guitare saisit le chant des cétacés, la flûte, les  aigus allongés, les mouvements mêmes. On se glisse dans les profondeurs merveilleuses.

Le trio Rhizome aime entendre ce que les sons évoquent pour les éclairer par une douce simplicité, juste l’essentiel. Une « potée » en terre cuite marque le tempo par résonance et sons étouffés, une brassée de brindilles rythme le morceau sur le genou de Richard Héry, et la flûte en appui discret nous entraîne juste au-dessus de l’eau, sur le Sweet ocean.

L’archet de Richard Héry scie le bord des cymbales et ponctue la mélodie des Feuilles d’automne »  emportées par le vent de la flûte africaine. Les feuilles partent ainsi encore plus loin, soufflées méticuleusement, soulevées par la batterie qui mène maintenant la danse. Les accords parcimonieux d’Alain Blesing construisent patiemment l’atmosphère, forment un ralenti, un focus sur la scène ainsi décrite : traduction musicale des mots.

Un panneau de petits gongs finement effleurés, une flûte en bois aux sons soufflés comme des échappées et les hauts plateaux d’une contrée envahissent la salle… La guitare les suit, survolant les crêtes, prenant l’air dans chaque note amplifiée ou grattée comme un oiseau s’éloigne en désespoir. Reste la beauté des lieux, son mystère, sa nécessité.

Caravan démarre sur les chapeaux de roue, pour enlacer le morceau, ensorcelant : toujours une rythmique maintenue sur laquelle se tisse l’imaginaire des musiciens.

Suit La Fille du berger aux consonances turques, encore un espace où les scies circulaires savamment percutées par Richard Héry nous déposent. Les morceaux souvent courts veulent juste suggérer…

Kaïros, le moment opportun, peut-être est-ce pour Alain Blesing et le trio, l’espace où poser les sons, juste au bon endroit, pour se lover, à la rencontre des instruments, des mélodies, des échos, du silence aussi.

Pour le rappel, Sans gravité, ou sans gravité ?, les sons ne tombent pas, enfin, ils rebondissent : s’ils dévalent une pente, ils ont vite fait de la remonter, anarchiquement, et c’est bon ! Rebonds, jetés, course frénétique, électrons insaisissables, fous de leur folie. Même pas grave !

En fait, Alain Blesing et le trio Rhizome jouent des poésies…

Par Anne Maurellet, photos Jean-Michel Meyre