Festival Jazz 360 – Saint Caprais de Bordeaux 03 Juin 2022

Le festival Jazz 360 ouvre ce soir sa 12e édition aux portes de Bordeaux et de l’été. Le démarrage a lieu non pas à Cénac, sa commune d’origine – ce sera pour le lendemain – mais à Saint Caprais de Bordeaux, autre village de la communauté de communes de l’Entre-Deux-Mers.

L’ambiance est décontractée et festive aux abords de la belle salle, avec restauration sur place. La dynamique équipe de bénévoles de Jazz 360 ne peut cacher l’effervescence ambiante et la joie d’annoncer que cela va se jouer à guichets fermés – (En ces temps frileux post ou entre deux épidémies de covid, on les comprend !) –

Il faut dire que le concert d’ouverture frappe très fort en programmant l’un des piliers du jazz français et international : l’immense contrebassiste Henri TEXIER, en quintet.

L’accueil sur scène du groupe est très chaleureux, comme quand on reçoit un grand artiste à la fois familier et tutélaire.

Le quintet se compose de :

Henri TEXIER : Contrebasse

Sébastien TEXIER : Clarinettes, sax alto

Vincent LÊ QUANG : Saxophones soprano et ténor

Emmanuel BORGHI : Clavier

Louis MOUTIN : Batterie

Dès le premier morceau, une belle énergie envahit l’espace avec une entame très rythmée du trio de base dont Emmanuel BORGHI au clavier (qui participe à ce quintet pour la première fois), puis les cuivres prennent les chorus, tour à tour Vincent LÊ QUANG au ténor puis Sébastien TEXIER à l’alto, c’est précis et en même temps volubile, Louis MOUTIN qui se coule tel un félin sur sa batterie insuffle un groove irrésistible y compris aux balais, Henri TEXIER nous livre un solo magnifique avec sa sonorité si profonde et quelques changements de tempo audacieux.

Comme il nous l’annonce, ils ont joué «Mic Mac » dédié aux Amérindiens du Canada. Il s’agit d’une composition de 2013 extraite de l’album « A l’improviste » sur lequel Louis MOUTIN était le batteur ! Belle manière de l’intégrer, lui qui remplace Gautier GARRIGUE dans le groupe!

Le public réagit tout de suite en connaisseur.

Le deuxième morceau « Oh Elvin » est dédié au batteur « Elvin JONES », paru sur le disque « Alerte à l’eau » de 2007. Sébastien envoie à la clarinette un long solo à la fois très libre et très maîtrisé sur le jeu brillant de Louis en soutien à l’échappée folle au ténor de Vincent.

Le troisième opus est enchainé illico avec un net changement de tempo, plus apaisé, plus serein, pour un bel hommage à 2 personnalités majeures du 20 ème siècle : Simone VEIL et Robert BADINTER. Nous reconnaissons dans ce choix l’Henri TEXIER humaniste. « Simone et Robert » a été enregistré sur « Chance » en février 2020.

La valse est lente, le son grave de la contrebasse souligne le propos ainsi que la douceur lyrique des cuivres (Vincent au Soprano, Sébastien à la clarinette) et le ballet des balais.

Le public partage l’émotion et salue en conséquence.

La quatrième proposition « Pina B. » figure également dans l’album « Chance », Henri est aussi un amateur d’art : la grande danseuse et chorégraphe Pina Bausch méritait une attention spéciale.

Quel groove les amis ! Quel duo de cuivres ! Quel déchainement de Vincent très applaudi ! Quelle énergie d’Emmanuel et surtout quel long et beau solo d’Henri plus pêchu que jamais (avec sa silhouette reconnaissable entre tous les jazzmen du monde et ses baskets jaunes !). Quelle générosité collective ! Quel bonheur pour le public de partager ces moments!

Le cinquième morceau revisite une œuvre de Cole PORTER : « What is this thing called love ? » reprise sur le dernier album d’Henri « Heteroklite Lockdown » sorti en 2022 chez Label Bleu, reprenant des anciennes compositions d’Henri et quelques standards très revisités pendant le confinement covid et joués en trio avec son fils Sébastien et Gautier GARRIGUE

La clarinette experte, le saxo explosif, le clavier rapide et virtuose, la contrebasse à l’ancrage et la batterie d’une vivacité incroyable ! Très revisité vous dis-je ! C’est aussi cet échange qu’on peut appeler de l’amour !!!! Le public ne s’y trompe pas !

Le sixième opus nous transporte en Afrique avec « Fertile Dance » du disque « Mosaïc Man » de 1998.

De l’exigence, mais aussi de l’inventivité et de la folie dans cette proposition très rythmée aux solis de contrebasse et de percussion d’anthologie, avec un retour sur le thème en parfait ensemble ! Quelle maîtrise !

La chaleur est encore montée d’un cran, dans tous les sens du terme, également chez le public !

La septième proposition : « Sacrifice » de l’album « Remparts d’argile » paru en 2000 reprise en 2002 dans « String spirit » nous immerge dans une autre Afrique, plus sahélienne, plus malienne, les cuivres se font plus sahariens avec des accès furieusement free lors du sacrifice du mouton, puis le clavier se fait xylophone pour un beau solo plus apaisé, suivi du saxo tout en lyrisme après l’acte rituel….La rythmique à la présence essentielle tout le long du morceau nous entraine sur un autre duo mené de main de maître, avec son humour habituel par Henri auquel répond brillamment Louis.

Nous assistons à un final collectif époustouflant complètement déjanté que le public acclame ! Henri remercie sincèrement…avant de nous livrer un rappel magnifique.

Rappel : « Besame » également sur son disque de 2022 « Heteroklite lockdown ». Sur cette reprise de la pianiste mexicaine Consuelo VELAZQUEZ datant de 1941, Henri entame en solo, tout en douceur, cordes étirées ce boléro maintes fois joué pour s’en approprier totalement et le mener encore ailleurs, puis tous les musiciens le suivent dans un romantisme absolu, la contrebasse se fait velours, Henri a touché les cordes sensibles ! Le public totalement charmé en redemande mais les meilleurs moments ont aussi une fin… « Hasta luego amigo », faites-nous rêver encore longtemps !

Et longue vie au festival Jazz 360 !

Martine Omiécinski, photos Jean Michel Meyre

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