3 jours de rencontres et de partages au cœur de la bastide du XIIIe siècle

Quoi de mieux que de débuter l’édition 2022 du festival avec un peu d’histoire dans le cinéma que l’association fait vivre toute l’année. Ce jeudi 7 juillet Franck Dijeau a présenté son livre « Tempo du jazz » 190 pages très fournies et abondamment illustrées, il relate l’histoire des personnages et des événements qui ont marqué et balisé le jazz. Un ouvrage à lire de plusieurs manières, chronologiquement ou en picorant au hasard, avec de quoi écouter de la musique à côté !

Ainsi lancée la musique du multi-instrumentiste Christian Paboeuf peut envahir l’Eden. Christian développe une interprétation tout en nuances qui colle au plus près aux images d’un Charlot espiègle. Cette douceur fait le bonheur des petits et grands enfants qui s’esclaffent à chaque pitrerie de l’acteur !

C’est parti pour 4 jours de bonheur jazz au cœur de la seule bastide bâtie au XIIIe siècles sur les hauteurs de Gironde.

« le jazz s’installe jusqu’à dimanche »

Vendredi matin à l’heure où les maraichers, bouchers et autres poissonniers s’emploient à ravitailler des monségurais toujours plus épicuriens, retentit à quelques encablures de la halle bi-centenaire la clarinette de Denis Girault. « Oyé oyé bonnes gens » le jazz s’installe jusqu’à dimanche. Celui qui résonne maintenant est «New Orléans», et il doit beaucoup aux pionniers du début du 20ème siècle, d’ailleurs la formation porte le nom de Bord’ Old Jass Band » !

L’heure de l’apéro du soir approche ! Les terrasses des arcades se chargent au rythme du Brassodromme, brass band qui mélange les douces saveurs du malt et de l’orge dans une ambiance cuivrée. Il croise le chemin du Bord’old Jass Band revenu distiller ses notes résolument optimistes ! L’ambiance monte crescendo au doux soleil du début de l’été synonyme de vacances !

On perçoit les premiers sons de la scène principale au fur et à mesure que l’on s’approche des tilleuls. Polylogue From Silla répend son impeccable groove, déclinant toutes les meilleures influences afro-américaines; Neo-soul, Jazz, R&B, Hip-hop et Electro se mêlent.. Le Grand prix du jury Action jazz et FIP en 2020 peut enfin s’exprimer sur la scène de Monségur pour le bonheur d’un public d’amateurs, public qui ne s’y est pas trompé en venant découvrir les sons de cette formation si particulière qui réussit à concilier le jazz originel avec les tendances contemporaines ! Du grand art !

Raphael Lemonier

« Rencontres avec les trovadores……de la Trova cubaine ! »

Le voyage se poursuit vers la Caraïbe où le pianiste Raphaël Lemonnier est allé puiser la source de son nouveau projet. Rencontres avec les trovadores, ces groupes de troubadours qui chantaient des habaneras, des guajiras, où boléros, chansons sentimentales nées vers 1880 à Santiago de Cuba, berceau de la Trova cubaine !

Une heure trente de dépaysement total offerte par des musiciens venus d’horizons différents qui embrassent à merveille les desseins du créateur de la « Trova project ».

La guitare Blues de Remi Chasseron, les percussions de Xavier Dessandre-Navarre, la contrebasse de Lilian Bencini se mêlent aux arrangements éclatants d’un pianiste qui a chaque sortie nous gratifie d’un merveilleux spectacle. Pour transcender cet ensemble Raphael a réuni la chanteuse flamenco Clara Tudela et la chanteuse cubaine, grand prix jazz de la Havane, Eliene Castillo dans un duo qui rend hommage à l’éclatante beauté des femmes cubaines. J’ai lâché une petite larme sur le dernier morceau où Raphael Lemonnier, sur de magnifiques arrangements et une interprétation magistrale, a offert à Eliene Castillo un « Besame Mucho » d’anthologie !

David Linx

Le chanteur David Linx attend son tour avec impatience en coulisse. Ce perfectionniste s’apprête à livrer sur la scène des tilleuls un récital dont il a le secret. Appuyé par une solide rythmique amenée par la fougue du pianiste Grégory Privat, David Linx installe peu à peu son univers. L’originalité de ce funambule vocal n’est pas sans rappeler l’extravagance d’un Al Jarreau ! Doté d’une technique remarquable il alterne paroles, onomatopées, chuchotements avec aisance, toujours soutenu par une gestuelle très personnelle qui a fait le bonheur des photographes ! Même si ce n’était plus à prouver, David Linx a montré dans la tiédeur de l’été monségurais, qu’il était l’une des plus belles voix que compte le jazz en ce moment !

Allez tous au lit ! Demain la journée s’annonce riche !

« Chaque lieu se révèle dans des récits ciselés »

Samedi, début d’après-midi, à l’heure où la formation « Swing of France » entame sa balance sous la halle, le collectif Street Def Record a donné rendez-vous à des festivaliers en quête d’histoire. Je fais partie de ce groupe de curieux et j’ouvre grand mes oreilles lorsque Fleyo explique comment va se dérouler la visite slamée de la bastide.

C’est parti pour 1h30 de déambulation aux rythmes des instruments de Titouan et des textes improvisés ou non de Daïtoha et Fleyo.

Le résultat est à l’image de ces poètes contemporains, instructifs, harmonieux, plein d’humour et de chaleur !

Les arcades, la rue qui penche, celle du soleil, les remparts, chaque lieu se révèle dans des récits ciselés où la puissance des mots rencontre celle de l’histoire, parfois la grande histoire mais surtout celle de ceux qui ont fait la vie de cette bastide très ancrée dans la « fête ».

Pour un coup d’essai c’est un coup de maître ! Nous retrouverons à coup sûr ces très sympathiques slameurs dans les prochaines éditions du festival !

16h00 la radio s’est installée sur la terrasse du Monseg. Isabelle Carle invite aux micros de France Bleu Gironde les principaux acteurs de cette 32ème édition des 24 heures du swing ». 3 heures d’émission en live qui débute avec le Bord’ Old Jass Band  et le Brassodrome qui proposent chacun deux morceaux joués en direct.

« Moment d’échange primordial du festival »

Sous la halle ce sont les élèves de la classe jazz du collège Eléonore de Provence qui viennent présenter le travail réalisé dans l’année. La halle est remplie pour l’occasion d’un public tout acquis à la cause de ces jazzmen en herbe. Après une prestation du big band des 6ème très remarqués, les autres classes enchainent pour laisser terminer l’atelier du lycée Jean Renou de la Réole. Un concert aux allures de spectacle de fin d’année, moment d’échange primordial du festival qui chaque année démontre que le jazz reste bien vivant et encore pour longtemps !

D.O.T.

« Ah transmission quand tu nous tiens ! »

19h00 la scène principale programme l’un des lauréats du dernier tremplin jazz de notre association. Don d’Organ trio avait tapé dans l’œil du jury en Février dernier. Le funk que les 3 musiciens pratiquent n’avaient pas laissé indifférent et c’est avec plaisir que nous avons retrouvé Louis, Pierre et Romain en ouverture de cette soirée funk du festival de Monségur.

D.O.T a transporté une nouvelle fois son public grâce à un groove solide. Public conquis où l’on a pu apercevoir le papa et l’oncle de Romain qui ont eux aussi dans leur temps fait apprécier leur gamme dans ce festival ! Ah transmission quand tu nous tiens !

Brooklyn Funk Essentials

« Le festival a parié sur le Hip Hop »

Après quelques sueurs froides liées à une grève du personnel aérien, les new yorkais du Brooklyn Funk Essential débarquent sur scène, avec des instruments de remplacement puisque les leurs étaient encore bloqués à l’aéroport. Heureusement l’organisation avait tout prévu ! Le Brooklyn peut entrer dans le vif du sujet et c’est ce qu’il fait brillamment, faisant danser le millier de spectateurs heureux de pouvoir enfin bouger à moins d’un mètre de la scène. Leur savant mélange de jazz, funk, soul parfois hip hop, a ensorcelé le public monségurais qui a eu bien du mal à laisser partir les musiciens du groupe qui eux n’ont pas hésité à faire monter leurs fans sur scène pour partager d’encore plus près leur musique ; nouveau moment de communion qui sont l’un des marqueurs de ce festival hyper convivial !

Sax Machine

Pour terminer cette soirée le festival a parié sur le Hip Hop de Sax Machine. Certains ont été quelque peu déstabilisés, voire énervés par ce choix engagé. Pourtant Sax Machine a encore prouvé que le jazz est bel et bien vivant prenant ici une expression plus contemporaine. Depuis sa création il a pris diverses formes qui n’ont pas toujours plu !  Dans son histoire le jazz s’est enrichi de nouvelles esthétiques puisées dans la musique savante européenne, dans les rythmes africains, dans les musiques de la rue…

Le saxophoniste Guillaume Sené, le tromboniste Pierre Dandin et le rappeur de Chicago, RacecaR ont analysé cette histoire et la transcrivent dans un magnifique show où l’on perçoit des grands standards de jazz ! L’improvisation est omniprésente ! N’était-ce pas l’essence même du jazz ?

« Swing of France a enflammé la piste de danse »

En parallèle les danseurs et amateurs d’un jazz plus classique pouvaient apprécier le swing musette de « Swing of France ». Héritiers des valses swing de Tony Murena, Gus Viseur et Jo Privat, mais également du collectif « Paris Musette » le guitariste Thomas Le Briz, l’accordéoniste Erwan Mellec et les leurs ont enflammé la piste de danse, piste peut être un peu trop sommaire aux yeux des danseurs habitués à la chaleur du bois des parquets ! Les organisateurs ont entendu les quelques doléances et vont dès l’année prochaine soigner cette partie du festival et même sûrement la développer !

La tradition des 24 heures swing veut que les festivaliers n’aillent pas se coucher tôt. Cette année le foyer refait à neuf pendant l’hiver a donc pris de relais dès 23h30 avec le Flyin Saucers revenu à Monségur pour fêter ses 25 ans. Pas de doute le zydeco, rock ‘n’ roll « ça conserve » à l’image du leader de ce groupe l’harmoniciste et chanteur Fabio qui n’a pas pris une ride ! L’ambiance monte dans le foyer, la buvette sur la rue ne désemplit pas. L’ambiance « Féria jazz » est bien de retour et qu’est-ce que ça fait du bien !

D’autant plus que la nuit se poursuit avec le funk endiablé de Rix & the Wonderland qui n’a pas manqué d’asseoir sa notoriété avec une prestation dont seul le guitariste a le secret.

Il est près de 4 heures, l’heure de pousser les portes des cuisines pour aller engloutir un bol de garbure bienvenu et de continuer à refaire le monde !

Après une courte nuit je me rends encore endormi à la messe de 11h00 où la chanteuse et claviériste Marylène Olivier s’apprête à animer la messe avec la vingtaine de choristes qui ont participé au stage qu’elle a donné la veille au cinéma Eden. L’Evêque en personne célèbre cette messe plutôt inédite à Monségur où les chants religieux ont pris des allures gospels grâce à une interprétation renversante de la chanteuse. L’évêque évoque dans son sermon l’engagement des acteurs de ce festival et se félicite des moments de communion qu’ils engendrent !

« 3 ans que ces formations attendaient de pouvoir se produire à Monségur »

Midi, sous les arcades les terrasses des restaurants sont envahis par les festivalier venus déjeuner et écouter les groupes de la région. Ça faisait 3 ans que ces formations attendaient de pouvoir se produire à Monségur. Nancy la chanteuse de 3 Foy We, Hervé de Sunny Side et Stéphane de la Pompe à Swing ne cachaient pas leur satisfaction de participer enfin au festival de leur territoire. Résultat 2 heures de déjeuner jazz ensoleillé des plus conviviales ! Monségur profite de sa situation géographique pour accueillir ses voisins. Comme il y a trois ans le Big Band des élèves et professeurs du conservatoire de la Dordogne prend le relai sur la scène de la halle. Depuis la création du festival,  rares ont été les éditions où il n’a pas accueilli un big band. Un rendez-vous auquel les organisateurs tiennent particulièrement et qui peut être réalisé grâce à la générosité de ces musiciens périgourdins à l’immense talent !

« Denis nous a transporté dans son univers où le jazz n’a pas d’âge ! »

Dans le même temps Denis Girault entraine son « Claribol Stompers » sur les planches de la scène des Tilleuls. Le clarinettiste nous avait expliqué dans un entretien pour notre gazette l’origine du nom de sa formation : « Claribol c’est la clarinette en argot des musiciens et stomp c’est battre la mesure avec le pied(…) ».

Nous avons pu constater que cette définition n’était pas qu’un sobriquet ! Avec la dérision qui le caractérise et sa personnalité attachante, Denis nous a transporté dans son univers où le jazz n’a pas d’âge ! Epaulé par une rythmique à toute épreuve où le fidèle Nicolas Dubouchet s’en donne à cœur joie, le Claribol Stompers débute cet après-midi jazz de la meilleure des manières !

Une première émotion qui va en amener d’autres

Astrid Veigne

« Astrid nous bouleverse, nous trouble ! »

Vêtue d’une magnifique robe blanche Astrid Veigne vient de monter sur scène. Un rayon de soleil vient illuminer la diva. Le public tombe immédiatement sous le charme après les premières inflexions de la voix de la chanteuse. Le fantôme de ses grandes interprètes qui ont marqué l’histoire du jazz se trouve devant nous bien réel ! Accompagnée par des musiciens pétris de talent, Astrid nous bouleverse, nous trouble !  March Mallow nous amène à une époque où les stars de la chanson étaient Ella, Sarah, Billie ! Une véritable caresse jazz envahi l’auditoire qui frissonne alors de bonheur !  

Kenny Barron

« Glorifier plus d’un siècle de jazz »

L’édition 2022 du festival de jazz de Monségur est sur le point de se terminer. Depuis quelques années ce dernier a pris l’habitude de se finir par la prestation d’une légende. Le pianiste Kenny Barron s’installe derrière le Steinway. Ses doigts se répandent sur le prestigieux clavier avec passion pour glorifier plus d’un siècle de jazz. Kenny Barron, 79 ans, arrive à Monségur auréolé de sessions inoubliables avec les plus grands noms du jazz. On ne s’étonne pas que les meilleurs interprètes de la planète se soient alloués les services de ce magnifique pianiste. D’Abbey Lincoln à Joe Henderson en passant par Freddie Hubbard, Buddy Rich, Ron Carter, Chet Baker, Stan Getz ou Ornette Coleman, tous ont été conquis par ce jeu extrêmement fluide et très élégant.

Un nouveau moment privilégié pour une foule captivée, enchantée, fascinée par ce trio mythique.

Il faudra être inventif pour assurer le prochain final du festival de jazz de Monségur après cette prestation de Kenny Barron et celle, à l’édition précédente, de Monty Alexander !

par Max, photos Alain Pelletier

Galerie photos Alain Pelletier